Vous marchez dans la ville. En quelques minutes, plusieurs émotions vous traversent. Non, vous n’êtes pas lunatique.
Vous visitez une maison, un restaurant ou un bureau. Non, vous n’êtes pas simplement fatigué ou émotif sans raison.
La forme architecturale, les couleurs, les configurations, les lignes, jusqu’aux moindres détails, sont perçues par votre corps comme un langage. L’architecture devient alors un corps qui s’exprime par une communication non verbale.
En réalité, ce ne sont pas uniquement nos yeux qui interprètent l’architecture : c’est tout notre corps, mobilisant l’ensemble de nos sens. Les recherches en neurosciences appliquées à l’architecture l’ont confirmé.
Le concept de gratification immédiate par la seule vision d’un bel espace est récent. Admirer une belle architecture à travers une fenêtre ou une image ne suffit pas : cela ne nous aide ni à comprendre notre ville et son esprit ni à mieux nous connaître nous-mêmes.
Or, sans cette compréhension, il nous est difficile de nous épanouir, tant sur le plan individuel que collectif. Nous ne pouvons pas nourrir l’identité d’un lieu ni construire une identité sociale sans vivre, physiquement, dans et autour de l’architecture de notre ville.
Être impliqué dans la ville est essentiel. Nos études en laboratoire ont prouvé que l’architecture – ses détails, ses surfaces, ses ornements, ses couleurs – peut atténuer les symptômes de la dépression, du stress post-traumatique, de l’anxiété, de la démence, des troubles métaboliques (dont la prise de poids), du TDAH, de certaines maladies
auto-immunes, et bien d’autres.
Ce pouvoir peut s’exercer dès la façade de notre immeuble jusqu’aux moindres éléments décoratifs de notre intérieur. L’objectif est de permettre au cerveau et au corps de fonctionner en équilibre, grâce à une architecture dynamique, vivante dans sa lumière, sa ventilation, ses sons, ses odeurs et ses textures.
Le toucher, par exemple, est fondamental : dès le plus jeune âge, le bébé explore par le contact, pour apprendre les proportions et s’orienter dans l’espace en grandissant.
Le son joue également un rôle primordial. Depuis toujours, c’est un outil de survie : au-delà du langage verbal, nous réagissons instinctivement aux sons perçus comme rassurants ou menaçants.
L’odorat, quant à lui, nous alerte, souvent inconsciemment, sur les environnements sains ou nocifs. Respirer certains matériaux ou émanations dans nos logements ou quartiers peut maintenir notre corps en état d’alerte, entraînant à long terme des troubles tels qu’une nervosité chronique, voire des complications physiques ou hormonales.
Le goût est intimement lié à l’espace dans lequel nous mangeons. Il crée une connexion inconsciente avec les lieux, les ambiances et les personnes qui nous entourent au moment où nous découvrons un plat. C’est ainsi que certaines saveurs nous touchent davantage que d’autres.
Enfin, la vue construit notre carte mentale, où les souvenirs liés à tous les autres sens viennent s’ancrer. Elle nourrit notre imagination, nos rêves, nos projections. Nous rêvons toujours quelque part. Et nous vivons nos cauchemars, eux aussi, dans un espace.
L’architecture n’est pas qu’un art destiné à nous émerveiller. C’est un miroir : elle nous aide à nous comprendre, à nous définir, à nous raconter.
Lorsque nous, professionnel(le)s dans ce domaine, analysons vos choix architecturaux et décoratifs, nous mettons en lumière des éléments profonds de votre identité. Nous pouvons reconnaître votre caractère et l’architecture dont vous avez besoin pour votre bien-être – ou pour mitiger les conditions physiques ou psychologiques – à travers les espaces dans lesquels vous vivez et vos choix de décoration et de meubles.
Nous pouvons aussi détecter les troubles psychologiques en mesurant la réaction des personnes intéressées à vivre cette expérience et à se reconnaître dans différents environnements bâtis, à travers les pulsations cardiaques, le suivi oculaire, les vibrations de la voix, la respiration, l’activité électrique du corps et les zones cérébrales stimulées.
L’architecture devient alors un puissant levier dans le processus de guérison du corps et de l’inconscient.
Maria A. EL-HELOU
Architecte, pionnière de la
neuro-architecture
dans la région MOAN
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