Abdelkader Housriyé, le gouverneur de la Banque centrale syrienne, au moment de la réouverture de la bourse de Damas, le 2 juin 2025. Photo AFP/LOUAI BESHARA
La Syrie sera totalement reconnectée au système de paiements internationaux Swift « d’ici quelques semaines », après plusieurs années de sanctions internationales l'empêchant d'accéder au système, a annoncé le nouveau gouverneur de la Banque centrale Abdelkader Housriyé au Financial Times, dans un entretien publié lundi.
Il s'agit d'un « premier jalon majeur dans la refonte libéralisée de l’économie syrienne » par les nouvelles autorités, selon le journal, après la levée des sanctions américaines annoncées le mois dernier qui avait suivi une réunion entre le président américain Donald Trump et son homologue syrien Ahmad el-Chareh en Arabie saoudite.
Le retour du système Swift « contribuera à encourager le commerce extérieur, à réduire les coûts des importations et à faciliter les exportations », selon le gouverneur. Il permettra aussi d’attirer les devises étrangères, de renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et de réduire la dépendance aux réseaux financiers informels pour les échanges transfrontaliers. Les banques et la Banque centrale ont déjà reçu leurs codes Swift, et il ne reste plus aux banques correspondantes qu'à reprendre le traitement des transferts, selon lui.
Sécurité sociale, investissements, réforme du secteur bancaire
« Nous visons à renforcer l’image du pays en tant que hub financier, étant donné les investissements directs étrangers attendus dans la reconstruction et les infrastructures, cela est crucial », a encore déclaré au FT M. Housriyé, en poste depuis avril, soulignant que « beaucoup reste à faire » en dépit des progrès déjà réalisés. Revenant sur son plan pour restructurer le système financier et politique du pays, après des années de guerre, il a exprimé l'espoir d'un retour des investissements étrangers, la fin des restrictions commerciales, et une réforme du secteur bancaire. Ce plan « de stabilisation » doit s'étendre sur six à douze mois et comprend aussi une refonte du financement de la sécurité sociale et du logement « afin d'encourager les Syriens de la diaspora à investir dans le pays ».
Concernant la levée des sanctions internationales, M. Housriyé a estimé qu'un « véritable changement de politique reste nécessaire ». « Jusqu’à présent, nous n’avons vu que la délivrance de licences et la levée sélective de certaines sanctions. L’application doit être complète, pas ponctuelle », a-t-il estimé.
« Tourner la page de l'interventionnisme » des Assad
Détaillant ses ambitions concernant la réforme du secteur bancaire, le gouverneur a affirmé vouloir « tourner la page de l’interventionnisme du régime précédent et rétablir les capacités de prêt, la transparence et la confiance ». La Banque centrale contrôlait sous le régime Assad le système financier, réglementait les crédits et restreignait les retraits, a-t-il expliqué, et l'objectif est donc de « réformer le secteur par la recapitalisation, la déréglementation et en rétablissant son rôle d’intermédiaire financier entre ménages et entreprises ». « Le plan est que tout le commerce extérieur passe désormais par le secteur bancaire formel, a ajouté M. Housriyé, ce qui devrait permettre d'éliminer le rôle des agents de change qui prenaient des commissions de 40 cents par dollar entrant en Syrie.
Le gouverneur veut aussi « unifier les taux » de la livre syrienne entre le cours officiel et celui du marché noir. Celle-ci a perdu 90 % de sa valeur face au dollar avant la chute du régime Assad, et passer progressivement à un taux flottant contrôlé.
Pas de prêts
Abdelkader Housriyé a en outre affirmé que les investissements étrangers seront soutenus par des « garanties », via une « institution publique chargée de garantir les dépôts des banques privées », que la Banque centrale syrienne veut créer.
La relance de l’économie représente le plus grand défi d'Ahmad el-Chareh. Pour y parvenir, Damas a entamé des discussions avec le Fonds monétaire international, qui a envoyé une délégation à Damas la semaine dernière, et avec la Banque mondiale. De leur côté, l'Arabie saoudite et le Qatar avaient réglé le mois dernier la dette de 15,5 millions de dollars de la Syrie à la Banque mondiale et ont annoncé qu'ils allaient financer des salaires dans le secteur public.
La loi religieuse musulmane interdisant les intérêts, les dirigeants syriens ont décidé de ne pas contracter de prêts, précise dans ce cadre le gouverneur, mais « la Banque centrale et le ministère des Finances étudient la possibilité d’émettre pour la première fois des soukouk », des certificats financiers islamiques comparables aux obligations mais conformes à la loi.
Bon travail. Bravo
10 h 13, le 10 juin 2025