Après une petite hausse des tensions, marquée par des phrases assassines des deux côtés, aussi bien le Hezbollah que le Premier ministre cherchent désormais à circonscrire leur différend. Et comme d’habitude, le passage obligé pour y aboutir reste le président du Parlement, Nabih Berry, qui s’est empressé lundi de recevoir Nawaf Salam. Que s’est-il donc passé pour que les deux parties changent brusquement de ton ?
Dans les milieux proches du Hezbollah, on pense que ce qui a commencé comme de petites manœuvres limitées est en train de prendre une tout autre dimension, surtout avec les développements dans la région, notamment depuis le changement de régime en Syrie. Il faut donc à tout prix éviter que les relations tendues entre la formation chiite et le Premier ministre sunnite ne se transforment en discorde confessionnelle à un moment particulièrement délicat, tant localement que régionalement.
Tout a commencé avec l’arrivée au pouvoir du président de la République Joseph Aoun (élu le 9 janvier), dans un élan politique interne et externe qui faisait de lui le nouvel homme fort du pays. Tout en facilitant son élection, le Hezbollah avait quand même cherché à se protéger, sachant qu’il allait subir de grandes pressions, en concluant avec lui un accord sur la désignation de Nagib Mikati à la présidence du Conseil. Cet accord n’a pas tenu et c’est Nawaf Salam qui a été désigné pour former le gouvernement, auquel le Hezbollah a fini par participer et auquel il a aussi accordé sa confiance.
Dans ce nouveau paysage politique où il ne se sentait pas très à l’aise, le Hezbollah cherchait un moyen de faire pression sur la nouvelle équipe au pouvoir, sans toutefois provoquer des troubles internes dont, pour l’instant, il n’est pas en mesure de supporter les conséquences. Les divergences qui sont rapidement apparues entre Joseph Aoun et Nawaf Salam ont été pour le parti une aubaine qu’il n’espérait pas. C’était pour lui un moyen inespéré de faire parvenir les messages aux autorités concernées, sans favoriser l’émergence d’une large coalition politique contre lui.
Pour le Hezbollah, la différence de personnalités entre le président et le Premier ministre a facilité son choix et il a donc décidé de hausser le ton contre Nawaf Salam et de ménager Joseph Aoun. Il faut dire que le chef de l’État n’utilisait pas contre le Hezbollah des mots agressifs, tenant visiblement à lui sauver la face devant son environnement populaire. Avec Aoun, il était donc question d’« un dialogue bilatéral pour parvenir au monopole des armes par l’État », alors qu’avec Salam, il y a eu plusieurs accrochages verbaux. Le Hezbollah a donc préféré garder ses critiques pour le Premier ministre. Ce qui lui permettait d’atteindre plusieurs objectifs à la fois. D’abord, il montrait à tous ceux qui l’avaient dit « fini et isolé » qu’il avait encore suffisamment de force pour riposter et marquer son territoire. En même temps, ce qu’il ne pouvait pas dire directement au président de la République qui réussissait à neutraliser son agressivité par son ton conciliant et respectueux, il le disait au Premier ministre, tout en sachant que les échos parviendraient aux oreilles qu’il voulait atteindre. Enfin, ses critiques contre Nawaf Salam lui permettaient de remonter le moral de son environnement populaire et, en même temps, de le mobiliser en sa faveur, sans prendre le risque de provoquer une discorde confessionnelle, le Premier ministre n’ayant pas vraiment d’assise populaire et n’étant pas appuyé par les forces traditionnelles de la communauté sunnite. De plus, sa démarche était facilitée par les divergences qui sont rapidement apparues entre les deux pôles du pouvoir. On ne pouvait donc pas lui reprocher de chercher à créer des dissensions entre les responsables, celles-ci existant déjà, ni d’alimenter une discorde confessionnelle, puisque après tout il se rapprochait du président de la République.
Cette situation aurait pu se prolonger pendant des mois encore. Que s’est-il donc passé pour que le Hezbollah décide soudain de faire un pas en direction du président du Conseil et sollicite l’aide du président de la Chambre pour tenter de rétablir le contact avec lui ? Selon des sources proches de Dar el-Fatwa, même si Nawaf Salam ne correspond pas à l’image traditionnelle du leader, la rue sunnite n’apprécie pas les critiques qui lui sont adressées par le Hezbollah. Même si les remous au sein de cette rue restent discrets, ils seraient malgré tout réels. Au cours des mois précédents, la rue sunnite était en effet mobilisée en faveur de Gaza, mais depuis la conclusion du cessez-le- feu au Liban (le 27 novembre) et surtout depuis le changement de régime en Syrie, en décembre 2024, la rue sunnite a changé. Sa priorité n’est plus la « résistance » à Gaza et au Sud, elle est même critique à l’égard du Hezbollah, et ce dernier en est conscient. Or ce dont le Hezbollah ne veut absolument pas, c’est justement une discorde interne en ce moment précis, où il essaye de reprendre son souffle. Il veut donc éviter que les échanges acerbes avec le Premier ministre ne montent la rue sunnite contre lui et ne soient le prélude à des problèmes internes. Il préfère pacifier ses relations avec toutes (ou presque) les composantes libanaises. C’est pourquoi, aujourd’hui, son souci est d’élargir ce que le chef de son bloc parlementaire, Mohammad Raad, a appelé « le petit espace d’affection » avec Nawaf Salam...
Censuré parce que j’ai critiqué la journaliste !!! Les modérateurs de l’OLJ sont d’un ridicule inégalable (pour rester poli sinon ce sont d’autres qualificatifs plus pertinents que j’aurais utilisé)
12 h 49, le 03 juin 2025