
L’École 42 prépare ses étudiants à deux défis majeurs du marché de l’emploi dans les domaines technologiques. Photo DR
Le campus high tech de l’École 42 Beyrouth, situé au Beirut Digital District, a accueilli le 14 mai près de 100 élèves venus participer à la finale de l’édition 2025 des Olympiades d’informatique au Liban et la zone Proche-Orient, organisée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et l’académie de Normandie. Dans le cadre de cette 2e édition de la compétition, les élèves, en provenance de 13 écoles de tout le Liban, ont été mis au défi de réaliser par équipe des projets informatiques dans l’esprit de l’École 42. « En accueillant la finale, nous avons voulu montrer aux jeunes que l’opportunité de devenir un talent technique de haut niveau existe au Liban, que 42 Beyrouth forme ses étudiants dans cet objectif et les prépare à faire du monde leur terrain de jeu », affirme Wissam Sammouri, directeur de cette école de formation en informatique entièrement gratuite.
Lancée au début de l’année 2024 par CMA CGM, l’École 42 Beyrouth fait partie d’un réseau international qui regroupe 50 campus dans 29 pays. Depuis sa fondation en 2013 à Paris, l’établissement a fait ses preuves, ses étudiants étant rapidement recrutés dans tous les domaines de l’informatique, tels que le développement de logiciels, d’applications mobiles, de jeux et de systèmes, la blockchain, l’intelligence artificielle, la science des données, la cybersécurité, le DevOps et les réseaux cloud.
Reposant sur le modèle d’apprentissage par les pairs et une approche par projet, sans cours théoriques ni enseignants, le concept innovant de l’École 42 prépare ses étudiants à un marché du travail de plus en plus exigeant, en développant leurs compétences techniques et humaines et en valorisant la collaboration et l’entraide. Étudiante de niveau 3 à l’École 42, en tronc commun, mais également en génie informatique et télécommunications à l’Université Notre-Dame Louaïzé (NDU), Maria Abi Nakhoul, 19 ans, confie qu’au départ, malgré sa peur de ne pas être à la hauteur ou d’échouer, elle s’est lancée dans le processus d’admission, dans l’objectif d’apprendre et « d’acquérir de l’expérience pratique », mais aussi de rencontrer des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt. « Sur le plan personnel, c’était aussi un défi. Je voulais tester mes limites dans un environnement compétitif et intense », note-t-elle. Hussein Kanaan, 20 ans, niveau 11, est inscrit au parcours de spécialisation à l’École 42. Étudiant de 3e année en sciences informatiques à l’Université libanaise, il avoue avoir perdu « toute motivation avec l’enseignement traditionnel ». Pour cause, trop de cours magistraux et pas assez d’applications concrètes. « Je voulais quelque chose qui me redonne vraiment envie d’apprendre, et l’approche de 42, fondée sur les projets et l’apprentissage entre pairs, m’a semblé un changement à la fois rafraîchissant et stimulant », se rappelle Hussein, qui fait partie de la première promotion de 42 Beyrouth.
Ouverte à toute personne ayant plus de 18 ans, l’école accepte des profils variés, avec ou sans diplôme scolaire ou universitaire, possédant ou non des compétences en codage. Pour être admis à la présélection, il suffit de postuler sur le site web de l’école, réussir deux jeux cognitifs en ligne permettant d’être invité à participer à un processus de sélection intensif et formateur. Ce processus, appelé « piscine », dure 4 semaines, au cours desquelles le candidat doit être capable de relever divers défis tant techniques que relationnels. Entre réussir les projets individuels en semaine, les projets de groupe les week-ends et les examens, il doit faire preuve « de curiosité, de détermination, d’endurance et d’une grande capacité d’apprentissage, même sous pression », prévient Wissam Sammouri. La seule condition pour faire partie des 150 étudiants de l’école est ainsi de survivre à l’expérience de la « piscine ». « Que le candidat soit accepté ou non, c’est une expérience magnifique, vu qu’il apprendra énormément »,
poursuit-il. Les étudiants y apprendront à livrer à temps leur projet, même dans des situations contraignantes, à faire preuve « d’adaptabilité et d’agilité », ainsi qu’à communiquer en anglais sur le contenu technique du travail, gagnant en aisance à l’oral.
Dès le premier jour de ce processus, le comité pédagogique de 42 évalue la performance et la progression du candidat, et porte également une grande attention à son attitude. « Nous encourageons chacun à être ouvert à l’aide et aux retours des autres, et à être prêt aussi à soutenir ses pairs et à leur faire des retours, tout en restant respectueux et professionnel », souligne Wissam Sammouri qui est titulaire d’un doctorat en data mining (fouille de données) prédictif. Fort de plusieurs années d’expérience dans ce domaine, ce scientifique des données explique que « les entreprises technologiques du monde entier peinent à recruter des profils non seulement techniquement compétents, mais également dotés de solides compétences humaines. Les personnes qui s’isolent et ne s’impliquent pas dans le travail en équipe ont peu de chances de devenir des leaders techniques en entreprise ».
Constituant ainsi un pilier du concept pédagogique, la collaboration entre pairs remplace la compétition, selon Maria Abi Nakhoul. « On partage nos connaissances, on s’entraide, on grandit ensemble », précise-t-elle. Hussein Kanaan perçoit l’École 42 comme « une mission collective, contrairement à une école traditionnelle », un environnement où « chacun apprend à sa manière », qui lui « donne envie de venir chaque jour et de se dépasser ».
Face à des projets complexes, des clés pour la réussite
D’ailleurs, que ce soit au niveau du tronc commun ou du parcours de spécialisation, la pédagogie de l’École 42 est entièrement basée sur des projets « complexes, exigeants et soigneusement conçus » permettant aux étudiants d’en « comprendre le fonctionnement », d’après Wissam Sammouri. Chaque projet terminé permet de gagner des points et de débloquer le suivant, comme dans les jeux vidéo. « Ils sont tous axés sur la résolution de problèmes et sur la pensée systémique, des compétences cognitives non routinières qui ne peuvent pas être remplacées par l’intelligence artificielle », note-t-il. Pour Maria Abi Nakhoul, « les projets sont volontairement difficiles pour nous faire progresser. Il y a des délais à respecter, des critères stricts ». Elle estime qu’il est essentiel de bien gérer son temps, ce qui est faisable, surtout que le campus est accessible 24h par jour, 7 jours par semaine, mais aussi grâce à la flexibilité du système. « Le vrai défi, c’est d’être autonome, discipliné et responsable de sa propre progression », précise-t-elle. Quant à Hussein Kanaan, il affirme que les projets à 42 reflètent le monde professionnel. « Comme il n’y a pas de cours traditionnels, il faut trouver les solutions avec vos pairs. Au début, cela peut paraître déstabilisant, mais c’est précisément ce qui rend l’expérience si enrichissante. On y apprend la pensée critique, à collaborer, mais aussi à compter sur soi-même », constate-t-il.
Une fois bien acquises, les compétences cognitives non routinières permettront aux étudiants « d’être capables de résoudre n’importe quel projet, même lorsqu’ils feront face à des transformations majeures dans leur domaine », signale Wissam Sammouri.
En outre, l’École 42 prépare ses étudiants à deux défis majeurs du marché de l’emploi dans les domaines technologiques. « Tout d’abord, les employeurs ne font plus confiance aux CV. Ils veulent une preuve des compétences sous forme d’un portfolio de projets. Ce que les étudiants de l’École 42 construisent tout au long de leur parcours. De plus, ils apprennent ici comment présenter un projet et le défendre », soutient le directeur de l’école.
Quant au second défi, l’impact des grands modèles de langage, tels que ChatGPT ou DeepSeek, sur les métiers technologiques renforce les attentes des entreprises vis-à-vis de leurs collaborateurs. Ces derniers doivent « posséder une connaissance suffisamment approfondie du domaine pour pouvoir adapter les solutions aux besoins de la compagnie. C’est cela, la pensée systémique. Elle s’acquiert en travaillant sur des projets concrets. Et c’est la base de l’apprentissage à 42 », affirme Wissam Sammouri.
Si une année académique vient de débuter le 19 mai, la prochaine, prévue en octobre, regroupera 150 étudiants sélectionnés parmi les candidats qui participeront aux deux dernières « piscines » de l’année, en juillet et en automne.