Même si les yeux des partisans du tandem chiite sont actuellement tournés vers le Sud, où le grand défi reste de maintenir les élections municipales malgré les attaques israéliennes, la pilule amère de Beyrouth n’a pas encore été digérée dans ces milieux. L’environnement populaire du Hezbollah et d'Amal se demande en effet pourquoi la consigne a été donnée de voter pour la liste dite des partis dans la capitale, sans que le rôle du tandem soit reconnu et salué.
De fait, l’examen des chiffres des élections municipales à Beyrouth montre que le tandem chiite a donné un paquet de 19 500 voix à la liste de coalition entre les différents partis, parrainée par le député Fouad Makhzoumi, avec la participation des Ahbaches et l’aval des Forces libanaises. Ce sont d’ailleurs ces voix qui ont permis à cette liste d'emporter 23 sièges et donc de préserver autant que possible la parité islamo-chrétienne dans la capitale. Et malgré cela, il n’y a eu, de la part des partis généralement hostiles au Hezbollah, aucune reconnaissance de ce rôle.
Dans ces élections, Beyrouth n’a d’ailleurs pas constitué la seule image étonnante. Partout, il y a eu des alliances inattendues, et les chiites ont souvent donné des voix à des parties considérées comme hostiles. Cela a été le cas dans certaines régions du Nord, de la Békaa et du Mont-Liban. Même à Zahlé, où la liste appuyée par les Forces libanaises l’a emporté haut la main, certains estiment que le grand écart de voix avec la liste rivale laisse supposer qu’elle a obtenu des voix chiites. Pourtant le slogan de la victoire lancé par les Forces libanaises remonte à l’époque de la guerre civile, lorsque les combattants de cette formation disaient : « À Zahlé, vous n’entrerez pas ! » À l’époque de la guerre civile, ce slogan s’adressait aux Syriens, mais aujourd’hui, les partisans du Hezbollah se sentent pointés du doigt... Pourtant, la même politique se poursuit au Sud, où dans plusieurs localités mixtes, une partie des voix chiites est en train de profiter aux Forces libanaises, ou à une alliance chrétienne, comme à Maghdouché... Les partisans du Hezbollah ne comprennent donc pas pourquoi les instructions sont maintenues alors qu’elles ne changent rien aux campagnes médiatiques menées contre la formation.
Selon des sources du Hezbollah, un débat a lieu à ce sujet entre le commandement politique et différents groupes au sein de la formation, ces derniers n’étant pas convaincus par cette position, surtout dans le climat actuel de polarisation. Mais la tendance générale reste de faire le moins de vagues possible et de ne pas ouvrir la voie à de nouvelles polémiques. Cela n’empêche pas certains membres du parti de laisser entendre que cette politique n’a pas donné de résultats positifs jusqu’à présent. Au contraire, elle donne l’impression que le Hezbollah est trop affaibli pour réagir et qu’il n’a pas de projet clair, sa priorité semblant être de se contenter de continuer à exister.
De leur côté, les partisans de l’attitude conciliante défendent leur position en précisant que le Hezbollah veut aujourd’hui intégrer le tissu social libanais et s’investir de plus en plus dans la vie politique interne. Ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à présent. Après la conclusion de l’accord de Taëf au début des années 1990, il avait décidé de commencer à participer aux élections législatives, pour se doter d’un bloc parlementaire. Il a fallu ensuite attendre 2005 et la division du pays après l’assassinat de Rafic Hariri, ainsi que le départ des troupes syriennes du Liban, pour qu’il décide de participer au gouvernement. Il s’agissait alors d’une volonté de protéger autant que possible le Hezbollah des décisions de l’exécutif. Mais malgré cela, il n’a jamais voulu trop s’impliquer dans les questions internes, laissant au président de la Chambre Nabih Berry la gestion des affaires du pays.
Aujourd’hui, dans cette période particulièrement délicate, où le Hezbollah fait l’objet d’attaques sur tous les fronts, militaire, social, financier et politique, il a donc décidé de s’impliquer totalement dans la vie interne libanaise et de montrer qu’il peut jouer un rôle positif, comme ce fut le cas à Beyrouth, où ses voix ont permis de préserver la parité. Il se veut ainsi un élément régulateur qui protège la diversité libanaise, partout où il se trouve. C’est pourquoi d’ailleurs, il estime mériter désormais, avec le mouvement Amal, le titre de « tandem national ». Dans l’optique des partisans de cette ligne politique, même si les autres composantes continuent leur campagne hostile, elles savent parfaitement que son rôle devient indispensable, dans cette période de confusion générale. Le parti appelle donc ses partisans à faire preuve de patience et à ignorer les critiques parce qu’aujourd’hui, la formation cherche à faire partie du paysage interne.
Un avant-goût de sa nouvelle image, ou un moyen de gagner du temps avec un minimum de problèmes ? Les prochains mois devraient apporter des réponses à cette question et surtout montrer si cette nouvelle politique convainc ses partisans.
Les interets communs du Hezb et des FL deviennent de plus en plus apparents. Les deux ont pour fond de commerce un confessionnalisme decomplexe. Chacun aspire a l'hegemonie dans SA communaute. L'alliance "de facto", qui a preside lors des dernieres legislatives, s'institutionnalise maintenant dans des listes communes la ou ils se cotoient. Quoi d'etonnant ?
12 h 23, le 24 mai 2025