
Le président syrien Ahmad el-Chareh écoute le président français au cours d'une conférence de presse conjointe après une réunion au palais de l'Élysée, à Paris, le 7 mai 2025. Photo AFP
Certains cercles concernés par la politique étrangère au sein de l’administration américaine auraient envisagé l’idée d’assassiner le président syrien intérimaire Ahmad el-Chareh, a déclaré une sénatrice américaine au cours d’une audition au Sénat jeudi.
Ces propos, rapportés par Middle East Eye, ont été tenus par la sénatrice démocrate Jeanne Chaheen pendant une audition consacrée aux candidats au poste de secrétaire d’État adjoint pour les Affaires du Proche-Orient, une fonction de haut rang au sein du département d’État, chargé de la politique étrangère et des relations des États-Unis avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. En posant une question au candidat Joel Rayburn, Jeanne Chaheen a déclaré : « J’ai été préoccupée par des rumeurs que j’ai entendues dans certains cercles, qui m’ont été rapportées par des personnes du Moyen-Orient, selon lesquelles il se dit dans des cercles de politique étrangère de l’administration qu’une des options envisagées serait d’assassiner le nouveau dirigeant du gouvernement syrien, M. Ahmad el-Chareh. »
Joel Rayburn a alors répondu qu’il « n’était pas au courant de telles initiatives », ajoutant qu’il pensait que l’assassinat de Chareh « ne correspond clairement pas à l’intention du président… ni à la manière dont il a décrit Chareh ces derniers jours ».
Donald Trump avait annoncé mardi soir à la surprise générale, au cours d’un forum d’investissement en Arabie saoudite, qu’il allait lever toutes les sanctions américaines contre la Syrie, avant de rencontrer le lendemain le président intérimaire syrien. Une décision qu’il a ensuite reconnue avoir prise sans consulter le principal allié de son administration dans la région, Israël.
Jeanne Chaheen a par ailleurs précisé que le roi Abdallah II de Jordanie, qu’elle avait rencontré pendant sa visite à Washington début mai, avait averti les responsables américains qu’un tel « changement de leadership entraînerait une guerre civile totale en Syrie », après avoir appris que cette option était envisagée.
Ahmad el-Chareh est l'ancien chef de Hay'at Tahrir el-Cham (HTC), après avoir été celui du Front al-Nosra, branche syrienne d’el-Qaëda, et avoir passé cinq ans dans une prison américaine en Irak alors qu'il était combattant avec l'État islamique d'Irak – ancêtre du groupe État islamique (EI). L'homme tente depuis de démontrer qu'il a pris ses distances avec ses racines extrémistes. Alors qu’il se préparait à mettre fin à la dictature des Assad, en place depuis des décennies, et à diriger une nouvelle administration syrienne, Ahmad el-Chareh a adopté un discours modéré, prônant l’ouverture et l’inclusion. Après leur « excellente » rencontre à Riyad, Donald Trump l’a qualifié de « jeune homme séduisant, coriace », et de « combattant » avec un « passé très solide ».
« Il a une vraie chance de maintenir la stabilité », a déclaré le président US. Les États-Unis ont annulé la prime de 10 millions de dollars pour la capture d'Ahmad el-Chareh dans les 12 jours suivant la chute de Bachar el-Assad, bien que le président intérimaire et ancien dirigeant de HTC reste inscrit sur la liste des terroristes mondiaux spécialement désignés par les États-Unis, sous son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani.
Middle East Eye rappelle que Donald Trump lui-même a déclaré avoir été directement sollicité par des dirigeants étrangers pour donner une chance au nouveau leader syrien, malgré l’hostilité de ses propres conseillers envers la nouvelle direction syrienne, et malgré la volonté d’Israël de saboter les tentatives d'Ahmad el-Chareh de redresser la Syrie. Israël, rappelle-t-on, a bombardé le 2 mai une zone voisine du palais présidentiel à Damas, dans ce que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a qualifié de « message clair » au régime syrien.
Dans un message publié sur le réseau X, le journaliste Houssam Hammoud évoque en outre le dernier numéro de la publication hebdomadaire de l’EI, al-Naba’, qui montre en couverture une photo de Donald Trump et Ahmad el-Chareh se serrant la main lors de leur rencontre de mercredi. Sans appeler à son élimination, l’EI présente néanmoins le Syrien comme un traître à l’islam et appelle les combattants issus de HTC, désormais dissous, à « se repentir » et à rejoindre l’EI.
Le ministère syrien de l’Intérieur avait publié en mars une vidéo montrant un combattant présumé de l’EI avouant un complot visant à assassiner le leader syrien avec l’aide de trois membres libanais de l’organisation.
Est-ce qu’un ‘discours modére’ efface les crimes qui ont été commis depuis quelque temps ?
06 h 28, le 17 mai 2025