« Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que vous auriez pu être. » (George Eliot)
À 60 ans, je m’assoie sur ma terrasse ensoleillée, un stylo-encre à pointe fine entre les doigts. Devant moi, une feuille carrée blanche. Le silence du matin n’est entrecoupé que par le gazouillement des oiseaux et le bruissement des feuilles vertes des peupliers. Les premiers jours du printemps sont déjà là, dévoilant la beauté de la nature qui nous entoure. Cette belle journée se présente comme une invitation aux pensées intérieures. Regardant au loin, du côté de la Méditerranée, je me lance alors dans une réflexion sur la manière dont nos choix de vie et de carrière façonnent notre bonheur, comment il n’est jamais trop tard pour réconcilier nos passions avec notre expérience. Après une vie consacrée à la médecine, une envie ou mieux un besoin d’explorer des aspects créatifs sont nés en moi.
C’est ainsi que depuis quelques années déjà, je m’adonne de façon régulière, presque quotidienne, au « zentangle », une pratique de dessin que j’ai découverte de manière fortuite lors d’un long séjour à San Francisco.
Cette technique de dessin à l’encre noire, basée sur la création de motifs répétitifs, est une manière mindful de trouver son équilibre intérieur. Pour moi, c’est aussi un moyen de me reconnecter à une partie de moi-même qui a été mise de côté pendant des années en raison des exigences de la médecine.
En repensant à mon parcours, je réalise combien mes choix ont été influencés par mon entourage, notamment par la carrière de mon père. Je me suis parfois demandé où m’aurait menée une vie dédiée à l’architecture et à l’art. Mais avec le recul, je vois aujourd’hui combien ces domaines partagent des similitudes avec la médecine : l’observation, la précision, le moment présent, et la quête de la beauté dans l’humain. Aujourd’hui, et à travers le « zentangle », je me réapproprie cette fibre créative qui sommeillait en moi.
Revenons à ce carré de papier blanc, surface neutre en attente d’une interaction. Dès l’instant où j’y trace des lignes, un processus neurocognitif s’enclenche. Le « zentangle » repose sur une répétition structurée, favorisant une focalisation attentionnelle similaire à la méditation de pleine conscience. Ce geste répétitif réduit le stress et favorise un bien-être optimal.
Convaincue des bienfaits de cette pratique, j’ai organisé des ateliers de « zentangle » pour répondre à un besoin d’équilibre psychophysiologique. Des études en neurosciences montrent que l’expression créative réduit le cortisol et renforce la résilience. Cette approche, accessible et scientifiquement fondée, améliore la régulation émotionnelle et la créativité.
Dans le cadre d’un programme expérimental dans un espace d’art urbain, un groupe de participantes régulières assiste à mes ateliers. Si une réticence initiale est perceptible, liée à la confiance en leurs capacités créatives, mais également à l’effet méditatif de ces petits gestes répétitifs, une dynamique s’installe progressivement. Elles expérimentent alors un état de flow, marqué par une immersion totale, une réduction de l’anxiété et une amélioration de la concentration.
« Il n’y a pas de mauvais dessin ici. Ce qui compte, c’est que vos mains bougent et que vos pensées se calment », me surprenais-je à dire, insistant sur l’importance d’une approche dénuée de jugement. L’atelier devient un espace d’acceptation de soi, favorisant un bien-être mesurable.
Au fil des expérimentations, j’ai naturellement intégré des éléments de la « Lifestyle Medicine », une discipline fondée sur des preuves scientifiques ciblant les causes des maladies chroniques. Cette approche repose sur six piliers : une alimentation principalement à base de fruits et légumes, une activité physique régulière, un sommeil réparateur, une gestion efficace du stress, l’évitement des substances nocives, et des connexions sociales positives.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 75 % des décès mondiaux sont dus aux maladies chroniques non transmissibles. La « Lifestyle Medicine » s’avère une approche préventive et thérapeutique efficace, capable d’inverser l’évolution de nombreuses pathologies, telles que les maladies cardio-vasculaires, le diabète type 2, l’obésité, plusieurs types de cancer, et certaines maladies mentales.
Deux piliers fondamentaux de la « Lifestyle Medicine » trouvent dans le « zentangle » une application concrète : la gestion du stress et le développement des connexions sociales positives. Ces dimensions s’inscrivent dans un cadre plus large de promotion de la santé, intégrant nutrition, activité physique, sommeil et prévention des comportements à risque. La combinaison de ces deux disciplines renforce la motivation au changement et facilite l’adoption durable de nouvelles habitudes de vie.
Partager mes expériences avec les autres m’a permis de créer une dynamique de groupe et de favoriser l’échange d’idées, stimulant ainsi l’engagement collectif.
En somme, ces ateliers sont une belle façon pour moi de continuer à transmettre ce que j’ai appris dans la médecine, tout en ouvrant de nouveaux horizons à ceux qui cherchent un moyen de se détendre, de s’exprimer et d’améliorer leur qualité de vie.
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