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Campus - PATRIMOINE ARTISTIQUE

La LAU met en lumière le pouvoir d’agir des femmes dans l’art arabe

L’exposition a illustré 39 œuvres réalisées par des artistes pionnières originaires du Liban, de Palestine, de Jordanie, d’Irak, d’Égypte et du Maroc, ou ayant un lien avec ces pays.

La LAU met en lumière le pouvoir d’agir des femmes dans l’art arabe

Yasmine Taan, directrice de l’IAAW. Photo Creation 9

Organisée en avril dans la galerie d’art du bâtiment Gezairi de l’Université libano-américaine (LAU) par l’Institut d’art dans le monde arabe (IAAW), en collaboration avec la Fondation d’art Ramzi et Saeda Dalloul (DAF), l’exposition Women’s Agency in Arab Art : Kinship, Education and Political Activism (Le pouvoir d’agir des femmes dans l’art arabe : parenté, éducation et activisme politique) a mis en lumière 39 œuvres réalisées par des artistes femmes pionnières originaires du Liban, de Palestine, de Jordanie, d’Irak, d’Égypte et du Maroc, ou ayant un lien avec ces pays. Nées entre 1905 et 1948, les 19 femmes exposées ont contribué à l’évolution de l’art dans leur région, dans les années 1950, 1960 et 1970. Certaines ont participé au développement de mouvements artistiques majeurs, tels que le mouvement Houroufia, l’école de Casablanca, le groupe Nouvelle Vision en Palestine, le groupe d’art moderne de Bagdad et le groupe d’art contemporain en Égypte. « L’exposition ne présente pas uniquement les créations de ces femmes, mais souhaite aussi raconter les histoires qui sont reliées à leurs œuvres », affirme Yasmine Taan, directrice de l’IAAW.

Pour cette professeure associée d’histoire de l’art et du design à la LAU, l’art peut constituer un acte politique, s’ancrer dans l’histoire, contribuer à la préservation de la mémoire et des traditions orales. L’exposition devrait donc être perçue sous cet angle. « Les femmes ont toujours été des artistes remarquables. Elles participent pleinement au domaine de l’art, mais aussi aux sciences et à l’évolution intellectuelle des civilisations. Pourtant, elles demeurent insuffisamment présentes dans les récits historiques, et peu de recherches leur ont été consacrées », estime-t-elle.

Yasmine Taan affirme ainsi que l’un des objectifs de l’exposition, dont la commissaire est Wafa Roz, directrice de la DAF, est de faire connaître au grand public et aux étudiants ces artistes pionnières oubliées ou peu reconnues.

« La galerie fait partie d’une institution éducative ; son objectif est donc de sensibiliser un large public, en partageant non seulement des peintures, mais aussi des recherches, des récits et des documents d’archives. Cette exposition se distingue justement parce qu’elle ne met pas uniquement en avant les œuvres, mais aussi le travail de recherche qui les accompagne, à travers les documents exposés ». Mené par une équipe de la FAD avec des étudiants de la LAU, ce travail explore des archives variées : affiches des années 1950 à 1970, cartes postales, lettres adressées par les artistes à des membres de leur famille, photographies ou encore invitations à des expositions. En parallèle, des codes QR ont permis d’accéder à davantage de recherches, disponibles en ligne sur le site de la DAF.

Des femmes qui ont initié un changement dans leur société

L’exposition Women’s Agency in Arab Art : Kinship, Education and Political Activism met en lumière les particularités des pratiques artistiques de ces femmes à une période post-indépendance et post-coloniale de leurs pays. Ancrées dans leur époque, ces pratiques sont marquées par leurs parcours et relations personnelles, leur statut social, leur engagement politique et leur rôle éducatif, certaines ayant joué un rôle majeur dans le domaine de l’enseignement artistique, notamment à la LAU, qui s’appelait alors Beirut College for Women.

« Durant les années 1960, les artistes ont commencé à s’interroger sur la nature de l’art moderne. Comment produit-on l’art moderne ?

Que cherche-t-on à exprimer ? À ce moment-là, un tournant s’opère. D’un art qui cherche à représenter le monde tel que nous le voyons, à copier le réel comme une scène photographiée, les artistes passent à un art qui reflète la vie quotidienne, qu’elle soit politique, sociale ou familiale », indique Yasmine Taan.

À travers ses différentes sections, l’exposition révèle ainsi des artistes activistes, engagées sur le plan politique, d’autres qui prennent position sur le plan social, représentant des femmes dans leur quotidien de manière stylisée, reflétant un féminisme propre à notre région. « Ce féminisme ne doit pas forcément ressembler au concept du féminisme occidental, où l’on met souvent l’accent sur la femme en tant qu’individu séparé de sa famille. Dans la culture arabe, comme la famille est centrale, le féminisme peut aussi s’appuyer sur le soutien de ce noyau, et cela dans les deux sens. Une femme peut ainsi soutenir son mari, son frère, son père, tout autant qu’elle peut être soutenue par eux. Je ne pense pas qu’il y ait un problème à définir le féminisme comme étant ancré dans les relations familiales », explique la directrice de l’IAAW.

L’exposition fut en outre accompagnée d’une table ronde. « L’objectif était d’inviter les proches des artistes à témoigner de leurs œuvres. Comme nous disposons de peu de recherches approfondies ou d’ouvrages consacrés à ces femmes, nous avons voulu valoriser l’histoire orale et la mémoire. Cette table ronde visait également à mettre en lumière le rôle des femmes, non seulement dans la création artistique, mais aussi dans l’écriture sur l’art, ainsi que dans la préservation des archives des artistes, hommes et femmes », indique Yasmine Taan.

Se déroulant dans un cadre académique, l’exposition contribue, par ailleurs, à enrichir la pratique et les perspectives des étudiants. « En tant qu’enseignante en art et design, je constate que la majorité de mes étudiants sont des femmes. Pourtant, la majorité des diplômés qui accèdent à la visibilité et à la reconnaissance sont les hommes », confie Yasmine Taan. Ce constat l’amène ainsi à s’interroger sur sa propre responsabilité en tant qu’éducatrice. « Comment mieux initier au leadership, initier de nouvelles façons de penser, encourager ces femmes à se lancer, à avancer, à ne pas avoir peur ? Cet événement artistique contribue à montrer que les femmes peuvent réussir. Il est crucial de les présenter comme des héroïnes, des femmes qui ont initié un changement dans leur société, et non pas simplement comme des figures de second plan », assure-t-elle, espérant que la jeune génération y verrait un modèle à suivre.

La directrice de l’IAAW affirme enfin que cet événement ne constitue que le point de départ d’un long parcours à entreprendre. « C’est un appel que nous adressons aux étudiants, enseignants, chercheurs, critiques d’art et curateurs, à s’intéresser aux artistes marginalisés dont les femmes, et se lancer dans davantage de recherches. Il nous reste beaucoup à apprendre et énormément à faire, même pour initier un très petit changement. Tant d’artistes restent encore à découvrir. Il nous faut plonger dans les archives pour révéler leur art et leurs idées ». Yasmine Taan tient ainsi à souligner que cet événement n’est « qu’une initiative, une simple introduction », alors qu’il existe « un réel besoin, comme en ont témoigné les questions et l’engagement pendant cet événement ».

La collection Women’s Agency in Arab Art : Kinship, Education and Political Activism sera prochainement exposée à la FAD, bien que les dates n’aient pas encore été annoncées. Des œuvres supplémentaires de femmes artistes viendront également enrichir l’exposition.


Organisée en avril dans la galerie d’art du bâtiment Gezairi de l’Université libano-américaine (LAU) par l’Institut d’art dans le monde arabe (IAAW), en collaboration avec la Fondation d’art Ramzi et Saeda Dalloul (DAF), l’exposition Women’s Agency in Arab Art : Kinship, Education and Political Activism (Le pouvoir d’agir des femmes dans l’art arabe : parenté, éducation et activisme politique) a mis en lumière 39 œuvres réalisées par des artistes femmes pionnières originaires du Liban, de Palestine, de Jordanie, d’Irak, d’Égypte et du Maroc, ou ayant un lien avec ces pays. Nées entre 1905 et 1948, les 19 femmes exposées ont contribué à l’évolution de l’art dans leur région, dans les années 1950, 1960 et 1970. Certaines ont participé au développement de mouvements artistiques majeurs, tels...
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