On dit que le Liban est le pays des paradoxes, et cela est vrai. On dit aussi que le Liban a été le carrefour de nombreuses civilisations (dont les traces sont encore visibles aujourd’hui sur les stèles de Nahr el-Kalb), c’est encore exact. On dit également que le Liban est le pays des crises. Ici, ne vous précipitez pas trop de tirer des conclusions hâtives. Ne soyez pas trop surpris, parce que, à mon avis, ce n’est pas tellement sûr. Certes que les crises existent chez nous et à profusion, malheureusement. Mais d’un point de vue personnel, je considère qu’il y a une raison principale et primordiale, à la base de toutes ces crises, à l’origine de notre déchéance et de notre descente aux enfers.
Au Liban, il n’y a, en fait, qu’une seule crise et c’est celle du manque d’autorité. Toutes les autres crises découlent de là. Il ne faut pas perdre d’esprit que du point de vue des préceptes de la science politique, l’autorité est le pouvoir de commander, mais aussi et avant tout, celui d’être obéi, et l’un ne va pas sans l’autre.
Une des premières expressions du défaut d’autorité a commencé en 1969, par la conclusion de l’accord du Caire, date du début du déclin dans l’histoire moderne du Liban et point de départ de la régression fatale de notre pays.
Soit dit en passant, déjà que les dispositions de cet accord soient secrètes, et abstraction faite du contenu suspect de cet arrangement de triste mémoire, il représente un affront à l’autorité étatique ainsi qu’une grave atteinte à la souveraineté du pays.
Il suffit tout bonnement de revoir, d’une façon rétrospective, l’histoire contemporaine du Liban et d’examiner de près toutes les régressions par lesquelles le pays est passé jusqu’à nos jours, pour remarquer que le point commun, dans cette progression de la chute libre vers l’abîme, est tout simplement le manque d’autorité de l’État. Je parle de l’État juste, équitable où tous les citoyens sont égaux devant la loi, naturellement. Parce que l’égalité, qui est un principe constitutionnel, se résume au fait que la loi doit être la même pour tous (sauf lorsqu’il s’agit de personnes morales ou physiques, dans des situations différentes évidemment).
Il va sans dire que la carence en autorité aboutit ipso facto à une carence en souveraineté nationale. Et lorsque, d’une part, la souveraineté nationale fait défaut et se fait de plus en plus rare, et en parallèle, lorsqu’une caste politique n’est pas à la hauteur, c’est la catastrophe garantie. Nous rentrons dans ce cas d’espèce, lentement, mais sûrement, dans le cercle vicieux de l’effondrement progressif pour aboutir en fin de compte à l’effondrement total.
Par conséquent, le ventre mou de l’institution publique libanaise, comme entité étatique, est donc son manque d’autorité, combiné au fait que l’élément humain intègre et compétent manque drastiquement.
Nous sommes, nous les Libanais, les mieux placés pour le savoir et le toucher du doigt malheureusement.
Il est nécessaire de voir, au regard de la dernière guerre qui s’est déroulée sur notre sol national, comment notre très chère « dawleh » en déconfiture a été, sans le vouloir, comme le mari trompé, la dernière à être mise au courant à son sujet et la dernière à en imaginer l’ampleur. Il suffit de voir à cet égard, la crise des déplacés ou l’on a eu l’impression que cette même « dawleh », jamais prévoyante, a été, comme toujours, prise de court et au dépourvu. Personne n’a pris la peine de prendre son feu vert, concernant la triste décision de nous fourrer en guerre, ou, encore moins, de lui demander son avis, ne serait-ce qu’à titre consultatif.
De plus, une « dawleh » qui doit être prête pour la reconstruction et le dédommagement, sinon on lui tombe dessus, par ceux-là mêmes qui ont parfaitement fait fi de son existence, lors des prises des décisions capitales concernant le présent et le futur du pays et le sort de son peuple.
L’histoire du Liban, depuis 1969, regorge d’événements où l’autorité de l’État était une simple vue de l’esprit qui, au fil des ans, s’amenuisait au fur et à mesure, comme une peau de chagrin. Les choses sont évidentes et sautent aux yeux.
Il paraît que l’histoire donne les leçons qui conviennent à la conjoncture du moment et qu’on doit toujours adapter les situations aux circonstances. La bonne question qui se pose est donc de savoir dans quelle mesure sommes-nous capables de tirer les conclusions appropriées ? Dans quelle mesure sommes-nous aptes à acquérir les leçons adéquates de nos erreurs, de nos points faibles et de notre talon d’Achille ?
La crise de l’autorité au Liban est intrinsèque – souvent les « responsables étant incompétents et à la solde de puissances étrangères – et dissociable avec le refus manifeste et exempt de sanctions de se soumettre aux injonctions du pouvoir, quel qu’il soit. Sans oublier que ces deux aspects, intrinsèque et dissociable, s’accompagnent fréquemment et se complètent.
En poursuivant dans la même direction, nous sommes toujours, en espérant que les deux présidents Joseph Aoun et Nawaf Salam puissent nous en faire sortir.
Un avis personnel que je partage sans prétendre l’imposer à quiconque, de peur d’être accusé de psychorigidité ou d’entêtement démesuré.
Avocat à la Cour
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"Une des premières expressions du défaut d’autorité "" C 'es bien la ou le bat blesse ! ne la veut cette autorite que ceux qui souffrent de son absence-et donc les citoyens- ne veut faire perdurer son absence que les dirigeants . conclusion? l'es[poir de la voir enfin presentee est infime
10 h 02, le 12 mai 2025