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Campus - INNOVATION

À la LAU, W2W transforme les « déchets » de la bière en ressources durables

Le projet Waste to Wealth a été reconnu parmi les 100 projets les plus innovants de Prototypes for Humanity.

À la LAU, W2W transforme les « déchets » de la bière en ressources durables

Joëlle Nader, professeure adjointe à la tête du projet W2W, et Christina Saliba, représentante des étudiants à l’exposition Prototypes for Humanity à Dubaï. Photo Nadim el-Haber

Le projet Waste to Wealth (W2W) a été sélectionné parmi près de 2 700 candidatures et figure parmi les 100 projets les plus innovants de Prototypes for Humanity. Cette initiative réunit professeurs, jeunes diplômés et étudiants de plus de 800 universités pour développer des solutions aux grands défis sociaux et environnementaux.

« Cette sélection reposait principalement sur l’innovation. Les jurés recherchaient aussi des solutions commercialement viables. Disposer d’un partenaire industriel constituait donc une valeur ajoutée. Enfin, le projet devait apporter un bénéfice tangible à l’humanité, fidèle à l’esprit de Prototypes for Humanity », explique Joëlle Nader, professeure adjointe au département des Technologies de l’information et gestion des opérations de l’École de gestion Adnan Kassar à l’Université libano-américaine (LAU), qui chapeaute le projet W2W, mené avec des étudiants.

L’équipe récupère la levure résiduelle dans la brasserie de son partenaire industriel, Kassatly Chtaura. Alors que celle-ci est souvent jetée, malgré sa richesse en composés utiles, le projet W2W la transforme en produits pharmaceutiques et cosmétiques, une démarche aux multiples avantages. « Au niveau de la production, nous avons réduit la consommation d’énergie de 22 à 25 % par rapport aux techniques traditionnelles. Nous avons aussi augmenté la biodisponibilité de composés bénéfiques – comme les bêta-glucanes, les polyphénols et les protéines – de 40 à 45 % ; ce qui est considérable. Cela signifie qu’il suffit désormais d’en consommer deux fois moins pour obtenir les mêmes effets », affirme Joëlle Nader.

Une technologie high-tech pour valoriser les pertes

Pour expliquer ces résultats, cette dernière souligne que le processus de transformation passe par une série de sous-processus optimisés et comprend l’utilisation d’une technologie brevetée innovante, à haute efficacité énergétique, la Détente instantanée contrôlée (DIC), qui utilise des chutes de pression contrôlées pour traiter efficacement ces déchets. « Sans produits chimiques, cette technologie repose uniquement sur des principes de thermodynamique. Nous utilisons également une technique de séchage qui ne nuit pas au produit. » À l’origine de la DIC, une entreprise française spécialisée dans la fabrication : Abcar D.I.C. Process, avec laquelle collabore l’experte. « Aujourd’hui, la DIC intègre les avancées de l’industrie 4.0, ce qui permet de l’optimiser davantage pour atteindre les résultats escomptés. La technologie est donc déjà à un stade avancé d’amélioration et contribue à faire évoluer le projet », relève-t-elle, précisant que, grâce à l’intelligence artificielle (IA), il serait possible, dans une phase ultérieure du projet, de générer un produit personnalisé. « Par exemple, on pourrait poser des questions ciblées au client, lui faire passer quelques tests et lui prescrire une pilule contenant une concentration précise de tel ou tel composant, en fonction de ses besoins. Nous intégrons donc l’apprentissage automatique et l’IA pour aller encore plus loin dans cette démarche », poursuit Joëlle Nader.

En parallèle, le projet W2W utilise des outils avancés d’analyse de données. « Plutôt que de multiplier les essais erreurs, ces outils permettent d’optimiser les résultats en établissant des modèles précis avec un nombre réduit de tests. Mon approche s’inscrit donc pleinement dans une logique de durabilité », ajoute-t-elle.

Titulaire d’un doctorat en génie des procédés industriels et possédant une expertise en biochimie, technologie industrielle et gestion de l’ingénierie, Joëlle Nader souligne que W2W veille « à ce que le produit final soit à la fois commercialisable et bénéfique pour l’humanité ». Elle ajoute que le retour sur investissement pour ce projet atteint environ 87 %, avec un délai de récupération inférieur à un an. « Cela est crucial pour un partenaire industriel, lui assurant viabilité et durabilité. »

Sur un autre plan, cette experte rappelle que les « déchets » sont en réalité des produits précieux, riches en composés nutritifs. « Généralement, ils sont jetés ou utilisés comme aliments pour animaux. Je n’aime pas les appeler « déchets », car cela laisse entendre qu’il s’agit de quelque chose d’inutile pour l’humanité, ce qui est loin d’être le cas, assure-t-elle. Il s’agit plutôt de pertes pour les industries. »

Pour Joëlle Nader, les objectifs sont multiples : « Le développement durable, la réduction du gaspillage à travers des pratiques de production allégées, l’augmentation de la rentabilité, ainsi que l’intérêt que pourrait susciter le produit chez le consommateur, grâce à l’intégration de l’IA pour une thérapie ciblée à base de nanoparticules. »

Des ponts entre les mondes industriel et académique

« Le projet W2W est bénéfique pour chacun des deux mondes industriel et académique. Il s’appuie sur les atouts de la recherche pour développer des solutions innovantes, tout en intégrant les exigences de rentabilité propres au secteur industriel », précise la professeure adjointe.

Membre exécutif du conseil consultatif du LAU Industrial Hub, elle indique que le W2W s’inscrit dans l’initiative VIP (Vertically Integrated Projects) de l’École d’ingénierie de la LAU avec laquelle elle collabore. Par conséquent, c’est un projet qui rassemble des étudiants de diverses disciplines : ingénierie, commerce, arts et sciences, etc. L’objectif est de promouvoir la recherche interdisciplinaire. D’un autre côté, les VIP leur permettent d’acquérir une expérience concrète, bien au-delà de la théorie. Tout en validant jusqu’à six ou sept crédits, selon leur filière, les étudiants travaillent sur des projets de grande envergure, explorant une expérience d’auto-apprentissage. « Bien que des formations et ateliers leur soient proposés, ils sont également encouragés à chercher l’information par eux-mêmes, développant ainsi leur autonomie et leurs compétences pratiques », indique Joëlle Nader.

Quant aux industries, cette dernière explique que certaines sont prêtes à s’engager dans des projets innovants qui leur seraient bénéfiques. Cependant, elles font face à un obstacle majeur : celui des subventions et financements. « C’est pourquoi multiplier les succès permettrait de renforcer la crédibilité et d’attirer davantage de financements et d’investisseurs. Le modèle proposé est clair : si 75 % du financement est couvert par des subventions, obtenues via des propositions envoyées à différents organismes, il ne resterait plus que 25 % à la charge de l’industrie. Ce type d’approche repose sur une synergie entre le LAU Industrial Hub, les bailleurs de fonds, les partenaires industriels, les étudiants et les enseignants. C’est finalement un réseau cohérent et performant », estime Joëlle Nader qui est également consultante pour plusieurs industries, tant au niveau local qu’international.

Avec la transformation de la levure résiduelle, Joëlle Nader et son équipe en sont à leur 2e projet. Leur parcours a commencé avec le projet de transformation des sous-produits vinicoles, en l’occurrence le marc de raisin, en trois produits à haute valeur ajoutée : un complément alimentaire en poudre concentré en polyphénols, des gélules de type compléments pharmaceutiques et une crème riche en antioxydants, aux propriétés protectrices. Aujourd’hui en phase de finalisation, ce projet leur a valu, en 2022, « le premier prix mondial du concours international d’innovation du consortium VIP, une véritable consécration parmi 44 institutions internationales, dont 19 basées aux États-Unis », se réjouit Joëlle Nader.

« Bien que nous devions suivre la rapidité fulgurante des évolutions liées à l’IA et à l’industrie 4.0, il est essentiel de préserver nos valeurs. Il faut miser sur l’interdisciplinarité, combler le fossé entre l’industrie et le monde académique et surtout redonner de l’espoir aux industries comme aux étudiants », conclut l’experte.


Le projet Waste to Wealth (W2W) a été sélectionné parmi près de 2 700 candidatures et figure parmi les 100 projets les plus innovants de Prototypes for Humanity. Cette initiative réunit professeurs, jeunes diplômés et étudiants de plus de 800 universités pour développer des solutions aux grands défis sociaux et environnementaux. « Cette sélection reposait principalement sur l’innovation. Les jurés recherchaient aussi des solutions commercialement viables. Disposer d’un partenaire industriel constituait donc une valeur ajoutée. Enfin, le projet devait apporter un bénéfice tangible à l’humanité, fidèle à l’esprit de Prototypes for Humanity », explique Joëlle Nader, professeure adjointe au département des Technologies de l’information et gestion des opérations de l’École de gestion Adnan...
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