
Des passagers coincés à l’aéroport international de Madrid font la queue pour un taxi, lors de la coupure géante de courant qui a plongé l’Espagne, le Portugal et une partie de la France dans le noir. Photo : Marie-Adèle Salem
« Tout a cessé de fonctionner, comme dans les films ». Psychologue libanaise vivant en région parisienne, Marie-Adèle Salem n’imaginait pas que son déplacement à Madrid pour participer à une simple conférence lundi l’amènerait à avoir un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler un effondrement des infrastructures en Europe. Sa compatriote Nancy (qui n’a pas souhaité communiquer son nom complet, NDLR), spécialiste des ressources humaines qui se déplaçait depuis Barcelone le même jour pour participer au même événement, non plus.
Comme des millions d’autres personnes, les deux amies ont été prises au piège par la panne de courant massive qui a plongé la péninsule ibérique tout entière, ainsi qu’une partie de la France, dans le chaos pendant près de 24 heures. Le courant est progressivement revenu dans les zones touchées à partir de lundi soir. Le gouvernement et la justice espagnole ont lancé une enquête pour déterminer la cause de la panne. Les techniciens du réseau électrique ibérique analysent le système et attendent des résultats dans les prochaines heures ou jours, selon l’AFP.
En Espagne, la panne s’est déclarée vers midi et demi lundi, soit 15 minutes après que le train de Nancy a quitté Barcelone. « Ce n’est que vers 14h que le train s’est arrêté et que j’ai commencé à prendre la mesure de l’ampleur de la situation », raconte-t-elle à L’Orient-Le Jour.
Parti plusieurs heures plus tôt de l’aéroport d’Amman, l’avion de Marie-Adèle a atterri vers 15 h dans une capitale espagnole déjà paralysée par la coupure, à commencer par l’aéroport international de Madrid.
« Rien n’était clair »
« Presque toutes les lumières de l’aéroport étaient éteintes, les tapis à bagages étaient à l’arrêt. Les boutiques et les restaurants étaient plongés dans le noir », se souvient-elle. L’Internet – fixe et mobile – était aussi coupé ou fonctionnait au ralenti, selon les utilisateurs, et les rares informations parvenant aux voyageurs via les médias espagnols étaient aussi confuses qu’eux. « On entendait tantôt parler de cyberattaque, tantôt de défaillance, rien n’était clair », raconte Marie-Adèle.
Ce n’est qu’au bout de trois heures qu’elle et les autres voyageurs ont récupéré leurs valises. Mais leur calvaire était encore loin d’être terminé.
Pendant ce temps, le train de Nancy était à l’arrêt en rase campagne, presque coupé du reste du monde. « Au bout de plusieurs heures, le personnel du train a fini par ouvrir les portes des voitures pour que les passagers puissent prendre l’air et se soulager, les toilettes étant hors d’usage », relate la psychologue.
« Le personnel du train avait de la bonne volonté, mais ne savait pas comment réagir. Nous avons finalement été lâchés dans la nature sans nos bagages », se crispe-t-elle encore. Les voyageurs ont escaladé, tour à tour, les grilles hérissées de barbelés qui entourent la voie ferrée pour tenter de trouver un moyen de rallier leur destination ou de rentrer chez eux. En début de soirée, ils ont été rejoints et pris en charge par des habitants et des secouristes dépêchés par un village voisin. « Presque personne ne parlait une autre langue que le catalan, c’était assez compliqué de s’y retrouver, mais les gens qui sont venus à notre secours ont été formidables. »
À l’aéroport, la situation était tout aussi compliquée. « C’était la cohue. Tout le monde tentait désespérément de trouver un moyen de transport pour remplacer les trains à l’arrêt. Il ne restait que les taxis, qui n’acceptaient que du liquide puisque les terminaux de cartes bancaires étaient eux aussi hors service », décrit de son côté Marie-Adèle. La psychologue a rejoint l’une des sept files d’attente pour un taxi qui s’étaient formées dans l’aéroport. Son tour finit par arriver... 4 h 30 plus tard.
Direction son hôtel, situé dans le centre-ville de la capitale espagnole, tandis que la circulation était encore anarchique, tous les feux de signalisation et les éclairages publics restant éteints depuis plus de huit heures. Le courant et les télécoms n’étaient toujours pas rétablis lorsque Marie-Adèle arrive finalement à destination vers 23 h. « Il n’y avait plus rien d’ouvert dans la rue. Voir tout le monde s’éclairer à la bougie dans une ville aussi grande que Madrid, c’est impressionnant. »

Un trajet à 400 euros
C’est donc dans l’obscurité qu’elle a attendu l’amélioration de la situation. Le réseau Internet mobile a été réactivé vers 3 h du matin, et les informations indiquaient que le courant commençait à être progressivement rétabli dans plusieurs régions d’Espagne. À Madrid, la situation est revenue à la normale à 4 h du matin.
Nancy a fini, de son côté, par retrouver sa valise, rapportée par des habitants. « Vers 2 h du matin, des bus ont été mobilisés au village où nous avions été déposés pour emmener tous les passagers du train vers une ville voisine. La police nous a donné des couvertures, de la nourriture et de l’eau et elle nous a déposés à la gare », déplore Nancy. « Mais tous les hôtels de Saragosse étaient pleins et aucun train n’était prévu au départ, donc les gens étaient un peu coincés, ne sachant pas quoi faire », ajoute-t-elle.
La Libanaise finit par contacter un VTC. Le trajet, qui a fait un grand détour pour déposer ses compagnons de voyage, lui a permis de finalement rallier Barcelone au bout de plusieurs heures, pour un coût de 400 euros.
Vers 13 h mardi, l’Espagne avait presque retrouvé son cours normal. Pour l’anecdote, aucune des deux amies n’a finalement assisté à la conférence qui les avait poussées à faire le déplacement à Madrid… et qui a été maintenue.
.... Terrorisme en Europe ?
12 h 40, le 30 avril 2025