
La directrice générale du Fonds Kristalina Georgieva et la porte-parole de l’organisation le 24 avril 2025 à Washington. Photo Philippe Hage Boutros/L’Orient-Le Jour
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a appelé les pays à résoudre leurs différends commerciaux pour « mettre fin à l’incertitude » qui pénalise l’activité économique mondiale. S’exprimant lors d’une conférence de presse au siège de l’organisation à Washington, la patronne du Fonds a rappelé que cette incertitude liée à la politique américaine de hausse des tarifs douaniers est le principal facteur de la dégradation des projections de l’organisation pour 2025 et 2026. Elle a aussi appelé les pays à « mettre de l’ordre » dans leurs finances pour « réduire les déséquilibres » et de lancer des « réformes qui favorisent la croissance ».
Dans son World Economic Outlook, rapport qui présente ses principales projections sur l’économie mondiale, le FMI a revu à la baisse la croissance mondiale, désormais estimée à 2,8 % dans son scénario de référence, assorti de deux autres ensembles de projections — signe de la difficulté croissante à décrypter une conjoncture marquée par de multiples incertitudes. Il a également relevé la probabilité d’un risque de récession mondiale, passée de 17 % à 30 %, avec une probabilité de 40 % pour les États-Unis, qui sont à l’origine de l’offensive sur les tarifs douaniers. Pour le FMI, une récession est généralement associée à une baisse de 2 % du PIB. Dans le cas de récessions sévères, le coût de la production typique est proche de 5 %.
La directrice générale du FMI a souligné que l’impact direct de cette crise serait particulièrement palpable en Asie, mais que d’autres régions, moins exposées, comme le Moyen-Orient, les pays du Golfe ou encore l’Afrique, pourraient en ressentir d’importants « effets indirects ». Ceux-ci seraient notamment liés à la baisse des cours du pétrole, qui réagiraient à un affaiblissement de la demande mondiale en raison des tensions commerciales, ou encore à la dépréciation du dollar.
« La région MENA regroupe un ensemble d’économies diverses, dont de nombreux pays exportateurs de pétrole. Historiquement, ces économies connaissent des fluctuations — des périodes de croissance et de ralentissement ne sont pas inhabituelles. Pour les pays exportateurs de pétrole, les revenus sont libellés en dollars américains, et lorsque le dollar s’affaiblit, cela peut poser certains défis. Toutefois, cela peut également s’avérer bénéfique à bien des égards — en atténuant certaines pressions et en aidant les pays à mieux faire face à leurs difficultés », a encore expliqué Kristalina Georgieva, répondant à une question.
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« Certains pays, notamment ceux situés dans des zones touchées par des conflits comme la Jordanie et l'Égypte, ont rencontré des difficultés considérables. Le FMI a été activement impliqué avec ces nations, en leur apportant un soutien et en travaillant en étroite collaboration avec leurs gouvernements. Le Maroc, par exemple, a réalisé des progrès significatifs dans le renforcement de son cadre macroéconomique », a-t-elle poursuivi, avant de souligner que le FMI travaillait pour « restaurer la capacité de leurs institutions et les réintégrer dans l'économie mondiale, en mettant particulièrement l'accent sur l'emploi et la croissance inclusive ». Elle n'a pas abordé le dossier libanais, alors que la délégation libanaise, arrivée à Washington cette semaine pour s'entretenir avec le Fonds en marge des réunions de printemps, enchaîne les réunions avec les experts du FMI, en vue d’adhérer à terme à un programme d’assistance financière.
Préoccupations américaines
Autre temps fort de la conférence de presse : Kristalina Georgieva a assuré que le FMI tiendrait compte des préoccupations exprimées par le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, dans l’élaboration de ses politiques. Elle a rappelé que le FMI est une organisation composée de pays membres, et qu’il agit en fonction de leur volonté.
Mercredi, Scott Bessent avait appelé le FMI et la Banque mondiale à se recentrer sur leurs missions fondamentales de stabilité macroéconomique et de développement, estimant qu’ils s’étaient trop éloignés de ces objectifs en s’impliquant dans des domaines comme le changement climatique, ce qui aurait, selon lui, réduit leur efficacité.
Kristalina Georgieva a souligné que le FMI attachait une grande importance à la voix des États-Unis, son principal actionnaire — qui détient 17,4 % des droits de vote au sein de son Conseil d’administration — et s’est félicitée du soutien continu de Bessent. Concernant le climat, elle a précisé que le FMI ne comptait pas, à proprement parler, d’experts en la matière, mais que les pays confrontés à des phénomènes climatiques extrêmes avaient besoin de l’appui macroéconomique que l’institution peut leur fournir.