Le séminaire a réuni les responsables des départements d’études françaises, des centres universitaires de langues ou sections de français des universités membres de l’AUF dans la région du Moyen-Orient. Photo AUF
Un séminaire régional, organisé par la direction régionale Moyen-Orient de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), s’est tenu à Beyrouth les 9, 10 et 11 avril. Cet événement a réuni les responsables des départements d’études françaises, des centres universitaires de langues ou sections de français des universités membres de l’AUF dans la région du Moyen-Orient. Ce séminaire revêt une importance particulière pour le développement de la langue française à l’université et porte sur ses enjeux actuels au Moyen-Orient. Il a permis aux participants d’échanger sur leurs expériences et sur de bonnes pratiques transposables, et de renforcer le réseau régional des enseignants et chercheurs francophones, comme l’a souligné Mirande Khalaf, responsable de projets à la direction régionale de l’AUF Moyen-Orient.
Séances plénières et tables rondes enrichissantes
Des séances plénières, tables rondes et conférences très riches ont abordé plusieurs problématiques liées à l’enseignement du français à l’université. Parmi les thèmes traités : le plurilinguisme et la didactique du français, la littérature francophone, le numérique éducatif et l’intelligence artificielle, l’innovation pédagogique et l’employabilité des étudiants des départements d’études françaises. Des ateliers de travail ont également porté sur le rôle des centres universitaires de langue, de l’attractivité des départements, et sur le français sur objectifs spécifiques ou universitaires.
Le directeur régional Moyen-Orient de l’AUF, Jean-Noël Baléo, a affirmé que le séminaire a apporté « de multiples bénéfices en matière de coopération entre ses membres, d’interaction entre l’AUF et ses membres, et de démonstration du service direct proposé par l’AUF à ses membres », en précisant avoir remis en réseau près de 80 universités.
« J’ai aussi souhaité que cet événement soit un outil pour les participants, avec la mobilisation d’experts internationaux tout en présentant des solutions très concrètes. Et je pense que nous avons regonflé le moral des participants à bloc, dont certains sont confrontés à des difficultés particulièrement sévères dans l’exercice de leurs fonctions, notamment en Syrie, en Palestine ou au Yémen, sans parler du Soudan », a-t-il ajouté.
Le numérique et l’IA dans un cursus de français
Une table ronde s’est tenue le 10 avril sur le thème : « L’usage du numérique et de l’intelligence artificielle dans un cursus de français ». L’occasion pour les intervenants de partager leur expérience de la classe inversée, utilisée comme l’une des pédagogies actives. Ils ont souligné les bénéfices notables de cette méthode, notamment l’évolution de l’expression orale et des compétences en analyse critique. Ces avancées les ont poussés à demander une formation sur l’intelligence artificielle. La question du plagiat et de l’éthique liée à l’utilisation de l’IA a aussi été abordée.
Certains participants ont insisté sur l’importance de la scénarisation des cours, qu’ils soient en présentiel, en mode hybride ou à distance, et sur la nécessité de la régularité dans l’application de cette méthodologie pour que les apprenants puissent pleinement se l’approprier. Les participants ont souligné l’importance de considérer l’IA comme un allié, un coproducteur, plutôt que comme un simple consommateur. Le véritable défi réside dans la définition du rôle de l’IA dans l’enseignement.
Lassaâd Mezghani, directeur exécutif de l’Institut de la francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance (IFIC) lié à l’AUF en Tunisie et modérateur de la table ronde, a noté que le numérique est associé à la pédagogie et à l’enseignement, mais aussi à la production et à la compréhension. Il a également souligné que les enseignants doivent maîtriser les notions de base liées au numérique et en particulier à l’IA, en quoi elle peut servir et dans quelle mesure l’utiliser.
« Apprendre à utiliser l’IA, tant pour les enseignants que pour les étudiants, représente aujourd’hui un investissement essentiel. Ce ne sera pas l’IA qui va nous remplacer, mais l’enseignant qui sait l’utiliser », a-t-il affirmé.
Un allié ou une contrainte ?
Selon M. Baléo, « il faut faire avec l’IA, qui est à la fois une contrainte et une solution ». Il a souligné que l’usage non maîtrisé ou non éthique de l’IA constitue à l’évidence un sujet de grande préoccupation pour les universités. Il a également observé une tendance croissante chez les étudiants, exprimant une forme de demande pour une « netflixatisation’’ de l’offre pédagogique grâce à l’IA ». Face à ces évolutions, il insiste sur la nécessité pour les universités du Moyen-Orient de se préparer rapidement à exploiter pleinement le potentiel pédagogique de l’IA, tout en « respectant, et faisant imposer, des utilisations éthiques, et d’anticiper les besoins futurs en compétences et la nécessaire adaptation des cursus universitaires ».
L’intelligence artificielle dans l’enseignement du FLE
L’intelligence artificielle est déjà massivement utilisée par les étudiants, c’est un fait, a affirmé Jean-Noël Baléo. « La mise en œuvre de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation consacre une rupture considérable, ouvrant de nouvelles perspectives innovantes pour l’enseignement supérieur, y compris du français langue étrangère ou FLE », a-t-il estimé.
Selon lui, cette intégration « offre un important potentiel pédagogique, se manifestant par la facilité de personnalisation des expériences d’apprentissage pour répondre aux besoins individuels des apprenants ». Parallèlement, il a noté qu’elle « ouvre la voie à de possibles pistes d’amélioration de la qualité de l’enseignement ».
M. Baléo a également insisté sur le rôle de l’IA dans le développement d’outils plus performants pour la publication, le partage et l’accès aux ressources éducatives libres. Ces avancées représentent un véritable atout pour l’ensemble des acteurs du secteur éducatif. Lors du séminaire régional, « un certain nombre d’outils à disposition des enseignants de FLE ont été présentés », a-t-il ajouté.
Concernant l’enseignement du FLE, il n’existe pas de solution unique : l’innovation, y compris pédagogique, prend des formes multiples. Le principal enjeu réside dans l’employabilité des diplômés dans les départements de français, un facteur-clé d’attractivité des cursus. M. Baléo a affirmé que la maîtrise du français demeure un atout majeur pour l’insertion professionnelle, notamment au Liban.
Il a invité les étudiants à « cultiver leur esprit critique et à faire le choix du français, en plus de l’arabe et de l’anglais ». Même si son usage « est parfois perçu comme étant en recul », il demeure que le français reste une langue dynamique et d’avenir, parlée sur tous les continents et troisième langue dans le monde professionnel.