
Un commerce à louer à Beyrouth. Photo Magali Aboud/L'OLJ
La publication récente, au Journal officiel, de la loi sur la libéralisation des loyers des locaux non résidentiels marque une étape cruciale dans l’évolution du secteur immobilier. Ce changement ne se limite pas à un simple ajustement technique ; il constitue un signal fort en faveur d’une réorganisation globale du rapport entre propriétaires et locataires, dans une logique d’équité, de dynamisme économique et de stabilité sociale.
Pendant des décennies, le régime des « loyers anciens » relevait d’une loi datant de 1963 qui permettait de geler les loyers des baux concernés, en particulier ceux conclus avant le 23 juillet 1992, figeant le marché le marché et privant de nombreux propriétaires de la pleine jouissance de leurs biens. C’est cette situation, qui a été amplifiée par l’effondrement de la livre libanaise pendant la crise financière, qu’est venue corriger le vote de cette loi en décembre 2023 par le Parlement.
Même s’il a fallu attendre plus d’un an, et l’intervention du Conseil d’État, pour que le texte sur les loyers commerciaux puisse entrer en vigueur, cette libéralisation des loyers redonne une marge de manœuvre essentielle aux investisseurs et aux détenteurs d’actifs, tout en mettant l’État face à ses responsabilités : encadrer cette transition par des mécanismes justes et efficaces, pour éviter toute dérive spéculative ou conséquence sociale négative.
Deux piliers
Car il ne s’agit pas de favoriser un camp au détriment d’un autre, mais d’instaurer un nouvel équilibre. Ce dernier repose sur deux piliers fondamentaux : la protection des droits de chacun et la construction d’un environnement propice à l’investissement immobilier, sans compromettre la cohésion urbaine ni aggraver les disparités.L’un des points de débat les plus sensibles de la nouvelle loi concerne la fixation du loyer annuel à 8 % de la valeur marchande du bien. Un taux jugé élevé dans le contexte économique actuel, notamment pour les commerces et les petites entreprises, qui peinent déjà à maintenir leur activité. Une marge plus raisonnable – autour de 5 % – aurait sans doute mieux assuré l’équilibre entre la rentabilité de l’investissement et la viabilité des locataires. Mais au-delà du chiffre, c’est le mode de calcul de la valeur vénale qui pose question. Il devient indispensable de recourir à des experts qualifiés et indépendants, afin d’éviter toute distorsion du marché.
À moyen terme, cette réforme pourrait générer une série d’effets bénéfiques pour le marché. L’augmentation attendue de l’offre locative, notamment à Beyrouth, pourrait entraîner une baisse des loyers et améliorer l’accès au logement pour de nombreuses familles. De nombreux appartements, autrefois occupés sous de vieux contrats, seront remis sur le marché à la vente, souvent à des prix accessibles, facilitant l’accession à la propriété pour une nouvelle frange de la population, même dans des immeubles anciens. Cela encouragera une forme de réintégration urbaine et ralentira l’exode vers les zones périphériques.
Par ailleurs, la libération progressive des immeubles occupés permettra de réinjecter dans le marché des terrains à bâtir. Cette nouvelle offre foncière en milieu urbain pourrait entraîner une baisse des prix du mètre carré, rendant les projets immobiliers plus viables, en particulier dans les quartiers populaires qui souffrent d’un manque d’offre neuve.
Autre conséquence positive attendue : la réhabilitation des bâtiments patrimoniaux. Longtemps délaissés faute de rentabilité suffisante, ces édifices retrouveront une valeur d’usage et de revenu, ce qui encouragera leur rénovation et leur préservation. Ce mouvement jouera un rôle-clé dans la sauvegarde du patrimoine architectural libanais, si riche mais souvent négligé.
Plus largement, la libéralisation des loyers devrait améliorer l’aspect visuel et structurel de nos villes. Avec des loyers plus en phase avec le marché, les propriétaires auront les moyens d’entretenir leurs biens, ce qui se traduira par une amélioration de l’environnement urbain, tant sur le plan esthétique que fonctionnel.
Les répercussions seront également économiques et fiscales. La réévaluation des biens et la signature de nouveaux contrats alignés sur les prix réels du marché entraîneront une hausse des recettes fiscales pour l’État – à travers les taxes foncières et les impôts sur les revenus locatifs. Ce flux supplémentaire pourrait être réinvesti dans les infrastructures, les services publics et les politiques de logement.
Opportunité
Cependant, ce processus ne portera ses fruits que s’il est accompagné d’une vision nationale claire. Il ne peut réussir sans un pilotage sérieux, une régulation efficace, et une volonté politique d’ancrer la réforme dans une stratégie globale de redressement urbain et social. Cela suppose aussi la mise en place urgente d’un ministère du Logement, capable de penser, planifier et mettre en œuvre des politiques adaptées aux besoins des citoyens et aux réalités du marché.La libéralisation des loyers ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une opportunité. Une opportunité de moderniser notre législation, de stimuler l’investissement, de redonner vie à nos villes et de garantir un droit fondamental : celui de se loger dignement, dans un cadre structuré et durable.
Par Walid MOUSSA
Président du syndicat des agents et consultants immobiliers au Liban (REAL).
Cette nouvelle loi va créerBeaucoup de litiges entreproprietaires et locatairesPlutôt graduellement.Avec la situation economiqueactuelle, il est dificilement applicable.la corruption va battre son plein !Même avec des experts qualifiés , il y aura toujours des litiges, des disputesmême.
18 h 02, le 21 avril 2025