
Une femme effectue une consultation médicale en compagnie de son enfant en Corse, le 11 mars 2025. Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP
La surdité chez l’enfant s’accompagne souvent d’un désarroi chez les parents, de multiples visites chez le médecin et de décisions à prendre. Pour mieux accompagner l’enfant déficient auditif et ses parents, une collaboration efficace des parents avec les différents experts, ainsi qu’entre les professionnels, s’impose, comme l’explique à L’Orient-Le Jour Viviane Matar Touma, psychologue clinicienne, professeure associée à l’Université Saint-Joseph (USJ) et présidente du Bureau libanais de recherche en surdité (BLRS).
À l’occasion de la semaine de la personne déficiente auditive au Moyen-Orient, la psychologue ramène la multidisciplinarité au centre du débat, comme la clé de la prise en charge de ces enfants et de leurs familles. « Comme tout enfant né avec une différence, il aura besoin de l’intervention de plusieurs professionnels spécialistes dans sa condition, quel que soit le niveau de sa déficience auditive », souligne Viviane Touma.
Différents types de médecins et d'interventions
Cette multidisciplinarité est nécessaire à toutes les étapes, notamment celle du diagnostic. Si le premier bilan par l’oto-rhino-laryngologiste (ORL) conclut à une déficience auditive, l’audiologiste (spécialiste paramédical des troubles de communication humaine) devra en déterminer le degré de gravité. Après que le bilan médical eut déterminé le type de la surdité (si elle s’accompagne d’autres symptômes), il sera décidé de quel type d’appareillage doter l’enfant, qu’il s’agisse d’un équipement basique qui amplifie le son, ou d’un implant cochléaire électronique, qui vise à fournir un certain niveau d’audition aux personnes atteintes de surdité profonde.
Dans ce second cas, vu que l’implant cochléaire nécessite une intervention chirurgicale, l’apport d’autres professionnels, comme un orthophoniste et un psychologue, devient nécessaire. « Selon le Bureau international d’audiophonologie (BIAP), il faut trois professionnels pour décider d’un implant cochléaire : le médecin traitant, l’orthophoniste, dont le rôle sera d’écarter toute autre option possible, et le psychologue », souligne la spécialiste. Le rôle de ce dernier est primordial dans la préparation de l’enfant lui-même (il est préférable de lui administrer cet implant en très bas âge, avant l’apprentissage de la parole, afin de ne pas affecter sa communication) et des parents.
« Le psychologue est là pour s’assurer que cette opération s’accompagne du moins de stress possible pour l’enfant, et qu’il comprend ce qui l’attend », explique Viviane Touma, qui ajoute que le recours au jeu est courant dans ce processus. L’enfant doit aussi s’habituer à l’idée d’un dispositif interne et externe au niveau de l’oreille, sans compter qu’il doit être familiarisé aux premiers sons qu’il entendra après l’installation de son implant.
Un atelier de travail à l’intention des professionnels, afin de les initier à l’utilisation de la musique dans l’éducation des jeunes malentendants. Photo BLRS
Les parents ont également besoin d’accompagnement durant cette période d’avant l’opération, dont le coût est conséquent pour la famille. « Les parents doivent comprendre que l’implant est un appareil, pas une greffe, qu’il pourrait un jour se détraquer, nécessiter des réparations ou un remplacement, que le succès est parfois mitigé, et cela, on ne le leur dit pas toujours », souligne Viviane Touma.
Un nouveau diplôme à l'USJ
L’approche multidisciplinaire est également primordiale en milieu scolaire, dans les établissements dits inclusifs, qui accueillent des élèves malentendants. La psychologue insiste sur l’importance de l’intervention de l’orthopédagogue (qui s’occupe des cas d’apprenants ayant des difficultés d’apprentissage) auprès de ces élèves. Le rôle du psychomotricien n’est pas non plus à négliger, pour aider l’enfant à trouver son équilibre et améliorer son mouvement.
Tous ces spécialistes participeront ensemble à la journée informative et préventive sur les enfants en déficience auditive, organisée ce vendredi 11 avril par le BLRS, en collaboration avec la faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l’USJ, au campus des sciences humaines de l’université. Il y sera abondamment question de la collaboration de ces professionnels entre eux, ainsi qu’avec les parents. « Cela permettra aux parents, notamment, de se renseigner sur le rôle de chacun de ces professionnels, afin de savoir comment s’adresser à eux pour obtenir les réponses qu’ils cherchent », explique Viviane Touma.
Cette multidisciplinarité, malgré ces avantages évidents dans la prise en charge des cas de déficience auditive chez l’enfant, n’est pas systématiquement pratiquée au Liban. Pour tenter d’y remédier, le BLRS a mis en place, dans le cadre du département de psychologie de la FLSH de l’USJ, un diplôme universitaire sur l’accompagnement psychopédagogique des personnes portant une déficience sensorielle, sous la direction de Viviane Touma. Une première promotion de dix étudiants obtiendra son diplôme cette année. Ce diplôme est ouvert à tous les étudiants et professionnels dans les domaines ayant une relation avec la prise en charge des jeunes malentendants et malvoyants.