
De gauche à droite : Jean-Baptiste Hamonic, maire de Villepreux, Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, Ghada Ayoub, députée de Jezzine, Joseph Azouri, maire de Azour, Béatrice Piron, députée des Yvelines, également secrétaire du groupe d'amitié France-Liban à l’Assemblée nationale. Photo DR
Cela faisait plusieurs années que le projet patientait dans les tiroirs. Le partenariat entre Villepreux et Azour a enfin été inauguré la semaine dernière par la signature officielle des maires des deux communes, Jean-Baptiste Hamonic et Joseph Azouri, venu spécialement du Liban, lors d’une journée de festivités libanaises qui ont eu lieu dans la mairie de la petite ville des Yvelines. Au programme : gastronomie et artisanat, musique avec le concert du pianiste Élie Maalouf et son trio et de la chanteuse Christiane Najjar, et une conférence de Bahjat Rizk, attaché culturel à la délégation du Liban auprès de l’Unesco.
Couronnant plus de deux ans de travail dans l’ombre, la cérémonie a eu lieu en présence de la députée de Jezzine, Ghada Ayoub (Forces libanaises), de la députée des Yvelines, Béatrice Piron (Horizons), également secrétaire du groupe d’amitié France-Liban à l’Assemblée nationale, du président d’YCID (Yvelines coopération internationale décentralisée) Jean-Marie Tétart, d’une délégation de l’ambassade du Liban en France mais aussi de Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères.
« Les liens qui sont tissés entre les peuples du monde et le peuple français, au travers des partenariats comme celui qui vient d’être signé, permettent à la relation entre la France et des pays comme le Liban de s’inscrire dans le temps, indépendamment des perturbations ou des turbulences qui peuvent affecter la relation que les gouvernements nouent entre eux. Et ça c’est extrêmement précieux, parce que les gouvernements, ça va et ça vient, mais les peuples, ça reste, et l’amitié qui est nouée entre les peuples permet ensuite au travail diplomatique de se faire dans les meilleures conditions », a déclaré Jean-Noël Barrot dans son discours.
La « surprise »
« Jean-Noël Barrot nous a fait la surprise de sa présence donnant une autre dimension à cette rencontre qui a réuni plus de 600 personnes », se réjouit Joe Abi Nader, président de l’association Libanais en Yvelines (LEY) qui porte le projet de partenariat, initié par l’association Au secours du patrimoine – France-Liban » (ASP-FL).
« Il faut que l’on fasse plus de projets de coopération, pas qu’avec le Sud, mais avec tout le Liban, m’a-t-il dit en partant », commente encore Joe Abi-Nader, qui avec l’YCID pilote aussi les partenariats Jeïta-Jouy-en-Josas et Noisy-le-Roi-Antoura. « Lorsque nous avons été élus en 2020, avec mon équipe municipale nous avions envie de porter un projet ouvert sur l’international, dépasser les frontières européennes et, assez rapidement, nous nous sommes tournés vers le Liban, pays avec lequel la France entretient des liens d’amitié très forts », explique Jean-Baptiste Hamonic, maire (divers-centre) de Villepreux, ville par ailleurs jumelée depuis 55 ans avec Fulpmes, en Autriche.
Ghada Ayoub, députée de Jezzine, et Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères. Photo DR
La double explosion au port, un « élément déclencheur »
Mais le funeste 4 août 2020 va précipiter les choses. « Nous avons été parmi les premières communes à manifester en conseil municipal notre soutien et notre aide, en partenariat avec la région Île-de-France », se rappelle l’édile, évoquant une collaboration accrue avec la communauté libanaise de Villepreux, qui organise la solidarité avec le pays meurtri.
L’idée se concrétise en janvier 2023, lors d’un repas caritatif organisé par l’ASP-FL au profit de Sesobel, en présence de Ghada Ayoub et de Jean-Baptiste Hamonic. Le président de l’association franco-libanaise, Zouhair Basbous, suggérant de multiplier les jumelages et les partenariats pour renforcer les liens entre populations et les libérer des aléas de la politique.
Originaire de Bteddine el Liqch (caza de Jezzine), Joe Abi Nader, président de l’association Libanais en Yvelines (LEY), fondée en novembre 2023, met alors en contact le maire de Villepreux avec les autorités locales du petit village d’Azour, dans le caza de Jezzine.
« Nous avons commencé à échanger et à partager une volonté réciproque, non pas de créer un jumelage, mais d’élaborer un projet de coopération pour les trois prochaines années, explique Jean-Baptiste Hamonic. Mais évidemment, dans notre esprit et dans celui du maire d’Azour, nous avons envie de bâtir quelque chose dans la durée. »
Une clinique mobile pour les villages de Jezzine
La convention de coopération, qui vient donc d’être signée, définit quatre thématiques de travail : la santé, le sport et la jeunesse, la francophonie et enfin l’environnement.
Ainsi, le partenariat, piloté par l’association LEY, prévoit la mise en œuvre d’un petit cabinet médical itinérant qui sillonnerait une quinzaine de villages des alentours d’Azour afin d’apporter une offre médicale et de soins à ceux qui en ont besoin. « C’est un projet mis en avant par les associations qui nous accompagnent dans ce partenariat. Et puis surtout les médecins sont déjà présents », explique le maire de Villepreux, qui espère que le bus médicalisé sera opérationnel au premier semestre 2026, « parce que la santé, ça n’attend pas ».
Reste cependant à trouver les financements nécessaires, que Joe Abi Nader estime entre 35 000 et 50 000 euros. « Nous allons chercher des fonds au niveau du département des Yvelines, se rapprocher des organisations caritatives, des fondations en France », explique ce consultant en informatique dans l’assurance, installé en France depuis 1993, et à Villepreux depuis 2007. L’artiste libanaise Micheline Nohra a déjà offert trois tableaux pour une vente aux enchères afin de financer la clinique mobile.
Parenthèse musicale avec Élie Maalouf. Photo Photo Nadim Omran
Échanges sportifs
Le deuxième volet du partenariat concerne la jeunesse et le sport. Le président de l’association LEY aimerait organiser la venue en France du club de basket féminin d’Azour, actuellement en tête du championnat libanais, pour jouer contre des clubs des Yvelines.
« L’objectif est de connecter les deux peuples mais aussi de connecter la jeunesse libanaise avec le Liban, précise-t-il. Je suis la première génération qui est venue en France. La deuxième génération, celle de mes enfants, adore le Liban, mais ils n’ont pas autant de relations avec le pays. Si on ne renforce pas cette relation, j’ai peur que la troisième génération ne perde complètement le lien avec leur pays d’origine. Donc j’essaie de les promouvoir et les maintenir. »
Constatant sur le terrain l’arrivée importante de compatriotes venus s’installer dans les Yvelines, surtout depuis la double explosion au port de Beyrouth, il souhaite aussi organiser des séjours culturels et sportifs au Liban pour les jeunes Libanais qui vivent dans les Yvelines. Enfin, concernant le volet développement durable et transition écologique, un partage d’expérience est envisagé, notamment sur l’énergie solaire.
Une nouvelle page
La mairie de Villepreux entend allouer un budget de 5 000 euros à ce partenariat en 2025, pour soutenir les Libanais en Yvelines dans la programmation de leurs événements qui vont promouvoir la culture libanaise à Villepreux et surtout effectuer une visite à Azour à l’automne, car « on n’imagine pas lancer une coopération sans se rendre sur place », explique Jean-Baptiste Hamonic, qui ressent le « besoin de s’imprégner du quotidien de nos collègues libanais ».
« C’est une première enveloppe qui permet d’acter un premier déplacement et d’avancer sur des premières actions », explique-t-il encore, reconnaissant que les collectivités ne peuvent consacrer trop de budget à ces partenariats, compte tenu de leurs difficultés financières. « Mais le plus important, maintenant, va être de bien définir les projets, leurs contours, leurs périmètres, leurs dates aussi, et puis de voir, avec l’ensemble des partenaires, comment on avance sur le tour de table financier », explique l’édile, qui compte faire appel aux dons, au mécénat et au sponsoring.
« On aurait pu trouver, du côté d’Azour et du côté de Villepreux, mille raisons pour se dire que les conditions ne sont pas réunies, au vu de la situation politique instable au Liban et en France, mais on a décidé de faire abstraction de ces grandes considérations nationales, internationales, et de parler de territoire à territoire, pour essayer de construire quelque chose petit à petit, étape par étape, assure-t-il, heureux d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire. »