
Le siège de la Banque du Liban, à Beyrouth. Photo João Sousa
Vingt mois après la fin du dernier mandat de Riad Salamé en juillet 2023, les dirigeants libanais se sont enfin entendus sur son successeur, choisissant jeudi le gestionnaire de fonds Karim Souhaid comme nouveau gouverneur de la Banque du Liban (BDL), rapporte l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).
Cette nomination a été le point d’orgue d’une réunion qui s’est terminée vers 16h15 et au cours de laquelle des nominations judiciaires ont été approuvées et un projet de loi modifiant la législation sur le secret bancaire a été adopté.
Le gouvernement a aussi commenté les nouvelles frappes israéliennes au Liban-Sud, les relations avec la Syrie et les discussions relancées avec le Fonds monétaire international (FMI) pour permettre au Liban, en crise depuis 2019 et meurtri par plus de 14 mois de guerre entre le Hezbollah et Israël, de souscrire à un programme d’assistance financière.
Salam s'est abstenu
Candidat soutenu par le président Joseph Aoun, Karim Souhaid a obtenu les votes de 17 ministres sur les 24 du gouvernement de Nawaf Salam. Le chef de l’État le considère comme le plus apte à accompagner le gouvernement dans l’élaboration de solutions viables pour redresser le système financier libanais, selon les informations remontées de Baabda ces dernières semaines.
Il n’avait en revanche pas les faveurs du Premier ministre, qui ne s’est pas privé de le rappeler dans une brève déclaration faite lors du traditionnel point presse suivant la réunion du Conseil des ministres. « Je me suis abstenu de voter pour la nomination de Karim Souhaid, en raison de ma préoccupation pour les droits des déposants, et à partir de maintenant il doit adopter la politique financière de notre gouvernement et s'engager sur la question des dépôts », a déclaré M. Salam.
Parmi les ministres qui se sont également abstenus figurent le vice-président du Conseil des ministres, Tarek Mitri, le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, la ministre des Affaires sociales, Hanine Sayyed, le ministre de l’Économie, Amer Bsat, et la ministre de l’Éducation, Rima Karamé. Un flou régnait concernant les votes du ministre de l'Intérieur, Ahmad Hajjar, et de celui de la Réforme administrative, Fadi Makki.
Jaber pour un consensus
La nomination du gestionnaire a été au centre de tractations qui ont duré jusqu’à la dernière minute. Le président Aoun, qui y participait, s'était entretenu avec le Premier ministre avant le début de la réunion, selon un communiqué publié sur X par la présidence libanaise. Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, s'est rendu à Baabda avant la réunion. Selon la chaîne MTV, il aurait demandé au président de retirer la nomination d'un nouveau gouverneur de la BDL de l'ordre du jour, un vœu qui n'a donc pas été exaucé.
À son arrivée au palais de Baabda, le ministre des Finances, Yassine Jaber, a déclaré aux journalistes qu'il espérait que le gouverneur soit choisi par consensus et non par un vote. Répondant aux questions des journalistes lors du point presse, le ministre de l’Information, Paul Morcos, a affirmé que la décision du gouvernement était « légale » et justifiée.
Yassine Jaber a également indiqué qu’il avait inclus un troisième nom dans sa liste de candidats – qu’il n’a pas dévoilé – pour remplacer celui du banquier et gestionnaire d’actifs Jamil Baz, qui s'était retiré de la course plus tôt dans la semaine. Le troisième candidat connu était Edouard Gemayel, cadre au sein du FMI.
Feu d'artifice à Qartaba
Pendant la réunion, Karim Souhaid s’était, lui, rendu à Baabda pour répondre à une série de questions du gouvernement, centrées sur les dossiers bancaires. Il a quitté le palais une heure plus tard. À l’annonce de la nouvelle, le nouveau gouverneur était en train de rallier sa maison familiale à Qartaba (caza de Jbeil), où de nombreuses personnes se sont rendues pour le féliciter, selon l’ANI. Dès l'annonce de la nomination, des feux d’artifice ont été tirés dans la localité. Il a également reçu des appels de félicitations de ministres et de députés, en fonction ou ayant quitté leurs postes.
Le nouveau patron de la BDL va succéder au premier vice-gouverneur, Wassim Manssouri, qui assure l'intérim depuis la fin du mandat de Riad Salamé, le 31 juillet 2023, qui a été écroué en septembre dernier après sa mise en examen pour « malversations financières présumées » dans plusieurs affaires qui se seraient déroulées pendant son mandat, mais dont il nie toute responsabilité.
Cette nomination est également décisive pour faire démarrer un nouveau cycle de discussions entre le Liban et le FMI afin de permettre au pays de souscrire à un programme d'assistance conditionné à la mise en œuvre de réformes attendues depuis des années. Cet accord faciliterait également la tâche du pays pour réunir au moins 11 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction des zones détruites par la guerre entre le Hezbollah et Israël.
Autres décisions
Parmi les autres dossiers abordés lors de la réunion du Conseil des ministres figurait un projet de loi présenté par Yassine Jaber pour amender la loi sur le secret bancaire, assorti de dispositions modifiant sa rétroactivité.
Le Premier ministre Nawaf Salam a indiqué que le texte avait été approuvé, mais sans plus de détails, si ce n’est que son gouvernement est « déterminé à poursuivre les réformes ». Selon le procès verbal de la décision, le projet a été modifié et fixe finalement un délai de prescription de 10 ans. Le vote de la loi élargissant les conditions de la levée du secret bancaire fait partie, avec celle de la résolution bancaire, des mesures que le FMI souhaiterait voir adoptées dès que possible.
Selon le ministre Morcos, le prochain rendez-vous décisif du processus de négociation aura lieu le 21 avril lors des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale. Sauf surprise, il n’y aura donc a priori pas de visite du FMI début avril, comme cela avait été annoncé par le ministre des Finances auparavant.
Selon les informations de L’Orient-Le Jour, la question de la nomination des membres du conseil d’administration de Télé Liban a également été soumise au vote. Le ministre de l’Information avait suggéré que la nomination soit faite en Conseil des ministres, étant donné la nature même de Télé Liban, qui a un statut de société privée SAL, selon lui. Le Conseil des ministres a voté massivement contre cette suggestion, soumettant cette nomination au processus administratif des nominations dans le secteur public.
M. Morcos a aussi affirmé après la séance que le président de la République avait confirmé que le ministre de l’Intérieur œuvrait à la tenue des élections municipales à la date prévue et à la finalisation prochaine des nominations sécuritaires au sein du Conseil militaire. Il a ajouté que le Conseil des ministres avait approuvé la demande du ministère de l’Éducation d’exempter l’organisation des examens du Brevet d'études et de les remplacer par une attestation scolaire, en raison des retombées de la fragilité du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.
Le ministre des Télécoms, Charles Hajj, a pour sa part brièvement évoqué la réunion prévue en Arabie saoudite entre les ministres de la Défense libanais et syrien. Une autre réunion, après la fête du Fitr, sera consacrée à la question de la frontière entre le Liban et la Syrie, ainsi qu’à d’autres dossiers d’intérêt commun.
Les nominations judiciaires ont également été à l’ordre du jour de la réunion. Ayman Oueidate a notamment été nommé à la tête de l’Inspection judiciaire.
Pouvez-vous expliquer au malheureux libanais la raison pour laquelle le premier ministre ainsi que le président ne s’accordent pas sur un candidat mutuel et nous éclairer sur le programme de chacun d’entre eux concernant l’avenir des dépôts, de toutes catégories ?? Étonnant que les journalistes ne creusent pas suffisamment pour le savoir .
17 h 11, le 27 mars 2025