Monsieur le mohafez de la ville de Beyrouth,
Monsieur le maire de Beyrouth et les membres du Conseil municipal,
Mesdames et Messieurs les députés,
Messieurs les chefs de parti,
Messieurs les membres du clergé,
Mesdames et Messieurs les propriétaires et agents immobiliers,
Chers habitantes et habitants d’Achrafieh,
Achrafieh, ce bastion historique et culturel de Beyrouth, est aujourd’hui menacé par une vague de spéculation immobilière qui risque de détruire son identité et son héritage. Face à l’appât du gain de certains et à l’inaction des autorités, l’essence de ce lieu emblématique est en péril.
En cédant vos biens à ceux qui menacent notre démographie, notre culture, notre mode de vie et l’esprit même de ce lieu, vous participez, peut-être inconsciemment, à la destruction de notre communauté. Votre recherche du profit à tout prix met en péril notre héritage commun.
Achrafieh n’est pas une simple parcelle de terre à vendre au plus offrant. C’est un sanctuaire, un héritage sacré façonné par le courage et le sacrifice de ses martyrs, dont le sang a irrigué ses rues et ses places. Son esprit vibre au rythme des petits commerces familiaux, témoins d’une tradition ancestrale, et s’épanouit dans ses ruelles chargées d’histoire, où chaque pierre raconte un souvenir. Chaque mur porte les stigmates du passé, chaque balcon est un témoin silencieux des joies et des peines des générations qui s’y sont succédé. Les places et les ruelles résonnent encore des rires d’enfants et des conversations des anciens, tandis que les cloches des églises et les minarets des mosquées rythment la vie quotidienne. Achrafieh est un poème gravé dans la pierre, une mémoire vivante que nous avons le devoir de préserver, pour qu’elle ne soit jamais défigurée par l’avidité et l’indifférence, comme un livre dont on arracherait les pages.
Comme l’ont fait nos ancêtres pendant les heures sombres de notre histoire, nous devons nous lever pour défendre ce qui nous est cher. Achrafieh a survécu à des siècles de bouleversements ; il ne doit pas tomber aujourd’hui sous les coups de l’avidité.
Les habitants de ce lieu, gardiens de cette identité unique, portent en eux l’esprit de ce quartier, son caractère profond et ses traditions séculaires. Nous avons l’obligation morale de transmettre ce patrimoine intact aux générations futures, de sauvegarder son authenticité et de veiller à ce qu’il ne soit jamais bradé au profit d’intérêts mercantiles.
Jeunes d’Achrafieh, vous êtes les héritiers de ce quartier. C’est à vous de porter son flambeau et de veiller à ce que son esprit continue de vivre dans les années à venir. Ce trésor inestimable, symbole de notre identité, doit être protégé avec ferveur.
Cet avertissement solennel s’adresse à tous.
Aux résidentes et résidents d’Achrafieh : résistez et mobilisez-vous ! Ne cédez ni à la peur ni au découragement. Unissez-vous pour défendre votre quartier et vos valeurs. Faites pression sur vos élus ! Manifestez, signez des pétitions et exercez un lobbying citoyen pour exiger des mesures concrètes.
Préservez l’esprit du quartier ! Soutenez les petits commerces locaux et transmettez vos traditions à ceux qui nous suivront.
Aux agents immobiliers : prenez conscience de votre engagement ! Ne cédez pas à l’appât du gain. Vos actions auront des conséquences irréversibles.
Refusez de vendre ou de louer à ceux qui menacent l’identité de ce lieu. Aux députées et députés : légiférez pour sauvegarder ce quartier ! Interdisez les ventes et locations qui menacent son caractère et adoptez des lois pour préserver son héritage. Exigez l’autonomie municipale d’Achrafieh, à l’instar du plus petit village du Liban.
Aux chefs de parti : prenez position publiquement pour défendre ce bastion ! Votre silence sera perçu comme une complicité. Intégrez la protection du quartier dans vos programmes et engagements politiques. Soutenez activement les initiatives législatives et municipales visant à préserver l’identité et le patrimoine de ce lieu. Mobilisez vos réseaux et ressources pour empêcher la spéculation immobilière destructrice. Engagez-vous à promouvoir des politiques de développement durable respectueuses de l’histoire et de la culture du quartier.
À la municipalité de Beyrouth : appliquez strictement les réglementations urbaines ! Empêchez les projets immobiliers destructeurs et soutenez les petits commerces locaux.
Au mohafez de la ville de Beyrouth : veillez au respect des lois et agissez contre toute tentative de dénaturer ce quartier. Initiez des rencontres avec les habitantes, les habitants, les associations de quartier et les commerçants pour identifier les problèmes et y apporter des solutions efficaces. Mettez en place une commission de sauvegarde du patrimoine, composée d’urbanistes, d’historiens, d’architectes et d’habitantes et habitants du quartier.
Au clergé : élevez la voix pour défendre les valeurs et l’esprit de ce lieu ! Rappelez à tous que ce quartier est un bien commun, sacré et intouchable.
Si nous restons passifs, si nous fermons les yeux, si nous laissons faire, nous serons tout aussi coupables que ceux qui signent les contrats. Nous serons responsables de la mort de ce quartier, de la disparition de son identité et de l’effacement de son histoire. Et quand le dernier vestige de ce quartier aura disparu, nos larmes ne seront que des gouttes d’eau dans un océan d’indifférence, et nos excuses, des mots vides face à l’irrémédiable.
Achrafieh n’est pas qu’un lieu, c’est un combat. Un combat pour notre mémoire, notre identité et notre avenir. Rejoignez-nous dans cette lutte, car chaque pierre sauvée, chaque ruelle préservée, chaque commerce soutenu est une victoire contre l’oubli. Achrafieh vivra, car nous serons là pour le défendre.
Et celles et ceux qui auront contribué à la destruction de ce lieu en porteront la responsabilité, devant nous, devant l’histoire et devant Dieu.
Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.
Si c'est un problème d'homogénéité communautaire, Achrafieh valant bien une messe, pourquoi ne pas installer au cadastre un bureau des conversions avec un prêtre de chacun des rites principaux, mais auparavant fouillés et privés de tout objet pouvant être utilisé pour éliminer la concurrence?
07 h 33, le 20 mars 2025