
Un homme portant un enfant traverse le fleuve al-Kabir, qui sépare le Liban-Nord de la Syrie, le 10 mars 2025. Matthieu Karam/L’Orient-Le Jour

Chère lectrice, cher lecteur,
Au milieu des montagnes surplombant Batroun, un homme hurle à la mort. Munie de mon kit de soins d’urgence, je dévale la côte, prête à mettre en pratique l’acte héroïque que j’ai appris la veille : stopper un « saignement catastrophique » à l’aide d’un tourniquet, ce dispositif que l’on enroule au-dessus d’une blessure jusqu’à couper toute circulation sur le membre sanguinolent. Il faut faire vite : la plaie est béante, l’individu ne dispose que de deux ou trois minutes avant de se vider entièrement de son sang. Coup de théâtre ! Cinq hommes lourdement armés font irruption, jaillissant des fourrées avec l’intention explicite de nous faire vivre un sale quart d’heure. Tant pis pour le malheureux, la mission sauvetage est avortée - « dans ce genre de circonstances, mieux vaut un mort que deux », nous avait-on rabâché. Je lâche mes instruments et laisse mourir le pauvre homme.
La séquence évolue sur une prise d’otages. Sac sur la tête, mains menottées dans le dos, je me laisse traîner au sol jusqu’à sentir un ciment froid. On a eu beau me prévenir que le faux kidnapping était le point d’orgue de la formation, j’ai le souffle coupé. « Qu’est-ce que tu fous ici ? Tu travailles pour qui ? » hurle l’un des ravisseurs, tandis que je me figure un nombre de chiffres raisonnable à faire miroiter pour espérer une libération prochaine. Et si mes collègues de L’Orient-Le Jour n’étaient pas prêts à payer une telle somme ? Ça valait bien la peine, tiens, d’avoir effectué près de trois ans de bons et loyaux services, tout ça pour me laisser gésir dans la poussière…
Voilà, chère lectrice, cher lecteur, ce qu’il en coûte de vous informer en « terrains hostiles », comme le suggère l’intitulé de cette formation « Hefat » (Hostile Environment and Emergency First Aid Training), qu’impose notre rédaction en chef à tout journaliste souhaitant vadrouiller en terrain compliqué dans la région.
Hier au Liban-Sud, aujourd’hui en Syrie, voici une sélection d’articles écrits par ces valeureux « cobayes » qui, espérons-le, n’auront jamais à vivre un tel scénario dans la vie réelle.
Clara Hage, journaliste au service international


Dans le Akkar, les alaouites, ces nouveaux réfugiés syriens

Suite aux récents massacres dans l'Ouest syrien, survenus en l’espace de quatre jours seulement, plus de 6 000 réfugiés sont arrivés dans une douzaine de villages du Akkar. Tous disent regretter la fin du régime Assad, tombé le 8 décembre 2024. Lyana Alameddine et Matthieu Karam étaient sur place pour recueillir leurs témoignages.

À Lattaquié, la peur du lendemain

Lattaquié donne l’impression de sortir d’un ouragan. Tous les stores sont fermés et rares sont les passants déambulant dans les rues. Il a suffi de quatre jours pour transformer la lune de miel en bain de sang. Emmanuel Haddad s'est rendu sur place, où des habitants lui ont parlé malgré leurs craintes.

En Syrie, les coulisses d’un changement de régime

Le nouveau leadership syrien évolue dans un entre-deux où rien n’est prévisible, tout est possible. Si Ahmad el-Chareh s’est offert un costume de président, son autorité n’est pas totale. Une partie du territoire lui échappe, les institutions menacent de s'écrouler et des affrontements continuent d'éclater. Pour l'heure, il s'agit donc de faire « comme si ». Stéphanie Khouri a plongé dans les coulisses du changement de régime.

Comment, en 24 heures, la roue a tourné pour Ahmad el-Chareh

Après les massacres perpétrés par des factions proches du nouveau pouvoir, Ahmad el-Chareh semblait considérablement affaibli, accusé d’avoir échoué à empêcher les plus radicaux parmi ses alliés de commettre des crimes dignes du régime Assad. Voire pire, d’en être complice. Sauf qu’en seulement 24 heures, le nouvel homme fort de Damas a pu reprendre la main. Salah Hijazi vous explique comment.

Ghiath Dalla, architecte de la rébellion contre le pouvoir syrien et homme de confiance de l’Iran

Il est l’un des principaux meneurs de l’insurrection lancée par des partisans du président syrien déchu Assad, contre les nouvelles forces de sécurité dans des fiefs alaouites. Noura Doukhi dresse le portrait de Ghiath Dalla, dont le nom a déjà fait trembler plus d’un opposant à l’ancien régime.

Après les massacres, la Syrie noyée dans une vague de désinformation

Les vidéos d’exactions ont circulé à tour de bras en Syrie après les récents massacres de civils, survenus entre le 6 et le 10 mars. De quoi réveiller des craintes profondément ancrées parmi les Syriens. Sauf que nombre de ces images racontaient une autre réalité. Laure-Maïssa Farjallah vous en dit plus.