
Le rêve des adorateurs de Donald Trump, son effigie gravée dans le mont Rushmore. Photo d’illustration tirée du compte Instagram Trump Rushmore
Avec l’arrivée au pouvoir de l’imprévisible 47e président, c’est le branle-bas de combat au pays de l’Oncle Sam et dans le monde. À peine avait-il franchi le seuil de la Maison-Blanche que Donald Trump avait commencé à faire « sa » loi et à détricoter une à une celles du mandat précédent. Interprétant cette fois-ci pour de bon sa série télévisée The Apprentice, il distribue sans aucune restriction des « You are fired » (Vous êtes viré), jusqu’à son prédécesseur Joe Biden. Au grand dam des démocrates, rien ne l’arrête, sous les ovations des républicains qui ont été encore plus loin que lui. Une membre républicaine du Congrès, Anna Paulina Luna, fière du fameux « Make America Great Again » (MAGA) auquel l’Amérique, surtout profonde, s’identifie, s’est dépêchée de rédiger une proposition de loi jouant librement avec la grande histoire du pays. Son projet demande l’ajout de l’effigie de Trump au monument du mont Rushmore avec le message suivant : « Let’s get carving ! » (Allons sculpter). Comme on le sait, ce monument, le plus gigantesque des États-Unis, est taillé dans une montagne de granit, le mont Rushmore, dans l’État du Dakota du Sud. Il est l’œuvre d’un artiste nommé Gutzon Borglum qui, entre 1927 et 1941, a sculpté sur 18 mètres de haut les visages de quatre des présidents les plus marquants de l’histoire américaine, des années 1770 aux années 1900.
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Les visages de George Washington (1732-1799), Thomas Jefferson (1743-1826), Theodore Roosevelt (1858-1919) et Abraham Lincoln (1809-1865) ont ainsi été figés dans la pierre. Le Mount Rushmore National Memorial, qui abrite l’œuvre, couvre dans son ensemble une surface de 5,17 kilomètres carrés et culmine à une altitude de 1 745 mètres. Il est géré par le National Park Service qui dépend du département de l’Intérieur des États-Unis et attire plus de deux millions de visiteurs chaque année. Selon Mme Luna, il manque un détail important à ce gigantesque mural : l’avènement du 47e président américain dont le visage doit être, selon elle, sculpté aux côtés des quatre plus grands hommes du pays.
Comme on s’en doute, cette idée a fait flamber les réseaux sociaux. Si les uns voient en Donald Trump un « nouveau Moïse », d’autres contestent en bloc cette stature. Bien avant Anna Paulina Luna, l’ancienne présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, avait suggéré, elle, que le président Biden soit ajouté au mont Rushmore pour ses réalisations pendant son mandat. Cette allusion avait alors été largement moquée et critiquée par les personnalités du mouvement MAGA qui, à présent, font de même pour leur champion. Qu’il s’agisse de graver le visage de l’un ou de l’autre de ces chefs d’État, un tel projet nécessite avant tout un soutien bipartisan pour être adopté par le Congrès. Ce qui paraît peu probable.
Le célèbre site du Mont Rushmore. Photo Creative Commons
Toujours est-il que ce monument très visité fait l’objet d’une double controverse. D’abord, du côté des actuels Amérindiens et, plus particulièrement, des descendants de la tribu Lakota pour lesquels cette colline est sacrée. Des membres des mouvements autochtones avaient d’ailleurs occupé le monument en 1971 pour protester contre son appropriation, avant de choisir un autre site qu’ils ont baptisé « mont Crazy Horse », du nom d’un célèbre guerrier sioux du XIXe siècle. Celui-ci avait lutté contre les « Blancs » qui acquéraient les terres de sa communauté. Par ailleurs, le monument possède, aux yeux de certains, un caractère raciste, puisqu’il représente les quatre présidents qui étaient en fonction lors de l’acquisition des terres ancestrales appartenant aux autochtones. Il pourrait donc être interprété comme un signe de la supériorité des Blancs sur les premiers habitants du sol américain. Et, cerise sur le gâteau, le sculpteur Gutzon Borglum est lui-même sujet à controverse car il avait été membre du Ku Klux Klan.
Trump à la tête de l’iconique Centre Kennedy
Les Trumpistes ne font pas cas de ce débat et suivent leur président qui, lui, continue à s’octroyer tous les droits. Les lois qu’il a émises depuis le début de son mandat se sont même infiltrées dans la vie privée des gens, leur comportement social, leurs talents, et également dans les arts. Ainsi, l’État ne reconnaît plus que deux genres : l’homme et la femme, excluant les personnes transgenres qui ne jouiront plus du soutien du gouvernement. Car le mot d’ordre est de bannir la diversité sous toutes ses formes. Un concept qui avait été développé et privilégié auparavant et qui avait donné lieu à la création de milliers d’emplois. Les musées et les théâtres ont eux aussi dû se soumettre à ce diktat et ne plus présenter les œuvres d’artistes relevant du « melting-pot » ou qui ont choisi une orientation sexuelle autre que celle désormais admise. Le tout au grand effroi des citoyens américains soutenant le parti rival du président, les démocrates. Un grand coup de sabre a ainsi été donné par Donald Trump à l’iconique temple de la culture, le Kennedy Center, dont le patron, David Rubenstein, un mécène et un homme de grande culture, a été démis de ses fonctions. Pour le remplacer... sans réelle surprise, hélas, le président Trump s’est nommé « himself » à la tête du plus grand symbole de la culture américaine. Suscitant cette réaction du très connu critique d’art Philip Kennicott : « Ce qui était impensable hier devient possible aujourd’hui… »
Nous avons les mêmes en pire, chez nous.
15 h 12, le 20 février 2025