Simples pressions pour les ultimes négociations avant la date butoir du 18 février ou avertissement musclé destiné à jeter le doute sur la cérémonie des funérailles des responsables du Hezbollah le 23 février ? Les deux derniers messages israéliens mercredi soir ont semé le doute dans les esprits des Libanais, notamment ceux qui sont à Beyrouth et dans le Mont-Liban, qui ont connu depuis la conclusion de l’accord de cessez-le-feu le 27 novembre un calme relatif mais réel. Que signifiait donc ce survol des avions israéliens à basse altitude et avec un double mur du son très violent après plus de 70 jours d’absence ? Que signifiait aussi cette soudaine déclaration du porte-parole de l’armée israélienne qui rappelle aux Libanais les pires moments de la guerre de plus de deux mois, sur l’utilisation par le Hezbollah et par les Iraniens de l’Aéroport international de Beyrouth pour le transport des fonds ? Le porte-parole de l’armée israélienne était devenu pendant les 66 jours de guerre, et même depuis l’ouverture du front de soutien à Gaza le 7 octobre 2023, le cauchemar des Libanais avec ses avertissements réguliers aux habitants des quartiers qui allaient être la cible de bombardements israéliens. Puis il a pratiquement disparu des médias au cours des dernières semaines, avant de réapparaître mercredi soir. Il a ainsi réveillé l’angoisse chez les voyageurs, en brandissant de nouveau le spectre d’éventuelles frappes israéliennes... D’ailleurs, depuis la déclaration du porte-parole de l’armée israélienne, de nombreuses personnes qui devaient passer par l’aéroport le dimanche 23 février ont cherché à modifier la date de leurs billets d’avion...
C’est dire combien, en dépit de la dynamique positive lancée par l’élection du président Joseph Aoun, la désignation de Nawaf Salam et la formation du gouvernement, la situation globale reste fragile au Liban.
Sur le plan de la reconstitution des institutions, la confiance est pratiquement acquise au nouveau gouvernement, en dépit des critiques de certaines parties, essentiellement le CPL et des groupes sunnites. Le processus avance donc à grands pas, mais les problèmes liés à l’application de la résolution 1701 se font très pressants. S’il faut en croire les médias israéliens, l’armée israélienne voudrait conserver certaines positions (cinq) au sud du Liban pour, dit-elle, continuer à surveiller la région et éviter ainsi que le Hezbollah ne revienne dans la zone au sud du Litani, sous couvert du retour des habitants des localités limitrophes. Les Israéliens ont soulevé ce point avec les Américains qui auraient donné leur accord. Mais le chef de l’État a refusé cette suggestion et certains voient dans l’assourdissant mur du son des avions israéliens au-dessus de Beyrouth et du Mont-Liban une menace à peine déguisée au chef de l’État pour le pousser à changer sa position. L’arrivée de l’envoyée spéciale de l’administration Trump Morgan Ortagus, dimanche, pour les ultimes négociations avant le 18 février, date de l’expiration du nouveau délai pour la période d’essai, devrait clarifier les positions et déterminer le sort du cessez-le-feu après le 18.
Toutefois, pour certaines parties diplomatiques qui suivent le dossier libanais, le survol des avions israéliens mercredi soir serait aussi lié à la cérémonie des funérailles prévue le 23 février. Selon ces parties, les Israéliens ne voient pas d’un bon œil la tenue de cette cérémonie que le Hezbollah veut grandiose, avec à la fois un rassemblement populaire impressionnant et la participation de responsables libanais et d’autres pays de la région, notamment de l’Iran, du Yémen et de l’Irak. Bref, il s’agirait pour le Hezbollah de montrer à tous ceux qui l’avaient cru fini après la guerre et l’assassinat de la plupart de son commandement que non seulement il est encore là, mais aussi qu’il a soigné ses blessures et qu’il recommence à fonctionner en position de force. Sa participation au gouvernement présidé par Nawaf Salam était un premier message à ce sujet et l’organisation des funérailles le dimanche 23 février se veut un indice clair de son regain d’influence sur la scène interne.
Or, selon les parties diplomatiques précitées, c’est justement ce qui dérange les Israéliens qui veulent à tout prix non seulement empêcher le Hezbollah de reconstruire sa force, mais même lui interdire de faire comme s’il l’avait retrouvée. Ces sources révèlent que les Israéliens voudraient que le Hezbollah disparaisse totalement de la scène libanaise et c’est la raison pour laquelle ils sont en train de bombarder régulièrement la frontière libano-syrienne pour permettre aux forces syriennes engagées dans des affrontements à la frontière de gagner du terrain et d’affaiblir les réseaux du Hezbollah. Par conséquent, les Israéliens ne peuvent que se sentir dérangés par la cérémonie qui doit se tenir le 23 février, destinée à montrer que le Hezbollah a retrouvé sa vigueur et que sa popularité au niveau de sa base est intacte. Cette cérémonie ressemble ainsi aux apparences de victoire montrées par le Hamas à Gaza, à chaque échange d’otages, qui suscitent une vive émotion chez les Israéliens. C’est pourquoi les Israéliens ont lancé des messages pour semer le doute sur son sort, allant même jusqu’à adresser des menaces directes aux autorités libanaises à travers l’Aéroport international de Beyrouth.
Les sources proches du Hezbollah précisent que ce dernier n’aurait pas organisé cette cérémonie et entamé de si vastes préparatifs s’il n’avait pas des assurances que les Israéliens n’attaqueraient pas le lieu où elle est censée se dérouler le jour même. Mais qui peut donner de véritables garanties à ce sujet ? Surtout que le comité de surveillance n’a pas vraiment demandé des comptes aux Israéliens pour toutes leurs attaques au Sud et dans la Békaa au cours des dernières semaines... Malgré cela, la cérémonie est maintenue et les préparatifs vont bon train.
Toutefois, la question qui se pose reste la suivante : après tout ce qui s’est passé, les Israéliens vont-ils laisser une chance au Hezbollah de reconstituer sa force ou en tout cas de conserver son influence sur l’intérieur libanais ? Des voix s’élèvent en Israël pour demander de reprendre la guerre au Liban et à Gaza, pour en finir totalement avec le Hezbollah et le Hamas et ne pas se contenter de les avoir affaiblis... Même si ce scénario ne semble pas privilégié pour l’instant, il reste une possibilité réelle. C’est là que devraient intervenir les parrains des accords de cessez-le-feu, notamment la France et les États-Unis.
Moi j’aimerais qu’Israël disparaisse définitivement de la carte. Depuis sa création le Liban et les pays voisins n’ont pas connu que de brefs moments de répit.
18 h 37, le 14 février 2025