Le Courant patriotique libre est l’un des rares partis politiques totalement absents du gouvernement de Nawaf Salam. Il y a certes aussi certains composantes ou blocs à majorité sunnite et même les Marada, mais aucun de ceux-là ne dispose d’un nombre de députés aussi important que le CPL. Ce parti aurait-il sciemment été exclu du gouvernement pour lui faire payer le prix de ses positions avant l’élection présidentielle du 9 janvier, voire celui de son alliance pendant plus de 15 ans avec le Hezbollah ?
Les différentes parties concernées estiment qu’il n’y a aucun esprit revanchard de la part de ceux qui ont participé à la formation du gouvernement, à l’égard du CPL. D’abord, au sujet du président Joseph Aoun, la rencontre entre lui et son prédécesseur Michel Aoun, venu le féliciter au palais de Baabda au lendemain de son élection, était positive et même pleine d’émotion. De la part de l’ancien président, il y avait aussi des vœux sincères de réussite. Ensuite lorsque le chef de l’État a reçu le bloc du Liban fort, la rencontre était aussi très positive et Gebran Bassil a déclaré à Joseph Aoun que lui et les membres de son bloc comptent être un appui sincère pour la présidence. De même entre le CPL et le Premier ministre, Nawaf Salam. Ce qui s’est donc passé est beaucoup plus simple qu’on le croit. D’abord, le président du Conseil avait depuis le début en tête certains critères et une série de noms qui y correspondent. Il a d’ailleurs demandé à tous ceux qui voulaient participer au gouvernement de s’y conformer et de proposer des noms qui s’inscrivent dans ce cadre. C’est d’ailleurs la raison qui fait que si on y regarde de près, la plupart des ministres du gouvernement ont des CV qui comportent beaucoup de points communs, sur le plan des qualifications et des compétences, loin de toute considération ou de toute coloration politique frappante. Dans ce contexte, la présence ou l’absence du CPL n’était donc plus un élément important. D’autant qu’aucun parti n’était vraiment prêt à peser de tout son poids pour que les aounistes fassent partie du gouvernement. Le chef de l’État avait ses propres candidats, le président du Conseil aussi. Ce dernier a dû aussi faire cas des Forces libanaises et des Kataëb et il n’y avait plus de place pour le CPL, surtout que le Hezbollah était occupé à préserver sa propre présence. Le CPL aurait pu faire comme d’autres, les Forces libanaises notamment, c’est-à-dire choisir des personnes qui ne sont pas vraiment dans sa mouvance, mais plutôt dans celle du président et du Premier ministre, juste pour assurer sa présence au sein du gouvernement. Mais, selon les sources proches du CPL, celui-ci n’a pas voulu jouer ce jeu par respect pour sa propre ligne de conduite et parce qu’il est conscient qu’avec un ou deux ministres, il ne peut pas vraiment peser sur les décisions. Si publiquement, le CPL ne se considère pas parmi les perdants, dans ses cercles internes, les débats vont bon train et la question qui revient le plus souvent est celle de savoir ce que va faire ce parti et s’il compte s’installer dans l’opposition...
Jusqu’à présent, il n’y a pas encore de position claire. Selon des sources proches du CPL, ce parti souhaite donner une chance au gouvernement, surtout dans les circonstances difficiles que traverse le pays. Le bloc du Liban fort compte en tout cas se tenir aux côtés du président et le soutenir le cas échéant. Il déclare à ce sujet qu’il veut ouvrir une nouvelle page avec le président Joseph Aoun, après l’éloignement qui a commencé avec la révolte du 17 octobre 2019 que le CPL a considérée comme étant dirigée contre lui et contre Michel Aoun. Cela est d’autant plus important que la période qui commence est certes porteuse de beaucoup d’espoirs mais elle est aussi pleine de difficultés et d’échéances cruciales. Il s’agit d’une chance rare pour le Liban d’édifier un véritable État et des institutions publiques qui fonctionnent, loin de l’esprit de partage du gâteau confessionnel et politique qui règne depuis des années et qui mine le concept même de l’État. Mais encore faudrait-il la saisir, car s’il y a beaucoup de nouveaux acteurs, il y a aussi encore un système qui est bien en place et qui reste réfractaire au changement. En tout cas, le CPL ne compte pas fermer les yeux sur d’éventuelles erreurs de la part du gouvernement. Mais cela ne signifie pas qu’il compte faire de l’opposition à tout prix. Il veut rester vigilant au sujet des principes qu’il considère fondamentaux, au niveau de l’édification de l’État, de la lutte contre la corruption et du refus de l’exclusion d’une composante du pays, quelle qu’elle soit. En même temps, il compte se consacrer à sa propre réédification après les secousses subies, tout en cherchant à établir des relations positives avec toutes les composantes qui le souhaitent. Oui, le CPL est aujourd’hui en dehors du gouvernement, mais il ne compte pas pour autant être en dehors de la vie politique. C’est en tout cas la phrase qui revient le plus souvent dans ses déclarations publiques, ainsi qu’une autre qui rappelle les années d’exclusion à partir de 1990, qui ne l’ont pas empêché de revenir en force en 2005.
Ils devraient biffer le "Courant" du nom du parti, qui rappelle trop les ratés au ministère de l'énergie.
14 h 20, le 15 février 2025