Le président irakien Abdel Latif Rachid a engagé des poursuites contre le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani pour le non-paiement des salaires des fonctionnaires dans la région autonome du Kurdistan, illustrant des tensions croissantes au sein du pouvoir. Originaire du Kurdistan, M. Rachid a déposé sa plainte en janvier contre M. Soudani et la ministre des Finances, Taif Sami. Son conseiller, Hawri Tawfiq, n'en a toutefois révélé l'existence que dimanche.

Saisie du dossier, la plus haute juridiction du pays doit examiner la requête du président visant à garantir le versement des salaires « sans interruption », malgré les différends budgétaires persistants entre Bagdad et Erbil, la capitale régionale. Minée par la gabegie et la corruption, l'administration publique irakienne est marquée par des tensions récurrentes entre les deux dirigeants, selon des analystes.

Si les fonctionnaires ont perçu leurs salaires de janvier, ceux de décembre restent en attente. M. Tawfiq a justifié la divulgation tardive de la plainte par les manifestations qui ont éclaté à Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan et fief du président.

Le président de la région autonome, Nechirvan Barzani, a pourtant récemment salué la coopération de M. Soudani sur les questions financières, notamment le versement des salaires. Dimanche, plusieurs centaines de manifestants venus de Souleimaniyeh ont tenté de protester à Erbil, avant d'être dispersés par la police à l'aide de gaz lacrymogènes, selon des médias locaux. A Souleimaniyeh, un sit-in se poursuit depuis deux semaines, tandis que 13 enseignants ont entamé une grève de la faim.

L'an dernier, la plus haute cour irakienne a ordonné au gouvernement fédéral de verser directement les salaires des fonctionnaires du Kurdistan, sans passer par l'administration régionale, une revendication portée de longue date par les employés de Souleimaniyeh. Mais selon les autorités, ces paiements restent irréguliers en raison de problèmes techniques.

Pour le politologue Ihssan al-Shemmari, cette affaire met en lumière l'escalade des tensions entre MM. Rachid et Soudani. « Nous assistons à une fracture importante au sein du pouvoir exécutif, désormais affichée au grand jour », décrypte-t-il. Signe de cette fracture, le Premier ministre a ordonné en janvier une enquête sur l'entreprise du fils du président, IQ Internet Services.

La députée Hanan al-Fatlawi a interpellé M. Rachid sur X, affirmant: « Les amendes infligées à l'entreprise de votre fils, IQ (...) suffiraient à payer les salaires » au Kurdistan.