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Politique - Interview

Sibylle Rizk : La campagne contre Kulluna Irada « vise en réalité Nawaf Salam »

La directrice des politiques publiques de l’organisation et ancienne collaboratrice de « L’OLJ » estime que les réformes brandies par le think tank « dérangent le système profond » et les intérêts bancaires. 

Sibylle Rizk : La campagne contre Kulluna Irada « vise en réalité Nawaf Salam »

Sibylle Rizk, directrice des politiques publiques à Kulluna Irada. Photo DR

Depuis quelques jours, Kulluna Irada, un laboratoire d’idées et un groupe de pression libanais spécialisé sur les questions de gouvernance et relatives aux réformes politiques et économiques, fait l’objet d’une campagne de dénigrement intense sur les réseaux sociaux et certains médias traditionnels comme la MTV, dans un contexte ou plusieurs personnalités pressenties pour faire partie du prochain gouvernement, comme l’ancien ministre Tarek Mitri, sont également ciblées. La directrice des politiques publiques de l’organisation, Sibylle Rizk, revient pour L’Orient-Le Jour sur le contexte.

Kulluna Irada a fait l’objet ces derniers jours de plusieurs mises en cause et été notamment accusé d’influencer en coulisses le processus de formation du gouvernement au profit d’intérêts étrangers. Qu’est-ce qui explique ce soudain tir croisé, selon vous ?

Kulluna Irada dérange très fortement ce que j’appellerai le « système profond ». Nous sommes nés avant les mobilisations populaires d’octobre 2019 et notre objectif était dès le départ de contribuer à une autre façon de gouverner le Liban, dans l’intérêt général des Libanais plutôt que dans l’intérêt des représentants du pouvoir milicien, communautaire et affairiste qui ont capté les ressources du pays à leur avantage. Notre objectif était et reste de contribuer à un changement véritable, car nous savions que le pays allait dans le mur. Dès la conférence CEDRE, en 2018, notre position était très claire à ce propos. Nous y avons tiré la sonnette d’alarme. Kulluna Irada a bien entendu activement participé au mouvement d’octobre 2019 et nous continuons d’en défendre les principes. Cela sans être nous-mêmes un parti politique. Kulluna Irada analyse, propose, soutient des idées, des programmes, des politiques publiques. C’est aussi la démarche que nous avons eue pendant les élections de 2022, en soutenant les candidats qui partageaient notre vision. Notre organisation travaille sur de nombreux dossiers, comme celui de la décentralisation ; des réfugiés syriens dont le retour chez eux est une priorité ; la réforme électorale, car nous défendons le droit des expatriés à élire les 128 députés siégeant au Parlement ; et aussi sur la crise économique et financière, car l’inaction en la matière est profondément destructrice pour le Liban.

Les attaques actuelles viennent de ceux dont les intérêts sont menacés par la mise en œuvre – enfin – d’un véritable programme de restructuration économique et financier dont le point de départ est la restructuration bancaire. Il ne s’agit pas d’un dossier technique. Il y a des intérêts qui sont en jeu. Or depuis cinq ans, les déposants subissent des « haircuts » sauvages en dehors de tout cadre légal pendant que les actionnaires des banques auxquelles ils ont confié leur argent sont toujours aux commandes d’établissements zombies, alors que dans n’importe quelle économie capitaliste, le droit impose que l’imputation des pertes commence par eux. Les positions de Kulluna Irada déplaisent à ceux qui voudraient échapper à leur responsabilité dans cette faillite monumentale. Nous répétons depuis des années une vérité qui est dévoyée à travers des campagnes médiatiques orchestrées par ceux qui refusent d’assumer leur part des pertes monumentales du secteur bancaire : il y a cinq ans, il était possible de restituer 100 % de leur argent à tous les déposants détenant jusqu’à 500 000 dollars. Aujourd’hui, ce seuil est malheureusement tombé autour de 100 000. Car sous prétexte de défendre la « sacralité » des dépôts, les réserves en dollars de la banque centrale ont été allouées aux cercles proches du pouvoir plutôt qu’à l’écrasante majorité des déposants. L’hyperinflation a agi comme une taxe indiscriminée sur tous les Libanais, c’est-à-dire une taxe extrêmement inégalitaire. Il est temps de mettre fin à cette injustice et de relancer l’économie sur des bases saines. 

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’exercer une influence sur le Premier ministre ?

Davantage que Kulluna Irada, cette campagne vise en réalité le Premier ministre désigné Nawaf Salam lui-même. Son arrivée au pouvoir dérange, car il n’est pas un homme du sérail. Son tandem avec le président de la République Joseph Aoun, s’il fonctionne bien, peut – et doit – répondre aux espoirs des Libanais. Cela fait trois décennies que le système de pouvoir en place n’a apporté que faillite financière, appauvrissement économique et guerres. La société libanaise est épuisée. Les Libanais émigrent en masse. L’objectif de ces attaques est de couper l’herbe sous le pied de Nawaf Salam avant même qu’il ne se mette au travail et de décourager toute personnalité désireuse d’imposer un changement véritable.

Vos détracteurs mettent aussi en doute l’origine de vos fonds. Quels sont exactement les objectifs de Kulluna Irada et qui finance cette organisation ?

Kulluna Irada a été fondée en 2016 par des Libanais de la diaspora et du Liban et est exclusivement financée par les contributions de ses membres. Notre objectif est de contribuer à l’établissement d’un État pleinement souverain et à refonder un modèle économique et social au service de tous les Libanais. Les pouvoirs régaliens de l’État supposent qu’il ait le monopole des armes et nous avons toujours dénoncé la persistance d’un Hezbollah armé. Cette position ne contredit nullement le fait que nous dénonçons les campagnes d’Israël. Aujourd’hui, la priorité absolue est d’obtenir son retrait des localités du Sud du pays et le retour des Libanais chez eux. Nous insistons cependant sur la nécessité de centraliser la défense et la politique étrangère dans les institutions étatiques. Sur le plan économique, la souveraineté de l’État suppose sa capacité à faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers, aussi influents soient-ils. La restructuration bancaire est un point de départ essentiel en la matière.

Depuis quelques jours, Kulluna Irada, un laboratoire d’idées et un groupe de pression libanais spécialisé sur les questions de gouvernance et relatives aux réformes politiques et économiques, fait l’objet d’une campagne de dénigrement intense sur les réseaux sociaux et certains médias traditionnels comme la MTV, dans un contexte ou plusieurs personnalités pressenties pour faire...
commentaires (11)

que veut le peuple? Bien sûr

Massabki Alice

15 h 00, le 08 février 2025

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • que veut le peuple? Bien sûr

    Massabki Alice

    15 h 00, le 08 février 2025

  • Revenons un peu dans la temps: La thawra etait contre la mainmise d'une elite corrompue. Dans le même temps on a eu une crise financière. La thawra a été tuée par hezbollah qui a ratonné les manifestants. La crise financière, elle est due au tarissement des flux financiers entrants á cause de hezballah. La structure du ponzi á elle seule n'est pas une raison á la crise: les Etats Unis vivent dans le même déséquilibre depuis 120 ans (date où JP Morgan a convaincu les Européens de prêter á l'Erat Federal). Donc Kuluna Irada et ses détracteurs ne se trompent pas de cible. Le coupable est le hezb

    Moi

    14 h 17, le 08 février 2025

  • Merci. Continuez à dénoncer l’hypocrisie et la complicité de la classe bancaire dans ce désastre financier. Ils ont sciemment choisi de protéger leurs intérêts personnels, laissant le reste de la population porter le fardeau des pertes bancaires, à travers les restrictions de retraits et l’hyperinflation.

    papazulu

    13 h 09, le 08 février 2025

  • Merci à Sybille Rizk et à Kulluna Irada .

    Philippe Helou 1276

    12 h 29, le 08 février 2025

  • La campagne contre Kulluna Irada « vise en réalité Nawaf Salam ». Il faut dire que ce dernier, avec notre nouveau Président, n’en ratent pas une pour donner le bâton à ceux qui veulent les frapper avec. Ça n’est pas en courbant l’échine devant les fossoyeurs de notre pays qui le sauveraient. Cette méthode a fait déjà ses preuves avec tous ceux qui les avaient précédés. Apparemment ils n’ont rien compris aux méthodes à utiliser pour réussir leur pari de sauver ce pays qui peine à trouver un homme à la hauteur de la situation. Ils se suivent et se ressemblent.

    Sissi zayyat

    10 h 30, le 08 février 2025

  • Je ne lis que des généralités et des principes sibyllins (je ne résiste pas au jeu de mots). Il y’a par contre une GROSSE contre-vérité: les fonds de Kulluna Irida ne viennent pas QUE de ses membres.

    Lebinlon

    10 h 09, le 08 février 2025

  • Kulluna Irada . Une lumière au Liban.

    Renauld Patrick

    08 h 45, le 08 février 2025

  • on est tres tres decu par nawaf et par extension kulluna irada. nawaf ne fait que des concessions au hizb alors qu'ils ne l'ont meme pas nomme!!! est-ce qu'ils pensent que c'est comme ca qu'une democratie marche???? et si les forces Libanaise, le plus grand bloc n'avaient pas suivi???? c'etait nagib de nouveau. Ils agissent de facon capricieuse et tres dangeureuse...rappelez vous, ils n'avaient pas vote pour Joseph Aoun....je ne revoterais plus jamais pour ces fous...

    Elementaire

    07 h 49, le 08 février 2025

  • Merci à Sibylle Rizk , dont on sait la rigueur et la crédibilité , pour cette indispensable mise au point. La campagne en cours contre Tarek Mitri et Kulluna Irada est une honte. Une médisance sans nom. Elle ne serait que pathétique si elle ne contribuait à compliquer la tâche de Nawaf Salam. Que les lecteurs mal informés relisent cet article deux fois plutôt qu’une .

    Eddé Dominique 4037

    05 h 30, le 08 février 2025

  • Il faudrait aussi supprimer toutes les indemnités abusives et injustifiées octroyées aux deputés et à leurs familles.

    Citoyenne volée

    01 h 35, le 08 février 2025

  • Si vous travaillez sur la loi electorale, il serait bon de diviser le nombre de deputes par deux. Nous en avions 65 autrefois et ils ont ete multiplies par deux par les Syriens. Un pays de 10452 km2 et de 5 millions d'habitants n'a pas besoin de cette surpopulation de parlementaires (128) d'autant plus qu'ils sont tous la voix docile et soumise de leurs zaïms. En plus, ça nous fera des economies!

    Citoyenne volée

    01 h 10, le 08 février 2025

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