Récemment, les députés libanais, pressés par le changement géopolitique en vogue dans la région, ont élu un président et nommé, pour la plupart d’entre eux, un Premier ministre, réputés pour leur impartialité et intégrité. Une situation inhabituelle dans un pays où la corruption est profondément ancrée. Même si cette situation est prometteuse, elle pose une interrogation essentielle : la responsabilité de construire une nation est-elle uniquement attribuée aux dirigeants ou également au peuple ?
Dans un univers parfait, une direction franche, correcte et qualifiée devrait suffire pour diriger une société vers un futur florissant. Toutefois, le passé démontre que même les leaders les plus doués échouent si leurs citoyens manquent de discipline et de dévouement pour le bien collectif. Le Liban ne fait pas, et ne fera pas, exception à la règle.
Les Libanais sont reconnus, à juste titre, pour leur intelligence, leur créativité et leur capacité de résistance. Cependant, et malgré la solidarité qu’une partie des Libanais a montré ces derniers mois, ces qualités sont fréquemment surpassées par des comportements individualistes qui entravent le progrès national. Il est évident qu’un grand nombre d’entre nous opte pour le non-respect des lois au détriment de la communauté. Ils considèrent généralement l’anarchie comme une forme de liberté, de ruse, de débrouillardise, d’intelligence et même de bravoure, tandis que la discipline est perçue comme un obstacle, une timidité, une stupidité et une faiblesse.
Cette mentalité fait de la corruption un standard social dans ce Liban meurtri. La collusion presque générale dans ces méthodes entravera à coup sûr toute réforme pérenne, indépendamment du dirigeant.
L’autodiscipline, pas celle imposée par la force, est le secret de toute nation qui se respecte. Si le peuple refuse de se l’approprier, aucune politique, aussi bien pensée soit-elle, ne pourra prospérer. Toutes les grandes nations se basent sur la discipline personnelle et le respect des lois et de la communauté. Considérons des cas comme l’Allemagne et le Japon (deux pays ruinés après la Seconde Guerre mondiale) ou les pays nordiques pour ne citer que ceux-là. La réussite de ces derniers ne repose pas uniquement sur la compétence de leurs dirigeants, mais aussi sur la faculté de leur population à se conformer aux normes, à collaborer en équipe et à accorder une priorité au bien commun.
Au Liban, nous devons nous interroger sur des questions complexes : sommes-nous disposés à abandonner nos petits privilèges pour bâtir un pays basé sur l’équité et la justice ? Pour construire une société plus solide, sommes-nous disposés à suivre les normes, même lorsqu’elles nous imposent des contraintes ?
Bien qu’un président et un Premier ministre sincères et honnêtes soient une source d’espoir, ils ne peuvent pas, à eux seuls, métamorphoser le Liban. Il est temps que chaque individu se tourne vers lui-même et prenne en charge ses responsabilités civiques. Pour améliorer le Liban, il est nécessaire de débuter par revoir nos habitudes et instaurer une culture d’autodiscipline qui privilégie l’intérêt général.
Les pays sont le reflet de leur population. Dis-moi d’où tu viens et je te dirai qui tu es. Changeons pour transformer notre nation.
Plus que jamais je m’engage.
Dr Camille SIRGI
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