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Diaspora - Témoignages

« On n'est nulle part en sécurité » : des Libanais expatriés à Los Angeles réagissent aux incendies

La communauté libanaise à Los Angeles compterait près de 14 500 personnes, selon des informations circulant dans la presse locale.

« On n'est nulle part en sécurité » : des Libanais expatriés à Los Angeles réagissent aux incendies

Capture d’écran d’une vidéo prise par Ferris Wehbe, depuis sa maison dans le quartier d'Hollywood à Los Angeles, le mercredi 8 décembre, montrant l'incendie « Palisades Fire »

« J’ai le sentiment que l’on n'est nulle part en sécurité dans le monde », lâche tout de go Ornella Antar, résidente depuis quelques mois du quartier de Pasadena, au nord-est de Los Angeles. Dix jours après le début des incendies les plus destructeurs de l’histoire de la deuxième plus grande ville des États-Unis, la trentenaire n'est toujours pas rentrée chez elle, craignant les déchets toxiques. Après avoir loué deux jours un Airbnb à Newport, sur la côte au sud de Los Angeles, elle attend désormais depuis Washington de pouvoir rentrer chez elle.

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Ce jeudi 16 au matin, les autorités locales expliquaient que la situation restait « dangereuse » dans certains quartiers. Le dernier bilan fait état de 24 morts, tandis que 12 000 habitations ont été détruites, dans ce qui promet déjà d’être les incendies les plus coûteux de l’histoire des États-Unis, selon le service de prévisions AccuWeather, cité par la BBC le 10 janvier. « Ce qui était vraiment choquant, c’est que les incendies se sont propagés dans des zones urbaines », raconte Ornella Antar, dont le quartier a été touché par un second foyer nommé « Eaton Fire ».

Ce dernier a brûlé 57 km², selon le site Cal Fire, soit trois fois la superficie de Beyrouth. « L’Eaton Fire a touché en partie notre quartier de Pasadena, mais notre appartement a été épargné », explique-t-elle, rassurée. En revanche, « un couple de Libanais de 60 ans, installé depuis longtemps dans le quartier, a perdu sa maison, consumée en moins d’une heure ». Selon des informations circulant dans la presse locale, la communauté libanaise compterait près de 14 500 personnes à Los Angeles.

« La force des vents m’a rappelé l’explosion au port » 

Contrairement aux habitants de Californie, région particulièrement vulnérable aux feux de forêt, Ornella Antar, expatriée depuis trois ans, explique n’avoir connu que « les incendies au Liban d'octobre 2019 ». Elle raconte une première nuit anxiogène du mardi 7 au mercredi 8 janvier, en apprenant qu’un feu s’était déclaré dans sa région. Elle avait alors téléchargé l’application « Watch duty » qui « prévient les habitants devant évacuer par l’envoi de messages d’alertes : « Be prepared to go » (Tenez-vous prêts à partir) ou « Go » (Partez). Après une nuit blanche, passée au téléphone avec sa sœur au Liban, Ornella Antar et son mari s'endorment finalement pour se réveiller sous « un ciel orange » : « L’incendie était derrière les montagnes. On a eu très peur et nous sommes partis », narre-t-elle. 

Image du ciel prise par Ornella Antar, le mercredi 8 décembre, à partir de sa maison dans le quartier de Pasadena, proche de l’« Eaton Fire »

Sabine Ghanem Pfund, comédienne installée à Los Angeles depuis 2019, explique que « la force des vents m’a rappelé l’explosion au port » de Beyrouth du 4 août 2020. Les rafales de vent ont en effet atteint la force d’un ouragan, selon les experts. « C’est le mardi (7 janvier) que ça a commencé : le vent était tel que j’ai compris que quelque chose de terrible se produisait, les branches tombaient des arbres », se souvient-elle.

Son quartier a finalement été épargné, alors que les flammes en embrasaient d'autres « à cinq minutes en voiture ». Expatriée depuis 2019, la jeune trentenaire relate une situation similaire, mais inversée, de celle qu'elle a vécu avec sa famille l'automne dernier, en pleine guerre au Liban entre Israël et le Hezbollah : « C'était comme quand je parlais à mes proches, qui me disaient être en sécurité à Achrafieh alors que les bombardements avaient lieu dans la banlieue sud de Beyrouth. »

Le cèdre et les flammes 

Habitant depuis un demi-siècle le quartier de Hollywood, Ferris Wehbe, Libano-Américain de 67 ans, a lui aussi été évacué, sans que son foyer soit toutefois endommagé. « L’incendie était très proche. Quand le feu s’est déclaré, j’étais à la maison avec mes enfants, nous nous sommes immédiatement emparés des extincteurs pour faire de notre mieux », raconte le père de quatre enfants. « Heureusement les sapeurs-pompiers dans notre région ont pu déployer des avions-citernes pour éteindre les incendies. »

Cofondateur du Los Angeles Cedars Rotary Club, une branche de l’organisation humanitaire Rotary International, Ferris Wehbe est aussi à l’origine de l’apposition d'un cèdre du Liban sur un banc qui a fait le buzz dans une vidéo sur les réseaux sociaux. L'on y voit un banc en bois, orné du Cèdre du Liban, trônant au haut d’une colline, tandis que les flammes de l’incendie « Palisades Fire » – qui a brûlé 96 km² dans l’ouest de Los Angeles –embrasent l’horizon. 

« À Los Angeles, l’une des actions que notre club a entreprise est de placer des bancs dans des lieux stratégiques avec une citation de Gibran Khalil Gebran, l’image d’un cèdre du Liban et le symbole Rotary. Nous en avons placé 5 dans le Griffith Park, l’un des lieux les plus emblématiques de Los Angeles, qui surplombe le célèbre panneau Hollywood », explique Ferris Wehbe. La citation inscrite sur le banc est un vers du sage Moustapha dans l'œuvre Le Prophète (1923) du célèbre poète libanais : « N'oubliez pas que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux. »

« J’ai le sentiment que l’on n'est nulle part en sécurité dans le monde », lâche tout de go Ornella Antar, résidente depuis quelques mois du quartier de Pasadena, au nord-est de Los Angeles. Dix jours après le début des incendies les plus destructeurs de l’histoire de la deuxième plus grande ville des États-Unis, la trentenaire n'est toujours pas rentrée chez elle, craignant...