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Nos Lecteurs ont la Parole

Saint Sylvestre et le Maître du temps

Au premier jour de l’année, saint Sylvestre décida de s’y attarder et de ne pas passer au jour suivant. Il redoutait de faire le pas et de voir se reproduire les erreurs et les malheurs des années précédentes. Il se disait : mieux vaut que les êtres encore humains continuent de célébrer la nouvelle année et de festoyer indéfiniment plutôt que de revenir, une fois la fête passée, à leurs mauvaises habitudes et à leurs éternels conflits. Je vais donc camper au Nouvel An et que la fête continue ! Ayant perdu la notion du temps, le monde a continué à célébrer ce premier jour durant des jours et des jours ! Les fêtards n’en finissaient pas de jubiler, de danser, de lancer des feux d’artifice et des cotillons, de s’étreindre et de se souhaiter la bonne année !

Le Maître du temps apparut à saint Sylvestre afin de s’enquérir de cette situation aberrante. Après avoir pris connaissance des raisons, il intima à son saint l’ordre de passer au jour suivant et de respecter le cours du temps.

- Qui t’a autorisé à arrêter le temps ? C’est toi, le Maître du temps, ou moi ?

- Maître, si je bouge, ils vont de nouveau s’entre-tuer ! Ne vaut-il pas mieux qu’ils demeurent en paix et joyeux ?

- Mais ils sont devenus euphoriques et hilares ! Ça ne peut pas continuer ! S’ils ne tirent pas les leçons de leur passé, qu’ils en subissent les conséquences ! Allez ! Bouge ! Je te l’ordonne ! Et n’agis plus à ta tête !

Saint Sylvestre dut obtempérer et passa aux jours suivants. Mais, à sa surprise, le monde ne revint pas si vite à ses mauvaises habitudes. Il avait pris goût à la fête et restait grisé, heureux et pacifique, pour plusieurs jours. Les conflits tardèrent à se manifester.

Cela l’encouragea à récidiver le 14 février, à la Saint-Valentin. Il saisit l’opportunité de cette fête de l’amour pour se figer encore une fois et faire perdurer le sentiment amoureux le plus longtemps possible chez les humains. Ainsi, les échanges de cœurs, les bouquets, les messages d’amour, les baisers, et même les gestes fraternels s’étendirent sur une journée infinie... jusqu’à la réapparition du Maître du temps.

- Sylvestre ! Je vais t’enlever le titre de saint !

- Pardonnez-moi, Maître ! Mais je n’ai pu m’empêcher de profiter de cette occasion ! Voyez comme ils s’aiment tous ! Et l’amour, qui s’est prolongé, a pris plusieurs formes ! Cette fête ne concerne plus seulement les amoureux, mais englobe l’amour du prochain !

- Ce n’est pas par des astuces qu’on va répandre l’amour ! Mais par le verbe et par des actions. Il faut avancer !

À contrecœur, saint Sylvestre dut mettre fin à cette longue journée de l’amour et passer au jour suivant. Cependant, il remarqua, encore une fois, que ce sentiment généralisé se prolongea sur plusieurs jours. Les gens avaient pris le pli de l’amour ! Ils continuaient à s’aimer, non seulement amoureusement, mais aussi fraternellement !

Toujours tenté de renouveler l’heureuse expérience tout en veillant à ne pas courroucer le Maître du temps, il eut l’idée de faire un bond et de se fixer sur le jour de l’Action de grâce. En ce jour, devenu par enchantement durable, les habitants de la terre rendaient infiniment grâce au Créateur pour ses bienfaits. Ils lui présentaient inlassablement leurs récoltes avec une immense gratitude, dans une manifestation de joie continue. Devant ce spectacle perpétuel, le Maître du temps s’attendrit et félicita saint Sylvestre pour sa bonne idée. Il en était réjoui, mais il demanda à son saint de suivre, quand même, le calendrier et de reprendre sa marche ordonnée et régulière vers sa destination.

- Puis-je, Maître, faire encore une escale au jour de Pâques ?

- Oh ! Tu touches, là, mon point faible, coquin ! C’est mon jour préféré ! D’accord, mais ne t’éternise pas en ce jour, même si toute l’éternité y est !

Et en ce jour prolongé du dimanche de Pâques, beaucoup de cœurs ressuscitèrent et s’épanouirent dans l’espérance, le pardon, l’amour et la fraternité ! La grand-messe, immense, éternelle, faisait le tour du globe ! Et le phénomène perdura plusieurs jours après cet interminable et mémorable jour ! Le pli du bien était bel et bien pris !

Arrivé au terme de son voyage de cette année-ci, saint Sylvestre se retourna et constata qu’elle s’était distinguée des précédentes par beaucoup moins de conflits, de violence, de guerres et de malheurs ! Pour une fois, le bilan était positif ! Le monde se portait mieux grâce à cette fixation atemporelle sur des dates festives du calendrier ! Il se promit de renouveler l’expérience, l’an prochain, en s’immobilisant sur tous les jours fériés de l’année. Ainsi, il n’y aura plus de place pour le mal !

Et le Maître du temps, gagné à la stratégie de son saint, et rendu à l’évidence, n’était pas mécontent !

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Au premier jour de l’année, saint Sylvestre décida de s’y attarder et de ne pas passer au jour suivant. Il redoutait de faire le pas et de voir se reproduire les erreurs et les malheurs des années précédentes. Il se disait : mieux vaut que les êtres encore humains continuent de célébrer la nouvelle année et de festoyer indéfiniment plutôt que de revenir, une fois la fête...
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