
Amos Hochstein (à gauche) s'entretenant avec le Premier ministre libanais au Grand Sérail le 6 janvier 2025. Photo envoyée par notre correspondante Hoda Chedid
Durant les quelques heures qu’il a passées au Liban lundi, l’émissaire américain Amos Hochstein a lancé plusieurs messages au sujet de la situation encore précaire au Liban-Sud, y consacrant la majeure partie de ses déclarations, même si l’élection présidentielle libanaise fixée au 9 janvier était de tout évidence omniprésente dans ses rencontres avec les responsables libanais.
À l’issue de son entretien avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati au Grand Sérail lundi en soirée, Amos Hochstein a réitéré ses assurances d’un retrait israélien total du Liban-Sud. « Avec le Premier ministre nous avons discuté de ce que le gouvernement doit entreprendre pour faire appliquer cet accord (de cessez-le-feu) afin de s’assurer que le pays pourra en profiter pour retrouver la prospérité et la stabilité », a-t-il dit. Il a rappelé s’être rendu à Naqoura (caza de Tyr, à la frontière sud) et avoir constaté le retrait israélien jusqu’au-delà des frontières.
« Ces retraits israéliens se poursuivront jusqu’à ce que les forces israéliennes soient totalement sorties du territoire libanais », a insisté l’émissaire américain.
La guerre entre Israël et le Hezbollah a duré depuis le 8 octobre 2023 jusqu’à la date d’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 27 novembre 2024, avec une escalade notoire durant les deux derniers mois. Les violations israéliennes ne se sont pas arrêtées pour autant. Ce retrait de Naqoura est le deuxième au Liban-Sud, sachant que les casques bleus de l'ONU et le Premier ministre Mikati ont demandé fin décembre à l'armée israélienne d'accélérer son départ.
L'armée libanaise avait fait savoir lundi que « des unités militaires avaient pris position autour de la localité de Naqoura (...) et commencé à se déployer en coordination avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) », dont le QG se trouve dans ce village. Un déploiement « parallèlement au retrait de l'ennemi israélien », selon l'armée libanaise, qui a coïncidé avec « une réunion du comité des cinq » chargé de superviser le cessez-le-feu, à laquelle a participé Amos Hochstein.
L'armée israélienne a indiqué à l'AFP qu'elle « opérait conformément aux directives de l'échelon politique » et qu'elle est engagée dans ce qui a été convenu concernant les conditions du cessez-le-feu.
Un « calendrier clair » pour le retrait israélien
Pour sa part, M. Mikati a réitéré en marge de son entretien avec M. Hochstein « la revendication d’un arrêt des violations israéliennes dans les villages du sud, et la destruction systématique des maisons et des structures, ainsi que le survol de l’espace aérien libanais ». Il a demandé « un calendrier clair pour achever le retrait israélien avant la fin du délai de 60 jours », et exprimé son « rejet ferme de toute mention de l'intention d'Israël de prolonger » le délai d'application des modalités du cessez-le-feu, notamment en ce qui concerne le retrait israélien.
« Je n'ai aucune raison de ne pas penser que toutes les parties, vraiment toutes, demeureront engagées dans l'application de l'accord », avait pour sa part affirmé M. Hochstein.
L'envoyé américain avait aussi mentionné le retrait israélien de Naqoura pendant son entretien avec le président du Parlement Nabih Berry. « Ces retraits se poursuivront jusqu'à ce que toutes les forces israéliennes quittent totalement le Liban, et pendant que l'armée libanaise continuera de se déployer vers le sud, jusqu'à la Ligne bleue », a-t-il ajouté.
Selon les termes du cessez-le-feu que M. Hochstein a aidé à négocier, l'armée libanaise doit se déployer aux côtés des casques bleus onusiens dans le sud, pendant que l'armée israélienne se retire sur une période de 60 jours. Le Hezbollah, pour sa part, doit retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 kilomètres de la frontière, et démanteler toute infrastructure militaire restante dans le sud.
Or le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait accusé dimanche le parti chiite de ne pas se retirer « au-delà du fleuve Litani » et de ne pas respecter d'autres termes du cessez-le-feu, après que ce dernier a accusé Israël de violations.
Amos Hochstein a affirmé qu'il avait coprésidé lundi la troisième réunion de ce comité aux côtés du général américain Jasper Jeffers, ajoutant que « le mécanisme fonctionne bien ». Un comité composé de représentants israélien, libanais, français et américain, ainsi que d'un délégué de la Finul, est chargé de surveiller l'application du cessez-le-feu et les violations potentielles.
Bien que la mise en œuvre du cessez-le-feu n'ait pas progressé « aussi rapidement que certains l'auraient souhaité (...), ce que j'ai entendu aujourd'hui à Naqoura me donne l'espoir que nous sommes sur la bonne voie », a souligné M. Hochstein après son entretien avec M. Berry.
Le 11 décembre, l'armée libanaise avait annoncé son déploiement autour de la ville frontalière de Khiam en coordination avec la Finul, également après le retrait des troupes israéliennes de la région. Selon l'armée américaine, il s'agissait du premier retrait des forces israéliennes suivi d'un déploiement de l'armée libanaise dans le cadre du cessez-le-feu.
Consensus politique
A l'occasion de sa première visite au Liban depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, M. Hochstein a par ailleurs appelé à un « consensus politique » en vue de l'élection d'un président de la République, prévue jeudi après deux ans d'impasse en raison de profondes divisions entre le Hezbollah et ses adversaires. Selon les informations de L’Orient-Le Jour, il a déclaré sans ambiguïté, tout comme l'envoyé saoudien avant lui, que le commandant de l'armée, le général Joseph Aoun, était le candidat préféré des cinq puissances impliquées dans le dossier libanais (France, États-Unis, Arabie saoudite, Qatar et Égypte). Il s'est d'ailleurs entretenu avec le commandant en chef avant de se rendre au siège du président du Parlement Nabih Berry.
« Le Liban traverse une période critique (...) non seulement pour mettre en œuvre cet accord, mais aussi pour parvenir à un consensus politique et se concentrer sur le pays au service du peuple », a insisté l’émissaire américain au cours de sa visite. « C'est aussi une occasion (...) de s'appliquer véritablement à la reconstruction de l'économie, la mise en œuvre des réformes qui permettront d'attirer les investissements et de ramener le pays sur la voie de la croissance », a-t-il dit.
Mardi, Amos Hochstein et l'ambassadrice américaine ont été reçus à Meerab par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et son épouse, la députée Sethrida Geagea. Lors de leur discussion, les participants à cette rencontre ont discuté du cessez-le-feu et de la nécessité que l'armée israélienne se retire du territoire libanais, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle).
Dans la matinée, M. Hochstein avait été reçu au domicile du député Fouad Makhzoumi, en présence de « représentants de la plupart des groupes parlementaires », rapporte l'Ani. Fouad Makhzoumi a insisté lors du petit-déjeuner auquel il avait invité l'émissaire américain, sur la nécessité d'appliquer toutes les dispositions de la résolution 1701 « pour éviter que le Liban ne devienne une arène pour les luttes d'influences régionales, au détriment du peuple et de l'État ».
Toujours selon nos informations, l’émissaire français Jean-Yves Le Drian est lui aussi attendu à Beyrouth mardi.