Pressé par un impératif de survie, le Liban a évolué en dehors du monde.
Assiégée par un déchaînement qu’elle n’avait pas su prévoir, cette terre de conciliation vécut l’autarcie qu’engendrent la haine et la violence.
Meurtrie dans sa chair, cette terre de dialogue s’est vue imposer une doctrine de parole barrée.
50 ans que le Liban vit dans une atmosphère délétère et s’effrite sous une fringale d’immédiateté et de ponctuel. 50 ans de résilience qui ont fini par rendre insignifiant le terme résilience.
50 ans que le pays vit sans repère et se désagrège sous le poids du plébiscite de la médiocrité et d’un fatalisme prégnant.
50 ans de souffrance et d’espoirs déçus. 50 ans que les zélotes cherchent à mettre en cage la flamme incandescente et n’invoquent Dieu que pour consolider leur précarré.
50 ans que les marchands du temple instrumentalisent le sacré, que le matérialisme s’approprie le transcendant.
Et durant 50 ans, au lieu de prendre conscience que notre histoire avait sur nous des droits, qu’on devait tout mettre en œuvre pour prendre notre essor et préparer l’avenir, on s’est ingénié à se tailler des ailes de plomb !
Palestiniens, Syriens et pour finir Iraniens ont tous crurent pouvoir 50 ans durant faire vivre le Liban la « guerre des autres » sur son territoire. 50 ans que le peuple de mon pays vit sous la férule de « chefs » qui sacrifient le Liban pour prêter allégeance à des pays tiers.
Mais le Liban, cette terre sacrée qui avait par mégarde reposé le fanion dont elle est dépositaire, se voit offrir une nouvelle chance de se redresser à nouveau, en bannissant les « chefs » qui se sont englués dans leurs petitesses et leur intérêt personnel.
Autistes par choix, aveugles par incompétence, ils sont restés en marge de l’évolution du monde.
Ce pays de fierté, d’ouverture et de tolérance qui a façonné ses enfants à son image, exècre leur déperdition. Ce pays tourmenté dans sa noblesse, humble dans son message, désavoue leur frilosité et rejette leur carcasse.
Le peuple du Liban réprouve leur indignité qui leur a permis de spolier son héritage.
D’autant que la vie nous offre une chance ultime, l’Orient s’éclate, le Liban reste uni. Une aube nouvelle se lève, à nous de la saisir car :
Nul ne connaît le destin de cette terre de générosité, mieux que ceux qui l’ont irriguée de leur sang pour ne pas se compromettre.
Nul ne connaît le destin du Liban, mieux que ceux qui en sont arrachés, mais continuent depuis et dans leur exil à pérenniser son essence.
Nul ne connaît le destin de cette terre rebelle, mieux qu’un peuple qui brave l’interdit et brandit l’étendard de la liberté.
Nul ne connaît le destin du Liban, mieux que cette foule qui compose sa mosaïque et à travers laquelle se balbutie un projet de nation.
Nul n’est à même de dessiner cette nation en devenir, mieux que son peuple, qu’on a voulu émietter en dix-huit éléments aux entités disséminées et conflictuelles, mais qui aspire aujourd’hui à édifier et élaborer ensemble un projet commun.
Une chance unique, un espoir incommensurable de conforter ce vivre-ensemble que le monde nous envie. Une chance unique de reconstruire le Liban nation, débarrassé de toute tutelle et des groupements politiques corrompus jusqu’à la moelle, en nous unissant pour exiger que soit élu un président de la République au-dessus de tout soupçon afin qu’il forme un gouvernement de salut national, composé d’une petite équipe d’indépendants reconnus pour leur probité, leur succès dans leurs domaines respectifs et leur courage, qui s’attèlera à appliquer l’accord de Taëf malgré les lacunes qu’il recèle quitte à les combler et aura pour mission :
1) De bâtir un État qui place l’individu au centre de ses préoccupations ; bâtissons ensemble cet État-nation auquel nous aspirons tous, qui transcende les communautés, protège toutes les composantes dans leurs diversités, respecte leurs particularismes et sauvegarde leurs droits…
2) L’application de la résolution 1701+ signée par un gouvernement démissionnaire tributaire d’un Hezbollah désormais moribond afin que l’armée et la Finul procèdent au désarmement d’un parti affilié à l’Iran et qu’elles soient déployées sur tout le territoire libanais, pour protéger les frontières.
3) Le retour à l’accord d’armistice de 1949 avec Israël.
4) De réclamer la neutralité positive du Liban.
5) Qu’il rédige une nouvelle loi électorale plus juste et représentative, permettant le vote électronique aux résidents et expatriés, et procéder aux élections sous l’égide des Nations unies.
6) Renforcer le pouvoir judiciaire.
7) Établir un plan exhaustif pour redresser les finances de l’État et récupérer les sommes spoliées à l’État et au peuple libanais.
Une nouvelle aube est là, l’espoir renaît, le Liban renaît et à ceux qui théorisaient sur l’inconvénient d’un Liban libre et souverain, la mosaïque de ses fils réaffirme son rôle d’un « pays message » !
Le Liban renaîtra et ce phénix auquel les petites âmes ne croyaient plus prendra de la hauteur et tutoiera l’incommensurable…
Le Liban renaîtra dans un énorme sanglot.
Le Liban renaîtra dans un énorme cri de douleur, d’amour et d’espoir.
Le Liban renaîtra et sa renaissance rallie tous ceux qui voudraient le parer à nouveau de cette aura dont il a le secret : un voile de mystère et de pudeur qui, soulevé délicatement, révèle une foi infinie dans l’absolu, les valeurs humaines et… dans la
rédemption !
Le Liban renaîtra et de sa renaissance qui s’est inscrite en termes de sang transparaît le souffle d’une terre, l’esprit d’une nation…
Avocate aux barreaux de Paris et de Beyrouth
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