L’offensive des rebelles en Syrie menés par les islamistes du groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTC) a fait remonter à la surface au Liban le dossier des disparus de la guerre civile de 1975-1990. Après la prise de la ville de Hama jeudi et celle d’Alep à la fin de la semaine dernière, des « centaines de prisonniers » ont été libérés des prisons de ces deux grandes villes, selon les rebelles... parmi lesquels se trouverait au moins un Libanais qui y aurait été enfermé depuis les années 1980.
Que sait-on sur cette libération ? Dans quel contexte intervient-elle et quelles réactions a-t-elle suscitées au Liban ?
Les faits
– Une vidéo d’un homme âgé et barbu qui aurait été libéré de la prison de Hama, dans le nord de la Syrie, circule depuis jeudi sur les réseaux sociaux. Elle a été publiée par le média syrien « Zaman alWasl » et montre un homme dans une veste beige et coiffé d’un bonnet à côté d’un homme portant un gilet avec l’insigne « Press », vraisemblablement devant la prison de la ville qui vient de tomber aux mains des rebelles. Le journaliste annonce la prise de la ville « après des combats » et la libération de détenus de la « prison centrale ». L’homme à ses côtés murmure « Allahou akbar » – « Dieu est grand » en arabe.
– Sur les réseaux sociaux, la photo de l’homme est devenue virale. Ce dernier aurait en effet été identifié par les habitants de son village natal comme étant Ali Hussein el-Ali, un Libanais porté disparu depuis 39 ans et originaire de Tacheh, dans le Akkar. Selon les informations de notre correspondant dans la région, Michel Hallak, il aurait été arrêté à un barrage routier du Nord en 1985 par les autorités syriennes pour son appartenance présumée au Parti de l’unité islamique, un courant politique prônant une Grande Syrie et s’opposant à l’identité arabe, farouchement combattu par le régime Assad. Sa famille s’était enquise à plusieurs reprises de son sort, sans jamais obtenir de réponse claire des autorités syriennes.
– Depuis jeudi, sa famille et les habitants de Tacheh ont appelé les autorités libanaises à suivre le dossier et à assurer son retour au Liban.
– La famille a appris la présence de Ali Hussein el-Ali à Hama via les réseaux sociaux et n’est pas encore parvenue à entrer en contact avec lui.
– Si des informations ont circulé sur la présence d’autres Libanais libérés de la prison de Hama, aucun d’entre eux n’a jusque-là été formellement identifié.
– Contactés par L’Orient-Le Jour, l’ONG ACT for the disappeared, qui s’efforce d’élucider le sort des personnes disparues et de soutenir leurs familles, et le Comité des familles des personnes enlevées et disparues au Liban n’ont pas voulu confirmer l’identité de l’homme sur la vidéo et ont annoncé qu’ils publieraient ultérieurement un communiqué. Ils font toutefois état de deux noms circulant dans les listes de détenus relâchés qui doivent faire l’objet de confirmations.
Le contexte
– Les rebelles emmenés par les islamistes de HTC ont lancé le 27 novembre une offensive surprise à partir de leur bastion d’Idleb (Nord-Ouest), s’emparant de dizaines de localités, de la majeure partie d’Alep (Nord) et de Hama et avançant vers la ville de Homs vendredi. Les hostilités ont fait plus de 800 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. La prise de Hama, cité stratégique, a porté un nouveau coup dur au pouvoir du président Bachar el-Assad. Située au sud d’Alep, la deuxième ville de Syrie, Hama se trouve sur la route vers Homs, à une quarantaine de kilomètres au sud, et la capitale Damas.
– Lors de leur prise d’Alep, vendredi 29 novembre, les rebelles avaient également libéré des détenus des prisons du régime. Aucune information n’avait toutefois été diffusée concernant la présence de Libanais.
– Plus de 600 Libanais ont été détenus par le régime de Damas pendant la guerre civile au Liban (1975-1990) puis l’occupation du pays par les troupes syriennes (1990-2005). Aucune information sur leur sort n’a pu être connue au cours des dernières décennies et seuls quelques-uns ont été libérés depuis la fin du conflit.
– Pendant des années, le dossier des disparus a été laissé à l’abandon et le travail de l’État à ce sujet jugé insuffisant et non approfondi, les autorités ayant souvent privilégié le classement des dossiers à des enquêtes sérieuses, selon ACT for the disappeared, interrogée fin août par L’OLJ.
– La question des relations entre Beyrouth et Damas reste polémique, une partie de la classe politique refusant depuis le début de la guerre civile en Syrie de traiter avec le régime Assad alors que l’autre est en faveur du pouvoir. En juin 2023, le Liban s’était abstenu de voter une décision de l’Assemblée générale des Nations unies de créer l’« Institution indépendante chargée de la question des personnes disparues en République arabe syrienne ».
– ACT for the disappeared indique qu’entre 7 000 et 10 000 personnes, issues de toutes les régions du Liban et de tous les milieux socio-économiques, sont portées disparues ou enlevées depuis le début de la guerre civile libanaise. La majorité de ces disparus sont des civils, victimes des arrestations arbitraires et des détentions opérées par les différentes forces et milices impliquées dans le conflit. D’autres organisations estiment qu’au cours de la guerre civile libanaise, de 1975 à 1990, quelque 17 000 personnes ont été enlevées ou ont disparu.
– Le sort de dizaines de milliers de personnes disparues, enlevées et détenues par toutes les parties au conflit en Syrie, notamment dans les prisons et centres de détention du régime syrien, est encore inconnu.
Les réactions
Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a appelé le gouvernement libanais à « accorder la plus haute priorité » à la question des détenus en Syrie. L’objectif, selon lui, est de « collecter les informations nécessaires et d’envoyer, dans les plus brefs délais, des équipes spécialisées pour déterminer le sort des détenus, notamment Boutros Khawand », membre du bureau politique du parti « kidnappé en 1992 ». « Les autorités libanaises ont la responsabilité de ne pas abandonner leurs citoyens (...) après des décennies d’inaction et de soumission au régime syrien criminel. Il est grand temps de clore ce dossier (...) », a affirmé sur X Samy Gemayel.
De son côté, l’ex-député aouniste Ziad Assouad a évoqué une « bonne nouvelle pour tous les Libanais », citant des « sources fiables confirmant que l’opposition syrienne a libéré des Libanais de la prison de Hama ». « Si cette information est vraie (l’ex-président de la République), Michel Aoun sera le premier à devoir rendre des comptes, parce qu’il a abandonné le dossier et les a considérés comme morts ».
De manière générale, sur les réseaux sociaux, les internautes ont critiqué l’État libanais pour son manque de réactivité sur ce dossier, ainsi que le régime Assad.
Un évidence s'impose. Elle est tellement flagrante qu'on l'a oubliée: Mais que fait le CICR??? N'est ce pas son rôle premier et historique de gérer les questions relatives aux prisonniers?. En plus le CICR a inondé de ses ressources les camps syriens au Liban et doit avoir des relais. Faut croire que le sujet n'intéresse pas le CICR ...Il n'y a pas de fric à glaner pour lui sur le sujet!!!!! Et ça fait moins chic que de se pavaner en 4x4 dans un camp de réfugiés
19 h 17, le 08 décembre 2024