![Entre espoir et incrédulité, les Libanais de la diaspora veulent retrouver leur pays Entre espoir et incrédulité, les Libanais de la diaspora veulent retrouver leur pays](https://s.lorientlejour.com/storage/attachments/1438/WhatsAppImage2024-11-27at121054_279303.jpeg/r/1200/WhatsAppImage2024-11-27at121054_279303.jpeg)
Des partisans du Hezbollah célèbrent le cessez-le-feu dans la banlieue sud de Beyrouth, sur l’autoroute Hadi Nasrallah, le 27 novembre 2024. Mohammad Yassine/L’Orient-Le Jour
« J’ai été choquée, je n’y ai pas cru. » Au lendemain de l’annonce du cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël, la voix de Nadia Ghaoui tremble encore. Cette jeune étudiante en ingénierie a quitté pour la France, il y a trois ans, un pays déjà plombé par une crise économique sans précédent. « C’était deux mois de guerre, mais c’était tellement long... J’ai eu l’impression que ça a duré un an », confesse la native de Wadi Chahrour (Mont-Liban). « J’ai tout de suite dit à ma famille de préparer des feuilles de vigne pour ma venue ! » dit-elle en riant, alors qu’elle avait déjà réservé ses billets pour Beyrouth il y a peu.
Si le conflit a démarré en octobre 2023, dans le sillage de la guerre à Gaza, la guerre d’attrition que les deux belligérants se livraient jusqu’alors a tourné en conflit ouvert le 23 septembre. En vigueur depuis 4h du matin mercredi, le cessez-le-feu suscite aussi bien la joie que l’incrédulité chez les Libanais de la diaspora. « On espère que cette trêve tiendra et deviendra un cessez-le-feu permanent... et que personne n’agressera le Liban », déclare, encore sceptique, Ghada*, professeure d’arabe qui a quitté la banlieue sud de Beyrouth, meurtrie, pour rejoindre des proches en Angleterre dès le début de l’offensive israélienne il y a deux mois. « On attendait ce moment depuis longtemps, car la guerre a été destructrice. Je souhaite que les lois internationales s’appliquent à tous, et surtout à l’ennemi », espère l’enseignante chiite originaire de Bint Jbeil, au Liban-Sud.
« On va pas avoir une guerre tous les 20 ans, si ? »
Un optimisme loin d’être partagé par tous les Libanais interrogés. « Je pense que c’est éphémère, ça ne tiendra pas », peste Jean Korkmaz, un retraité qui a connu toutes les guerres. « Le fond du problème n’est pas résolu : la question palestinienne et les armes du Hezbollah. Ça suffit ! Il faut qu’il devienne un parti politique comme un autre, et plus un parti militaire ! » s’insurge l’homme de 79 ans, dont une cinquantaine d’années passées en France.
S’il y a une chose que cet ancien pharmacien redoute, c’est une rechute du Liban dans ses vieux démons. « On ne va pas avoir une guerre comme ça tous les 20 ans, si ? » ironise Jean Korkmaz. Si ce maronite originaire de Jouret el-Termos, dans le Kesrouan, pointe du doigt le parti chiite, d’autres redoutent les actions de l’État hébreu dans les jours à venir. « Nous savons tous qu’Israël est capable du pire et de le réinventer », lance Tamara el-Jisr, jeune éditrice installée en France depuis huit ans. « Maintenant, je souris en voyant les photos et vidéos du retour des habitants du Sud chez eux, non sans une certaine amertume puisque la famille de ma mère est de Ghobeiri (dans la banlieue sud de Beyrouth) », poursuit celle qui a passé tous ses étés au Liban depuis son enfance et qui a annulé ses billets Paris-Beyrouth pour la première fois cette année.
1 600 euros le voyage
Car quelle que soit l’opinion des Libanais de la diaspora vis-à-vis du cessez-le-feu, un sujet revient en boucle depuis son annonce : la possibilité de venir au Liban pour les fêtes. Dès mercredi matin, sur le groupe Facebook « Libanais à Paris », un internaute se demandait quand les compagnies aériennes internationales allaient reprendre leurs vols vers Beyrouth. Car, à peine l’arrêt des combats proclamé, les agences de voyages ont été prises d’assaut. Seule compagnie à n’avoir jamais arrêté de desservir l’Aéroport international de Beyrouth durant toute la période de conflit, la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines (MEA) a annoncé une hausse du nombre de ses vols à partir du 11 décembre.
Seulement voilà : « J’ai regardé, c’est autour de 2 000 euros l’aller, ça ne va pas ou quoi ? » lance Jean Korkmaz. « Je ne vais pas payer autant... Une telle somme d’argent, ce serait pour un vol en première classe avec un ministre à côté ! » s’amuse le retraité, qui aimerait bien quitter Poitiers pour retrouver Beyrouth comme il en a l’habitude, à un rythme de deux ou trois fois par an en temps normal. « J’espère revenir pour les vacances de Noël. J’ai mes billets, mais j’aviserai dans deux semaines, en fonction de la situation », explique de son côté Nadia Ghaoui, qui n’a pas passé les fêtes de fin d’année au Liban depuis quatre ans. « Ma sœur voudrait aussi venir, mais les billets coûtent 1 600 euros ! » s’exclame-t-elle.
Une problématique qui revient en boucle chez toutes les personnes contactées par L’Orient-Le Jour. « J’avais trouvé un billet avec Turkish Airlines à 400 euros bien avant le cessez-le-feu », raconte Joanne Khairallah, qui réside en France depuis trois ans. « Mon billet a été annulé, j’ai donc demandé un remboursement. Désormais, quand je veux reprendre le même billet, il est à plus de 1 000 euros », soupire la jeune femme de 26 ans. Après l’annonce du cessez-le-feu, « mon premier réflexe a été d’aller voir les billets pour venir retrouver mes parents et mes amis. J’ai juste envie de faire ma valise et d’arriver pour fêter ça avec les Libanais ». Encore faudra-t-il donc que les prix des billets le permettent, que les compagnies aériennes reprennent... et que le cessez-le-feu se maintienne.
*Le prénom a été modifié.