La méfiance, dans l’absolu, est-elle une qualité ou bien un défaut ?
À vrai dire, il n’est certes, pas aisé de répondre à cette question énigmatique.
Ce dont on est sûr, c’est qu’une méfiance excessive représente certainement une déficience. Pour la simple raison, qu’il faut donner aux autres le bénéfice du doute. Supposer que les personnes sont honnêtes et bien intentionnées jusqu’à preuve du contraire, ne pas directement avoir une attitude négative et ne pas tirer spontanément de conclusions pessimistes et défavorables.
Mais lorsque nos incollables du pouvoir refusent de cautionner un fait quelconque dans cette république bananière en miettes ou bien n’acceptent pas de donner leur appui à une personne déterminée afin qu’elle remplisse un poste vacant, sachez à l’avance que ce fait précis est bénéfique et profitable pour le pays et que cette personne en particulier pourrait parfaitement être la bonne personne à la bonne place.
Il suffit qu’ils excipent une fin de non-recevoir pour semer le doute dans le conscient (ou même l’inconscient) collectif. S’ils opposent un « non » catégorique, il faut être presque sûr qu’il y a anguille sous roche. Là, et dans ce cas de figure, il faut, à tout prix, creuser pour connaître les tenants et aboutissants de leur refus.
Certes que l’accès des militaires au pouvoir n’est généralement pas très apprécié ni souhaitable, et inspire parfois la méfiance, surtout quand ça devient, comme chez nous, routinier et systématique. Même s’il faut le reconnaître, qu’il y a eu dans l’histoire, de grands hommes, militaires de carrière, qui ont su procurer à leur pays de grandes réalisations, comme, et à titre indicatif, le général De Gaulle en France, père de la Cinquième République et le général Fouad Chehab, père des institutions (ou ce qui en reste), chez nous. Et dire, en passant, que tous les deux ont en commun la grandeur de ne pas avoir admis de rester au pouvoir une minute de plus, nonobstant que cela était, pour eux, accessible et à portée de main.
Loin du culte de la personne et de tout ce qui relève de l’adulation et de l’idolâtrie et aussi, sans vouloir minimiser les compétences évidentes de certains présidentiables, comme un Ziyad Baroud aux qualités indéniables d’homme d’État ou bien, au niveau de la gent féminine, une Tracy Chamoun, au parcours exemplaire, le seul fait que quelques parties (ou partis) de notre establishment politique refusent l’éventualité que le général Joseph Aoun devienne le quinzième président de notre république malade, prouve sans aucun doute, qu’il s’agit de la personne appropriée pour aider, autant que faire se peut, le pays, à se relever de son agonie notoire.
Les choses sont tout à fait claires. S’« ils » refusent radicalement cette possibilité, c’est parce que le général Joseph Aoun représente, en fait, ce qu’« ils » ne sont pas (et ce qu’ils n’ont pas) au niveau intégrité, patriotisme et bonne gouvernance.
La seule idée que ce dernier devienne notre prochain président de la République, met en avant tout ce qui leur manque cruellement.
Il suffit de voir son parcours à la tête de l’institution militaire et son refus, contrairement aux souhaits de certains, de mâter par la force, la triste révolution du 17 octobre 2019.
Dans la période actuelle, le général Joseph Aoun remplit parfaitement le poste de président.
L’accès donc de ce dernier aux commandes de l’État va sûrement être un obstacle de taille à la poursuite des manigances du pouvoir en place et de ses acolytes.
Le seul fait que l’oligarchie dirigeante mette les bouchées doubles afin de mettre le maximum de pression et de bâtons dans les roues à l’entrée du général Joseph Aoun au palais de Baabda devient tout à fait explicable selon le point de vue de nos décideurs locaux.
Sans prétendre deviner ce qui est caché et les intentions des uns et des autres, il faut considérer que dans le conscient ou même l’inconscient collectif du peuple libanais, une grande partie de ce dernier est favorable à l’élection du général en chef de l’armée, à la première magistrature de l’État. Et là, quand je parle du peuple libanais, je vise en particulier le Libanais (et la Libanaise) intègre, droit et loyal, doté d’un certain degré de patriotisme, de civisme, de probité, d’honnêteté, de sentiment de sauvegarde de l’intérêt général, du savoir-vivre collectif, de l’ordre public et du respect du bien commun.
Dans l’état actuel des choses, le général Aoun représente de toute la caste politique actuelle, celui qui est le plus crédible, le plus apte à mettre le pays sur les rails.
Il ne s’agit nullement ici de s’opposer pour s’opposer, mais en revanche cela est dû tout simplement, à la mauvaise expérience présidentielle vécue et au bilan rien de plus nuisible de ceux qui détiennent encore le pouvoir.
Excusez mon raisonnement, pas loin du raisonnement a contrario, cette méfiance légitime de la méfiance illégitime. Parce que dans notre cas précis, la méfiance reste toujours de rigueur.
Avocat à la Cour
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