Depuis plusieurs semaines, le Liban est pris entre l’angoisse et la colère, au rythme des bombardements qui secouent chaque jour Baalbeck, la ville de ma famille maternelle. Pour les Libanais, la guerre n’est pas un lointain souvenir, mais plutôt le retour oppressant des cauchemars de 2006. Avec son passé meurtri et son présent incertain, c’est un pays qui semble destiné à revivre ses tragédies.
Mes parents ont fui le conflit israélo-libanais de 2006, marqués à jamais par le poids d’une mémoire douloureuse. Aujourd’hui, alors que les menaces d’une nouvelle escalade de violence se font chaque jour plus réelles, une question s’impose : le Liban est-il au bord de replonger dans la guerre civile, ou subsiste-t-il une ultime chance pour la paix ?
La guerre de 2006 a marqué un tournant dans l’histoire du pays, opposant Israël au Hezbollah durant 34 jours d’intenses combats en juillet de cette année. Ce conflit a laissé un bilan humain tragique : plus de 1 100 morts et 4 400 blessés libanais majoritairement des civils, et 165 morts israéliens, dont 44 civils (Human Rights Watch, 5 septembre 2007).
Près d’un million de Libanais ont été arrachés à leur foyer, entraînant des quartiers dévastés et une montée des tensions sectaires. Pour des familles comme la mienne, les séquelles sont profondes : peur, exil et déracinement. Mais cette réalité résonne encore plus fort aujourd’hui : depuis septembre, suite aux frappes israéliennes, plus d’un demi-
million de personnes ont fui le Liban pour la Syrie et l’Irak, d’après l’Agence des Nations unies pour les réfugiés le 5 novembre.
À l’heure actuelle, les hostilités resurgissent avec une intensité alarmante, alimentées par l’escalade militaire entre Israël et le Hezbollah. Les frappes aériennes, les échanges de tirs et les menaces réciproques rappellent 2006. Des milliers de Libanais, y compris ma famille qui demeure au Liban, vivent dans une inquiétude constante face au regain brutal de conflits. Confinés chez eux, ils écoutent chaque jour les bombardements résonner à l’extérieur, redoutant les incertitudes que l’avenir leur réserve.
Les civils, piégés par une crise dévastatrice, souffrent d’hôpitaux saturés, de pénuries de biens essentiels et d’une inflation fulgurante qui plonge des familles dans la misère. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement du 24 octobre 2024, le conflit actuel se distingue des précédents par le risque d’une implication régionale élargie et l’utilisation de technologies militaires avancées, provoquant des conséquences significatives sur le PIB, l’emploi et la cohésion sociale du pays.
Le Liban est marqué par un
cycle inlassable d’ingérences étrangères et de divisions internes. Les mêmes facteurs explosifs ayant conduit à la guerre de 2006 – sectarisme, rivalités politiques, interventions extérieures – sont à nouveau réunis. Situé à un carrefour d’influences régionales, ce pays reste un terrain propice aux conflits d’intérêts.
En établissant un parallèle avec ses tumultes antérieurs, le Liban pourrait se transformer en champ de bataille pour des puissances régionales. Les récents développements évoquent l’atmosphère explosive qui a précédé la guerre civile de 1975 et le conflit de 2006, marqués par l’ingérence étrangère, la fragmentation communautaire et l’effondrement économique, enfonçant le pays dans l’instabilité.
C’est pourquoi, à mes yeux, le spectre de la guerre civile plane lourdement sur le Liban. Peut-on éviter un nouvel effondrement ? L’optimisme paraît vain. Le pays se trouve dans une impasse sans précédent : des institutions vacillantes, fragilisées par une insécurité politique qui gangrène le quotidien. Ce climat rend le risque de guerre d’autant plus tangible, avec des groupes politiques et militaires résolus à s’affronter pour défendre leurs intérêts.
Il ne s’agit plus de spéculer sur l’éclatement d’un conflit, mais de concevoir des stratégies pour en prévenir l’émergence. L’urgence est palpable : la communauté internationale et les acteurs locaux doivent agir de concert pour restaurer le dialogue. Sans cette intervention décisive, qu’elle soit diplomatique ou humanitaire, la paix risque de redevenir un mirage pour le Liban, laissant les nouvelles générations aux prises avec les fantômes des guerres passées, prêts à refaire surface.
Halima BACHIR
Étudiante en maîtrise d’affaires publiques et internationales
Université de Montréal
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07 h 52, le 15 novembre 2024