Dans la banlieue sud de Beyrouth, visée par une nouvelle nuit de frappes israéliennes intenses, les portraits des "martyrs" du Hezbollah flottent sur les immeubles en ruines, gardés par des militants de la formation parfois armés.
A quelques minutes des rues embouteillées de Beyrouth, la banlieue sud qui grouillait de vie il y a quelques semaines est un autre monde: les quartiers sont déserts et une âcre odeur de poudre saisit à la gorge.
Un immeuble du quartier de Kafaat, touché par les frappes vendredi à l'aube, brûle encore, noyant tout le secteur dans une épaisse fumée. Tout autour, des militants du Hezbollah, vêtus de noir, certains portant des mitraillettes dans leur étui, ont établi un cordon de sécurité.
A côté, un camion rouge de pompiers gît sur le côté, touché par une nouvelle frappe avant d'avoir pu éteindre l'incendie, près d'un amas de voitures calcinées.
Dans les zones visées, les montagnes de gravats qui ont pris la place des immeubles sont surmontées des drapeaux du Hezbollah jaunes ou rouges, la couleur de la vengeance.
A leurs côtés, flottent les portraits des "martyrs" de la puissante formation, chefs militaires ou politiques tués par les raids israéliens.
A tous les coins de rue, de nouveaux portraits du secrétaire général Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne le 27 septembre, avec la mention "La victoire divine arrive", le nom de famille du chef du Hezbollah signifiant "victoire de Dieu".
La rue menant au secteur où il a été visé par une frappe spectaculaire, qui a détruit sept immeubles dans un quartier cossu, est barrée. Tout comme celle menant à la zone où son successeur présumé, Hachem Safieddine, a été tué début octobre.
- Semblant de vie -
Dans les quartiers intérieurs, un semblant de vie subsiste. Mais peu d'habitants demeurent encore dans la banlieue, où vivaient avant la guerre 600.000 à 800.000 personnes, selon les sources.
"Lorsque l'armée israélienne annonce des ordres d'évacuation avant de bombarder, nous fuyons la maison, même en pleine nuit, et attendons quelques heures en plein air avant de rentrer", dit une jeune femme qui n'a nulle part où aller, et ne veut pas donner son nom.
Dans une rue déserte, un artisan confectionne tranquillement des chaises de rotin. Un coiffeur coupe les cheveux d'un client, assis sur une chaise à même le trottoir.
"On vient le matin ouvrir nos commerces et on repart l'après-midi, avant les frappes", lâche un garagiste qui accepte d'être interrogé, lui aussi refusant d'être nommé.
Il a installé sa famille dans la montagne et fait des allers-retours quotidiens. Même si la route qu'il emprunte a été visée, mercredi et jeudi, par des frappes israéliennes aux abords de Beyrouth.
Des pharmacies sont ouvertes et des marchands de fruits et légumes ont installé des étals à l'intention des rares habitants encore là. Mais beaucoup de commerces dont les vitres ont été soufflées restent fermés.
De rares habitants rassemblent quelques affaires à la hâte dans leur voiture avant de repartir pour des zones plus sûres. Une grue sort des meubles du dernier étage d'un bâtiment dont les étages inférieurs se sont effondrés.
Un homme à moto prend des images, à l'intention de sa famille, pour leur montrer les dégâts causés par les raids dans leur rue.
Les bombardements incessants depuis le 23 septembre ont causé plus de destructions, selon les témoins, que la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah, en 2006, qui avait duré 33 jours.
Rompant l'étrange silence, une musique martiale s'échappe d'une rue où des immeubles ont été réduits en cendres, et des caméras sont installées: le Hezbollah tourne un clip de propagande.
Les militants de la formation pro-iranienne sont partout, aux entrées des quartiers ou circulant à moto, se méfiant des journalistes. L'armée libanaise, elle, maintient de rares postes de contrôle à certaines entrées de la banlieue sud, alors que d'autres sont désertées.
Les drones israéliens survolent le secteur. Leur bourdonnement incessant fait désormais partie de la vie quotidienne dans la banlieue mais aussi la capitale encombrée, à quelques minutes en voiture des quartiers dévastés.
at/tgg/sg
© Agence France-Presse
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