Un drapeau turc. Photo AFP
La Turquie envisage d'instaurer une taxe sur les cartes de crédit pour soutenir ses industries de défense et renforcer ses « capacités de dissuasion », prétextant une menace de la part d'Israël. Lors d'une conférence sur « l'avenir de la Palestine », mardi à Ankara, le président Recep Tayyip Erdogan a de nouveau brandi « ce danger qui se rapproche de notre pays ».
Pour le ministre des Finances Mehmet Simsek, qui a défendu mardi matin le principe de cette nouvelle taxe, « l'objectif est clair et évident: notre pays n'a d'autre choix que de renforcer sa capacité de dissuasion ». « Il y a le feu et la guerre dans notre région en ce moment même. Nous vivons dans un environnement dangereux », a justifié le ministre alors que la perspective d'une taxe supplémentaire est déjà mal reçue par les consommateurs.
« Ces ressources seront intégralement dévolues aux industries de défense: en d'autres termes, ce n'est pas un effort de réduction du déficit budgétaire », a insisté M. Simsek lors d'un entretien à la chaine de télévision privée NTV. Sur les huit premiers mois de 2024, les revenus d'exportation des industries de défense ont atteint 3,7 milliards de dollars, en hausse de 9,8% sur la même période de 2023, selon le président des industries de défense turques, Haluk Gorgun.
Le secteur de la défense, dont les célèbres drones Bayraktar, représente près de 80% des revenus à l'exportation du pays et 10,2 milliards de dollars pour l'année 2023. Selon un projet de loi préparé par le parti au pouvoir AKP, une taxe de 750 livres turques (20 euros) s'appliquerait aux cartes dont la ligne supérieure de crédit atteint 100.000 TRY (près de 2.700 euros)- indépendamment des sommes réellement dépensées.
Cette perspective a provoqué une ruée sur les banques de clients demandant à abaisser leur crédit et pourrait amener le Parlement à revoir le texte, a reconnu M. Simsek.
Dôme de fer
Le secteur de la défense s'est considérablement développé au cours des deux dernières décennies, a rappelé M.Simsek: « au début des années 2000 la Turquie importait 80% de ses besoins. Aujourd'hui c'est l'inverse: la Turquie produit plus de 80 % de ses besoins (grâce à) 3.500 entreprises ».
Le groupement des industries de défense, qui dépend directement de la présidence turque, envisage la construction d'un « dôme de fer » système de défense anti-missile à l'image de celui qui protège Israël - a rapporté M. Simsek, membre du conseil d'administration.
« Nous avons près d'un millier de projets de ce type, tous recourant à une technologie de pointe, qui vont renforcer nos capacités d'export à l'avenir. Ce qui nécessite des ressources supplémentaires » a-t-il argumenté. Selon le ministre, le fonds dévolu aux industries de défense dans le budget national est passé de 90 milliards de livres en 2023 à 165 milliards en 2024. « Peut-être faut il le doubler encore » a-t-il avancé.
Le président Erdogan a de nouveau insisté mardi arguant que, « même s'il y a des gens pour ne pas voir le danger qui approche notre pays, nous percevont le risque et nous prenons toutes nos précautions ». Mais l'opposition ne voit dans ces démonstrations qu'une façon de « déguiser la crise » économique que subit le pays.
Pour Deniz Yucel, porte-parole du CHP, premier parti d'opposition au parlement, « la défense de la patrie (...) est devenue un instrument politique pour l'AKP qui prépare une nouvelle proposition de pillage en exploitant les sentiments nationaux ».
M. Yucel accuse l'AKP de chercher à créer « une menace étrangère sur le thème +Israël peut nous attaquer+ »: « Ils essaient de dissimuler la crise économique qu’ils ont provoquée. Les gens de la rue sont en difficulté comme s’il y avait une économie de guerre » a-t-il dénoncé.
La Turquie connait une inflation à deux chiffres ramenée le mois dernier sous les 50% sur un an, mais qui a dépassé les 85% en octobre 2022.