Pour la première fois depuis des décennies, Israël célèbre à partir de vendredi soir la fête de Kippour, jour le plus important du calendrier juif, cette année à l'ombre de la guerre.
Yom Kippour, ou jour du Grand Pardon, est le seul jour de l'année durant lequel le pays s'arrête. Pendant 25 heures, de vendredi au coucher du soleil jusqu'à dimanche à la tombée de la nuit, les frontières, les aéroports et la plupart des commerces seront fermés, et les transports publics seront à l'arrêt.
Seuls les hôpitaux, les services de secours et les forces de sécurité restent en activité. Les soldats israéliens engagés au front dans la bande de Gaza et dans le sud du Liban continueront leurs activités sans changement.
En Israël, bien qu'aucune loi ne l'interdise, quasiment aucune voiture ne circule, ce qui permet chaque année à de nombreux enfants et cyclistes d'envahir les routes y compris les autoroutes.
Traditionnellement, c'est également le jour de la plus grande affluence dans les synagogues et une grande majorité de juifs, y compris de nombreux non-pratiquants, observent un jeûne d'une journée.
Si depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas les médias israéliens fonctionnent à plein temps les jours de shabbat et lors des autres fêtes juives, le jour de Kippour, aucune radio ou chaîne de télévision n'émet.
Pourtant cette année, plusieurs médias contactés par l'AFP ont affirmé que pour la première fois, ils se tenaient prêts à diffuser en direct en cas d'événement majeur pendant la fête.
- "Etat d'alerte maximum" -
"Nous sommes en état d'alerte maximum à l'occasion de Kippour, mais nous espérons qu'il ne sera pas nécessaire de passer en direct", a déclaré à l'AFP Yaël Melzer, porte-parole de la chaîne de télévision privée Keshet 12.
"Nous prendrons une décision en fonction de l'évaluation de la situation", a-t-elle ajouté.
Pour les juifs observant l'interdiction d'allumer un appareil électrique pendant toute la durée de la fête, la chaîne publique Kan va mettre en place "un canal silencieux" permettant au public de laisser les postes de radio et télévision allumés, lesquels diffuseront des informations uniquement en cas d'urgence, a indiqué à l'AFP Ilil Shahar, directrice adjointe des informations de Kan.
Pour la première fois, "nous aurons une équipe [de journalistes] d'astreinte prête à intervenir", ajoute Mme Shahar, indiquant que les programmes de vendredi se poursuivront normalement jusqu'au début de la fête et seront clôturés par l'hymne national, au coucher du soleil.
Le grand rabbin séfarade d'Israël, David Yossef, a appelé les fidèles à redoubler de prières pour la libération de la centaine d'otages détenus à Gaza, et d'ajouter une prière à la mémoire des victimes de la guerre.
Il a également publié un communiqué interdisant aux soldats en activité d'observer le jeûne.
- Déconnexion impossible -
La Défense passive a publié jeudi des instructions sur les moyens de recevoir des informations essentielles pendant Kippour, en se branchant avant la fête sur un canal silencieux et l'application d'urgence conçue pour permettre aux utilisateurs de recevoir des messages d'alerte même si leur téléphone est éteint.
Depuis sa création en 1948, Israël a connu deux Kippour en temps de guerre.
La première fois en 1948 même, mais cette année-là, la fête était tombée pendant une trêve dans la première guerre israélo-arabe, et la deuxième fois en 1973 quand les armées égyptienne et syrienne ont lancé une attaque surprise sur l'Etat hébreu pendant la fête : la guerre israélo-arabe d'octobre 1973, connue en Israël et en Occident comme guerre du Kippour.
Mais c'était avant l'invention de l'information en continu, de l'internet et des réseaux sociaux, qui aujourd'hui offrent à beaucoup un sentiment de connexion rassurant, essentiel en temps de guerre, dit Paul Frosh, professeur de communication à l'Université hébraïque de Jérusalem.
"Ce qui sera particulièrement difficile cette année ce sera la perte de ce sentiment de connexion" pour ceux qui renonceront à l'usage d'appareils électriques tels que leur téléphone, comme l'exige la tradition.
Zamira Miara, 67 ans, habitante d'Ashkelon, juge ainsi que "ce sera impossible de se déconnecter tant que la guerre n'est pas terminée".
"De nos jours, chacun a son propre canal Telegram et peut parcourir les informations", même le jour de Kippour, dit Itay Elgasian, commerçant de Jérusalem âgé de 30 ans pour qui le silence des médias sera ainsi moins pesant cette année.
Pour Liad Ben Moshe, au contraire Kippour offre l'occasion d'une pause bienvenue dans les "bips constants de nos téléphones" qui permettra aux fidèles de se concentrer sur leur lien avec le "créateur du monde".
"Lorsque vous vous déconnectez du monde extérieur, vous pouvez vous connecter à vous-même et faire taire le bruit de fond", dit à l'AFP cette jeune femme religieuse habitant une colonie juive en Cisjordanie: "Ce Kippour sera plus puissant grâce à cela."
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© Agence France-Presse
Yom Kippour, ou jour du Grand Pardon, est le seul jour de l'année durant lequel le pays s'arrête. Pendant 25 heures, de vendredi au coucher du soleil jusqu'à...
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