Dans une longue tribune publiée sur la politique étrangère de l'administration Biden par le magazine américain Foreign Affairs, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a lié les progrès du processus de normalisation diplomatique d'Israël avec les pays arabes à la fin du conflit qui ravage Gaza depuis le 7 octobre 2023.
« Sans la fin de la guerre à Gaza et sans une voie crédible et limitée dans le temps vers la création d'un État qui réponde aux aspirations légitimes des Palestiniens et aux besoins d'Israël en matière de sécurité, le processus de normalisation ne peut pas avancer », a écrit le diplomate, avant de livrer un plaidoyer en faveur des efforts de Washington pour tenter – en vain – de contenir les tensions sécuritaires qui embrasent le Moyen-Orient depuis près d'un an. Alors que le conflit entre le Hamas et Israël à Gaza n'est toujours pas terminé, l'État hébreu enchaîne les bombardements meurtriers sur le territoire libanais pour atteindre le Hezbollah, qui est déployé dans la banlieue sud de Beyrouth ainsi qu'une grande partie du Liban-Sud et de la Békaa. Le parti chiite et l'État hébreu échangent des tirs depuis le lendemain du déclenchement de la guerre à Gaza par l'offensive du Hamas. Le conflit s'est également étendu à certaines parties de l'Irak, la Syrie et les zones contrôlées par les rebelles houthis au Yémen.
Avant que cette nouvelle séquence de violences ne démarre, Israël multipliait les contacts pour accélérer son processus de normalisation diplomatique avec les autres pays du Golfe, en commençant par l'Arabie saoudite. Ce processus a été entamé avec des accords signé il y a environ 4 ans avec les Émirats arabes unis et Bahreïn. Il y a une dizaine de jours, le prince héritier saoudien Mohammad Ben Salman a déclaré qu'une normalisation était impossible sans création d'un État palestinien, une perspective rejetée par Israël (la Knesset a voté une résolution dans ce sens en juillet dernier).
Le « travail sans relâche » de Washington
Si la situation actuelle au Moyen-Orient semble offrir peu de motifs d'espoir de voir la diplomatie prendre le pas sur les armes, Antony Blinken assure dans sa tribune que « les visites » qu’il a effectuées dans la région depuis le début de « la guerre de Gaza » ont permis de confirmer qu'il existe une voie vers une paix et une intégration accrues, à condition que les dirigeants soient prêts à prendre des décisions difficiles ».
Il a également estimé que l'administration du président Joe Biden, qui arrive bientôt à la fin de son mandat — les prochaines élections sont prévues le 5 novembre prochain —, a « travaillé sans relâche avec ses partenaires au Moyen-Orient et au-delà pour mettre fin au conflit et aux souffrances à Gaza, trouver une solution diplomatique qui permette aux Israéliens et aux Libanais de vivre en sécurité des deux côtés de la frontière, gérer le risque d'une guerre régionale plus large et œuvrer à une plus grande intégration et à une normalisation dans la région, y compris entre Israël et l'Arabie saoudite ».
Si les efforts entrepris dans ce sens « aboutissent », Antony Blinken considère que la normalisation permettra d'intégrer Israël dans une architecture de sécurité régionale, de débloquer des opportunités économiques dans toute la région et d’isoler l’Iran et ses mandataires. Il a aussi souligné que « la coalition de pays, dont des États arabes, qui a aidé Israël à se défendre contre une attaque directe sans précédent de l'Iran en avril, a montré des signes d'une telle intégration », faisant référence à l'attaque de missiles et de drones iraniens contre Israël à la mi-avril de cette année.
Le diplomate constate également à demi-mot l’échec cuisant des efforts de Washington. « Des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués dans un conflit qu'ils n'ont pas déclenché et qu'ils ne peuvent pas arrêter. La quasi-totalité de la population de Gaza a été déplacée... Une centaine d'otages se trouvent toujours à Gaza, soit déjà tués, soit toujours détenus dans des conditions brutales par le Hamas. Toutes ces souffrances rendent encore plus urgents les efforts que nous déployons pour mettre fin au conflit, empêcher qu'il ne se répète et jeter les bases d'une paix et d'une sécurité durables dans la région », a-t-il résumé.
Reproches à l'Iran et la Russie
Il a également reproché à la Russie, qui était un « partenaire étroit d'Israël » avant le 7 octobre 2023, d’avoir « renforcé ses liens avec le Hamas ». Il a aussi pointé du doigt le fait que la Russie ait « accru son soutien militaire et technique à l’Iran et ait accéléré la négociation d’un partenariat stratégique avec ce pays, alors même que Téhéran continuait d'armer, d'entraîner et de financer des mandataires qui ont perpétré des attaques terroristes contre le personnel et les partenaires américains au Moyen-Orient et contre le trafic maritime international en mer Rouge ».
Téhéran et ses « mandataires » (Antony Blinken ne nomme à aucun moment le Hezbollah ou les Houthis dans sa tribune) sont, pour leur part, accusés d'avoir « profité du chaos pour relancer les circuits de trafic d'armes dans la région et exacerber les troubles ». Le diplomate américain juge en outre que « la sortie unilatérale et malavisée de l'administration Trump de l'accord sur le nucléaire iranien a libéré le programme nucléaire de Téhéran de son confinement, mettant en péril la sécurité des États-Unis et de leurs partenaires ». Il estime que l'administration Biden a « démontré à l'Iran qu'il existait une voie vers un retour mutuel au respect de l'accord — si (Téhéran) était prêt à l'emprunter — tout en maintenant un régime de sanctions robuste et notre engagement à ne jamais lui permettre d'obtenir une arme nucléaire ».
Si les Etats-Unis voulaient vraiment la fin de la guerre, ils devraient commencer par cesser d'approvisionner Israël. Quelle hypocrisie!
20 h 27, le 01 octobre 2024