
Un incendie ravage un marché dans la capitale de l’État soudanais du Nord Darfour, el-Facher, le 1er septembre 2023. Photo d’archives AFP
« La plupart de nos maisons ont été détruites », lâche al-Tijani Othman, un habitant d’el-Facher, où les résidents inspectaient dimanche 22 septembre les ruines de leurs quartiers ravagés par une offensive à « large échelle » lancée par les paramilitaires soudanais contre une ville qu’ils assiègent depuis des mois. L’Assemblée générale de l’ONU doit se pencher sur la guerre entre deux généraux rivaux qui déchire le Soudan depuis avril 2023, a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé des millions de personnes, provoquant l’une des pires crises humanitaires au monde.
Depuis des mois, le sort d’el-Facher inquiète la communauté internationale. Dans la métropole de deux millions d’habitants, seule capitale des cinq États du Darfour à ne pas être aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), des « centaines de milliers de civils » sont menacés par des violences « de masse », a alerté mercredi dernier l’ONU. « J’appelle les belligérants (...) à retirer leurs forces, faciliter l’accès humanitaire et réengager des négociations pour mettre fin à cette guerre », plaidait déjà, la veille, le président américain Joe Biden.
Sur le terrain, les projectiles s’abattent toujours sur les maisons des civils, dernier épisode sanglant du conflit qui oppose l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires dirigés par son ancien adjoint, Mohammad Hamdane Dagalo. « La plupart de nos maisons dans le sud de la ville ont été complètement détruites », raconte al-Tijani Othman, joint au téléphone depuis son quartier d’el-Facher. « Il n’y a quasiment plus personne ici », a-t-il dit, précisant que les habitants étaient surtout occupés à inspecter les dommages infligés à leurs domiciles par les combats.
« Offensive à large échelle »
Rien que samedi, les autorités sanitaires ont recensé la mort de 14 civils dans les combats et 40 blessés, a indiqué une source médicale. « Mais ce n’est qu’une fraction du nombre réel de victimes », a-t-elle reconnu. « Souvent, les gens doivent enterrer leurs proches sur place, plutôt que de braver les combats pour tenter de les transporter à l’hôpital », a-t-elle dit.
Le patron de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « gravement préoccupé » par les informations faisant état d’une offensive « à large échelle » des FSR, enjoignant leur commandant le général Dagalo à « agir de manière responsable et à immédiatement donner l’ordre de stopper l’attaque ». Les paramilitaires assiègent la métropole depuis mai, et ces derniers mois, les violences ont tué des centaines de personnes, selon l’ONG Médecins sans frontières.
Des centaines de milliers de personnes ont aussi été déplacées par ces combats, tandis que la famine s’est installée dans le camp voisin de Zamzam, indiquait l’ONU en août. Se basant sur des images satellitaires, un laboratoire de recherche humanitaire, affilié à l’Université américaine de Yale, assurait vendredi que des civils « fuyaient en masse, à pied, sur la route reliant el-Facher et Zamzam ». Ceux qui restent dans la ville profitent de chaque accalmie dans les combats pour tenter de trouver à manger. « La situation alimentaire est difficile. Nous dépendons des soupes populaires », confirmait dimanche Mohammad Safieldin, en attendant son tour pour être servi par des volontaires d’une telle initiative.
« Maelstrom de violence »
L’offensive des FSR, « lancée depuis au moins quatre directions », a déclenché « un maelstrom de violence qui menace de tout consumer sur son passage », déplorait vendredi la conseillère spéciale de l’ONU sur la prévention des génocides Alice Wairimu Nderitu. Dans la guerre, les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment de viser les civils, de bombarder de manière indiscriminée des zones résidentielles et de se livrer à des pillages ou de bloquer l’aide humanitaire vitale.
Les violences du jour font surgir le spectre de la guerre du Darfour, région de la superficie de la France qui accueille un quart de la population du Soudan. « Nous ne serons pas témoins d’un autre génocide », a martelé dimanche le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, appelant à une reprise des négociations.
En septembre l’Organisation mondiale de la Santé a annoncé un bilan d’au moins 20 000 morts tout au long des 17 mois du conflit, mais certaines estimations vont même jusqu’à « 150 000 » victimes, comme a pu le rappeler l’émissaire américain pour le Soudan, Tom Perriello. Plus de dix millions de personnes ont aussi été déplacées par les combats ou contraintes de se réfugier à l’étranger – soit un Soudanais sur cinq.
Depuis des mois, le sort d’el-Facher inquiète la communauté internationale. Dans la métropole de deux millions d’habitants, seule capitale des cinq États du Darfour...