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Monde - Témoignage

« Au Darfour, on a vécu des guerres, mais celle-ci est d’une violence inédite »

L’Ouest soudanais n’est pas épargné par les affrontements entre l’armée nationale et les Forces de soutien rapide. Depuis Nyala, Ahmad Gouja, journaliste et militant des droits humains, décrit une violence qui se déroule dans l’impunité la plus totale.

« Au Darfour, on a vécu des guerres, mais celle-ci est d’une violence inédite »

Des Soudanais fuient les combats à Khartoum, le 19 avril 2023, profitant d'une trêve fragile entre l'armée et les Forces de soutien rapide. Photo AFP

La mort rôde de nouveau au Darfour, mais contrairement à l’attention portée depuis le 15 avril sur les violents combats qui défigurent Khartoum, dans la vaste région occidentale historiquement minée par les guerres, les civils tombent dans un silence assourdissant. Mercredi 19 avril, onze civils ont encore été tués dans la ville d’el-Fasher, capitale du Darfour-Nord. C’est d’ailleurs dans cette province que trois employés du Programme alimentaire mondial ont perdu la vie dans les premières heures des affrontements entre l’armée du général Abdel Fattah el-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammad Hamdan Dagalo, alias Hemetti.

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Le Darfour est le fief de Hemetti. Avant de devenir chef paramilitaire, il a fait ses premiers pas au sein de la milice des Janjawid, responsable de massacres dans la région pendant la guerre contre des groupes rebelles, qui a fait quelque 300 000 morts entre 2003 et 2005, selon l’ONU. Aujourd’hui, les FSR sont engagées dans un combat sans merci contre l’armée soudanaise pour prendre le contrôle du pays, et le Darfour en est l’un des théâtres les plus sanglants. Depuis Nyala, la capitale du Darfour-Sud, Ahmad Gouja, journaliste et membre du Réseau du Darfour sur les droits humains, décrit à L’Orient-Le Jour un quotidien de violences, de pillages et d’impunité.

Une insécurité profonde

« Avant tout, il faut s’imaginer qu’à Nyala, les tensions étaient déjà très fortes avant que la guerre n’éclate entre les FSR et l’armée. Durant les trois dernières semaines, un colonel de l’armée a été tué en plein jour au volant de son véhicule. Des milices armées ont attaqué un poste de police, pillant leurs armes et véhicules, ainsi qu’une station-service. Et de manière générale, il règne une insécurité profonde dans la région. Ici, on peut se faire tuer pour un smartphone ou une belle voiture.

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Le 15 avril, les affrontements ont commencé à Khartoum à six heures du matin. Six heures plus tard, les FSR ont attaqué deux endroits stratégiques contrôlés par l’armée à Nyala. D’abord, la division occidentale de l’armée soudanaise, véritable quartier général de l’armée au Darfour, où se trouve l’administration effectuant toutes les procédures concernant les soldats. Puis, dans la nuit de samedi à dimanche, ils ont aussi pris le contrôle de l’aéroport de Nyala, repoussant l’armée présente sur place. Depuis, les affrontements sont permanents entre les deux camps. À l’heure actuelle, les combats se sont éloignés du centre-ville, mais ils se poursuivent à l’ouest de Nyala, d’où on peut entendre les déflagrations dues aux échanges de tirs. »

Du jamais-vu

« Au Darfour, on a l’expérience de la guerre, mais celle-ci est inédite : une guerre si violente et soudaine entre deux armées bien équipées, c’est du jamais-vu. Pendant les premiers jours, les civils ont été pris de court, car ils n’avaient nulle part où aller, les affrontements ayant lieu en plein cœur de la ville. Le premier jour, 22 civils sont morts. Mon voisin Adam Moussa était assis sur sa chaise quand une balle perdue lui a transpercé le cou. Il est mort des suites de ses blessures. Le deuxième jour, six personnes sont mortes. Beaucoup de personnes ont été tuées dans leur propre maison, atteintes par des balles perdues ayant traversé leurs murs.

Par la suite, beaucoup de civils sont morts en raison de l’absence d’accès aux soins. D’une part, parce que les routes pour se rendre dans les hôpitaux sont trop dangereuses. Ainsi, mon voisin Adam a perdu du sang pendant six heures avant de perdre la vie dans la chambre d’opérations. Quand il est arrivé, c’était trop tard. De l’autre, les hôpitaux sont touchés par des pénuries d’électricité, ce qui rend le travail des soignants difficile. Depuis le 15 avril, au moins 31 personnes ont été tuées et 271 blessées à Nyala.

Aucun plan d’urgence n’a été instauré par le gouvernement, alors que la crise humanitaire provoquée par le conflit est vive. Les habitants de Nyala n’ont pas eu accès à l’eau et la nourriture depuis trois jours, les marchés étant tous fermés en raison des affrontements. Ils reposent donc sur la générosité de voisins qui ont plus de réserves qu’eux pour survivre. »

Improvisation totale

« Par ailleurs, certaines personnes ont dû être déplacées à cause des violences. Les choses se passent dans l’improvisation la plus totale : des soldats font du porte-à-porte, disant aux habitants que leur quartier va devenir dangereux dans les heures à venir et les poussant à fuir. Ceux-ci trouvent parfois refuge chez des proches. Ma sœur est ainsi venue vivre chez moi avec ses enfants. Sinon, ils se réfugient dans des écoles transformées en abris précaires.

Mais pourront-ils retourner chez eux ? Aux côtés des FSR, des milices armées circulent, qui sur une moto, qui sur un cheval, et fondent sur les quartiers où des maisons ont été abandonnées par leurs propriétaires pour les cambrioler. Ils pillent aussi les sièges des organisations humanitaires. Et le gouvernement ne fait rien, tout cela se passe dans l’impunité la plus totale. »

La mort rôde de nouveau au Darfour, mais contrairement à l’attention portée depuis le 15 avril sur les violents combats qui défigurent Khartoum, dans la vaste région occidentale historiquement minée par les guerres, les civils tombent dans un silence assourdissant. Mercredi 19 avril, onze civils ont encore été tués dans la ville d’el-Fasher, capitale du Darfour-Nord....

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George Clooney va accueillir tout le monde dans ses résidences...

IBN KHALDOUN

21 h 23, le 23 avril 2023

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Commentaires (1)

  • George Clooney va accueillir tout le monde dans ses résidences...

    IBN KHALDOUN

    21 h 23, le 23 avril 2023

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