Soins retardés ou même impossibilité d'intervenir lors de grossesses compliquées: les conséquences des restrictions à l'avortement en Floride, troisième Etat le plus peuplé des Etats-Unis, sont de nouveau dénoncées mardi dans un rapport s'appuyant sur le témoignage de praticiens.
Cette synthèse publiée par l'organisation Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) accuse ces restrictions de "mettre en danger à la fois les patientes et les praticiens".
Le sujet de l'avortement pèse dans la campagne pour la présidentielle américaine de novembre et, en Floride, les Américains voteront en outre séparément sur la question.
Le référendum portera sur un amendement à la constitution de l'Etat, qui rétablirait la possibilité d'avorter jusqu'à la viabilité du foetus.
La publication de ce rapport intervient par ailleurs quelques jours après la publication d'un article de ProPublica sur le décès d'une femme en Géorgie, n'ayant pas reçu les soins nécessaires après de graves complications.
Souffrance
En Floride, l'avortement est interdit depuis mai au-delà de six semaines de grossesse, soit avant que la plupart des femmes n'aient conscience d'être enceinte.
Contrevenir à cette loi est considéré comme un crime pour les praticiens impliqués, qui risquent jusqu'à 5 ans de prison, une lourde amende et l'interdiction d'exercer.
La loi comprend quelques exceptions pouvant justifier un avortement plus tardif: en cas de viol ou d'inceste, de danger pour la vie de la mère ou l'une de ses "fonctions corporelles majeures", ou de malformation "fatale" du foetus.
Mais ces exceptions sont mal définies, ce qui conduit à des délais dans les soins, voire à des refus, selon le rapport, qui s'appuie sur des entretiens avec 25 professionnels de santé (gynécologues, obstétriciens, sages-femmes...).
Pour faire exception, la malformation foetale doit "conduire à un décès à la naissance ou immédiatement après", entraînant des débats sur la définition du terme "immédiatement".
Un praticien raconte par exemple l'histoire d'une patiente ayant eu par le passé deux enfants atteints d'une maladie génétique très rare, décédés à quatre mois.
De nouveau enceinte et le même diagnostic étant posé, cette patiente souhaite avorter pour ne pas "revivre la même souffrance". Mais "personne ne s'est senti à l'aise pour dire qu'il s'agissait de quelque chose de fatal immédiatement après l'accouchement", est-il expliqué.
Seule solution: se rendre dans un autre Etat.
Toutes les patientes n'ont toutefois pas cette possibilité. Dans un autre exemple, une femme a été forcée de poursuivre sa grossesse malgré un foetus atteint de trisomie 18 avec malformation cardiaque, n'ayant que de très maigres chances de survie après la naissance.
Avec deux enfants et une mère atteinte d'Alzheimer, elle ne peut voyager. Le foetus ne survit finalement pas jusqu'à l'accouchement.
"Vous pouvez imaginer toute la souffrance pour elle, de poursuivre une grossesse durant huit semaines pour aucune autre raison que des lois étatiques", souligne un praticien cité.
"Ce qui est juste"
Les mêmes dilemmes se posent concernant l'exception pour la vie de la mère.
Un obstétricien explique avoir dû défendre devant plusieurs responsables hospitaliers la nécessité d'un avortement pour une patiente ayant un risque de décès estimé à 10% si elle poursuivait sa grossesse.
"J'ai dû les écouter dire: +Est-ce que 10%, c'est beaucoup? Est-ce suffisant?+", relate l'expert, qui obtient finalement gain de cause, mais au bout de trois semaines.
Or ce délai supplémentaire "compte", explique-t-il. Entre 15 semaines et 18 semaines, "la procédure change un peu et le risque change un peu".
La prise en charge repoussée des fausses couches, dont les médecins ont peur qu'elle soit assimilée à un avortement, est également pointée du doigt par le rapport.
Tout comme les hôpitaux qui se renvoient la balle, allongeant les délais de prise en charge et du même coup les risques de complications.
"C'est une situation difficile d'essayer de faire ce qui est légal, mais aussi ce qui est juste", témoigne l'un des professionnels interrogés.
Les restrictions en Floride ont été permises par une décision de la Cour suprême américaine, qui a annulé la garantie fédérale à l'avortement à l'été 2022, après avoir été profondément remaniée par Donald Trump.
Une vingtaine d'Etats ont depuis imposé des restrictions ou des interdictions.
Cette synthèse publiée par l'organisation Physicians for Human...
Les plus commentés
Rencontre Berry-Mikati-Joumblatt : les chrétiens fustigent une « absence inacceptable », mais...
Guerre au Liban : comment expliquer le silence de Samir Geagea
Bassil à « L’OLJ » : L’heure est à l’unité, non aux tiraillements internes