Une source diplomatique turque a affirmé lundi à l’agence Reuters qu’Ankara participerait au sommet ministériel de la Ligue arabe réunissant mardi les chefs de la diplomatie des pays membres pour discuter notamment de la guerre à Gaza. Une première depuis treize ans, alors que les positions de la Turquie en faveur des printemps arabes avaient froissé les puissantes forces contre-révolutionnaires de la région. Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan devrait se rendre mardi au Caire pour le sommet. La Turquie participait déjà à un groupe de contact commun relatif à la guerre dans l’enclave palestinienne et établi durant le sommet conjoint de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) en novembre dernier.
Feu vert de la Syrie
Ayant opéré une détente dans sa politique étrangère ces dernières années, scellant des réconciliations avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis ou encore plus récemment l’Égypte, Ankara est désormais sorti de son isolement diplomatique. Selon le média syrien d’opposition Baladi, Le Caire a joué un rôle important pour faciliter la participation de la Turquie au sommet de la Ligue arabe, alors que le président Abdel Fattah al-Sissi s’est récemment rendu à Ankara pour la première fois depuis qu’il a accédé au pouvoir il y a plus de dix ans. Le site souligne aussi le feu vert donné par la Syrie, qui a été réintégrée l’année dernière dans l’organisation régionale après plus d’une décennie d’exclusion en raison de sa répression sanglante de la révolution. Si Damas et Ankara sont poussés par la Russie et d’autres intermédiaires à concrétiser un rapprochement, de nombreux obstacles persistent, tels que la présence de forces turques dans le nord de la Syrie ou encore la question du retour des réfugiés. Dans l’approbation de la présence turque à la réunion de la Ligue arabe, Baladi voit néanmoins un geste d’ouverture de la part du président syrien Bachar el-Assad.
Se positionnant comme défenseur de la cause palestinienne et souhaitant affirmer son rôle d’acteur régional incontournable, la Turquie a récemment appelé à une « alliance » des pays islamiques contre « l’expansionnisme israélien ». Lundi 9 septembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté l’OCI à convoquer une réunion d’urgence sur la guerre à Gaza et les « attaques israéliennes » sur Jérusalem, dont l’esplanade des Mosquées et al-Aqsa sont une « ligne rouge » pour la Turquie. Il y a quelques jours, une activiste turco-américaine a été tuée d’une balle dans la tête en Cisjordanie alors qu’elle manifestait contre la colonisation des territoires occupés. Ankara a déclaré vouloir prendre des mesures légales auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) face à une « intervention barbare » dénoncée par le président Recep Tayyip Erdogan. « Nous prendrons toutes les mesures légales pour que son sang ne reste pas au sol », a déclaré le chef de l’État turc, ajoutant que « les dirigeants israéliens qui commettent un génocide seront absolument tenus responsables des crimes qu’ils ont commis ».
Depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre dernier, Ankara a pris ses distances avec Tel-Aviv, se joignant même à la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël auprès de la CIJ pour violation de la convention sur le génocide. Si Recep Tayyip Erdogan entend toujours se positionner au cœur du monde musulman, Ankara doit naviguer avec prudence pour ne pas froisser à nouveau certains poids lourds de la région, notamment les Émirats arabes unis, fer de lance de la normalisation avec Israël, et l’Arabie saoudite qui est en discussion avec les États-Unis pour conclure un accord reconnaissant l’État hébreu contre des concessions sécuritaires.