e pape François a demandé lundi « la vérité et la justice » concernant la double explosion au port de Beyrouth qui a fait plus de 220 morts et plus de 6 500 blessés il y a quatre ans, alors qu’il recevait une délégation des familles des victimes du drame.
Vingt proches de victimes ont été reçus par le pape, parmi lesquels Nazih el-Adem, William Noun, Paul et Tracy Najjar, Mariana Fodoulian, Cécile Roukoz, Tania Daou-Alam et Pierre Gemayel. « La rencontre s’est prolongée durant une heure, le pape tenant à s’entretenir avec chacun de ses visiteurs », affirme à L’Orient-Le Jour l’un des hôtes du Vatican, sous couvert d’anonymat.
« J’ai beaucoup prié pour vous et pour vos bien-aimés, et je continue à le faire, mêlant mes larmes aux vôtres (…) » a dit le pape François en recevant en audience les membres de la délégation. « La vérité et la justice doivent primer sur tout », a-t-il ajouté, admettant que « la question est complexe et épineuse, et grevée de forces et d’intérêts contradictoires ». « Le peuple libanais, et vous-mêmes en priorité, avez le droit de vous exprimer et d’agir par des paroles et actes qui font preuve de responsabilité et de transparence », a lancé le saint-père à l’adresse des familles des victimes. « Je ressens la douleur avec vous, d’autant que de nombreuses personnes innocentes meurent chaque jour à cause de la guerre dans votre région, en Palestine et en Israël, et le Liban en paie le prix. (….). Je prie le Ciel pour le Moyen-Orient et pour le Liban, un pays qui doit rester un projet de paix. N’oublions pas (…) que ce pays est un message », a ajouté François, en référence aux propos que le pape Jean-Paul II avait exprimés en septembre 1989 ». « Vous n’êtes pas seuls et nous ne vous laisserons pas seuls », a-t-il promis aux proches des victimes.
Lettre au pape
Au cours de la rencontre, Nazih el-Adem, le père de Krystel, tuée dans la catastrophe, a remis au pape une lettre qu’il a écrite au nom des parents des victimes, dans laquelle il a rappelé « l’apocalypse » survenue le 4 août 2020. « Une explosion qui a balayé la vie des nôtres », a-t-il indiqué, comparant La Pietà (œuvre de Michel Ange représentant la Vierge Marie tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix avant sa mise au tombeau) aux « parents des victimes assis sur les trottoirs et dans les rues jonchées de débris, les yeux tournés vers le ciel, portant leurs enfants sur leurs genoux ». M. Adem a en outre déploré « le refus des gouvernants de reconnaître leur part de responsabilité dans ce crime en occultant toute la vérité ». « La mort des nôtres est une grande tragédie (…) mais attendre une justice qui ne vient pas est une tragédie tout aussi grande », a-t-il ajouté.
Après une messe célébrée à la chapelle Pauline par le secrétaire d’État du Vatican et numéro deux du Saint-Siège, Mgr Pietro Parolin, ce dernier a reçu à son tour, et durant une heure trente, les parents des victimes en présence du nonce apostolique au Liban, Mgr Paolo Borgia.
Le suivi du Vatican
Le cardinal Parolin a pris acte d’une lettre établie par deux avocates et proches de victimes, Cécile Roukoz et Tania Alam, dans laquelle sont détaillées les entraves qui se dressent devant l’enquête depuis quatre ans, notamment les interférences politiques, ainsi que les menaces et multiples recours abusifs contre le juge chargé de l’instruction de l’affaire, Tarek Bitar. Selon un autre participant à la rencontre qui s’exprime lui aussi sous couvert d’anonymat, le numéro deux du Saint-Siège « semblait au fait de tous les détails de l’évolution du dossier ainsi que des facteurs contribuant à la stagnation des investigations ». « Mgr Parolin a déclaré que le Vatican fera un suivi de la question, qui sera assuré par Mgr Borgia », révèle ce participant à la rencontre, indiquant que les proches des victimes ont exprimé leurs attentes quant à une enquête internationale, d’autant que nombre de pays comptent des personnes tuées ou blessées parmi leurs ressortissants. Le numéro deux du Saint-Siège leur a alors révélé que le Vatican était intervenu en 2022 auprès du Conseil des droits de l’homme au sein des Nations unies, poussant à une enquête à caractère international, ajoute l’interlocuteur précité.
Un déjeuner a été ensuite offert a à la résidence Sainte-Marthe, située à proximité de la basilique Saint-Pierre au sein de la Cité du Vatican.
Le 4 août 2020, l’une des plus grandes explosions non nucléaires de l’histoire dévastait des quartiers entiers de la capitale libanaise, tuant plus de 220 personnes et en blessant plus de 6 500. Un premier juge chargé de l’enquête en 2020 avait dû jeter l’éponge après avoir inculpé un ex-Premier ministre et trois anciens ministres. Son successeur, Tarek Bitar, s’est à son tour attaqué à des responsables politiques mais le Parlement a refusé de lever l’immunité de députés inculpés, le ministère de l’Intérieur s’est opposé à l’interrogatoire de hauts gradés et les forces de sécurité ont refusé d’exécuter des mandats d’arrêt.
Qui se vantait
14 h 20, le 28 août 2024