Critiques littéraires

La chute d’Alep dans l’œil de Manoukian

La chute d’Alep dans l’œil de Manoukian

Un livre choc ! Ici les mots sont des coups de poignards. La Pesée des âmes signé de Pascal Manoukian, reporter rompu à la tâche de par ses innombrables escapades pour être toujours au vif des guerres et de leurs brasiers, est un opus retentissant qui sort du rang sur la chute d’Alep dans la Syrie de Bachar al-Assad.

Routier au Panama, portier de bordel à Guayaquil, serveur dans le Minnesota, découvreur d’Indiens en Colombie, déblayeur de cendres en Islande. Mais Pascal Manoukian, aujourd’hui à soixante-neuf ans, français d’origine arménienne, ancien directeur général de l’agence CAPA, deviendra éminent journaliste !

Les montagnes afghanes, deux mois avant l’invasion soviétique, lui ouvrent la voie royale du grand reportage. Liban, Sahara occidental, Somalie, Cambodge, Kurdistan, Bosnie, pendant 20 ans, il enchaîne les lignes de fracture passant du stylo, à l’appareil photo, de l’appareil photo à la caméra.

Pour son dernier ouvrage, Manoukian renoue avec le roman. Un roman nourri de tout ce que ses yeux ont vu d’horreur, de compassion, de morts violentes, de fraternité dans le désarroi, de manque, de privation… Pour Pascal Manoukian, il semble que « le journalisme est une raison de vivre plutôt qu’un mode de vie »…

Si le titre La Pesée des âmes pique la curiosité (avec une odeur de jugement dernier chrétien), et a même été utilisé par Georges Duhamel, il s’agit là de savoir comment juger une âme à la fin des temps, si ce n’est par les actions de son vécu… Comment se penchera alors la balance, vers le bien ou le mal ?…

Pour ce roman narrant la tragique histoire d’une cité, une des plus anciennes villes du monde, autrefois prospère, joyeuse, hospitalière, historiquement riche, à trente ans, Ernest Bollard (anagramme d’Albert Londres, prix du journalisme d’investigation) tente de donner une image juste. Une image de ce cette ville ravagée qui croule sous les bombardements et les « snipers ». Mission ardue et périlleuse. Confrontation cruelle mais où l’empathie et l’entraide sont remarquables et touchantes avec des citoyens (des enfants, des femmes, des exclus de la vie) dépassés et terrassés par une impitoyable machine guerrière qui les broie et anéantit.

Ici on ne dit pas les choses avec des pincettes ou des gants. C’est comme un zapping devant les images de flashs d’une laideur tonitruante et insoutenable que vomit un écran de télé sans état d’âme ni censure.

Un livre nerveux qui témoigne, dénonce et fustige la folie humaine. Avec beaucoup de dialogues à l’emporte-pièce, avec des vocables modernes, empruntés à la technologie, sans toucher au trash. Pour cet univers glauque, agité, hors norme et taché de sang, un verbe inventif et sur-vitaminé qui ne recule devant rien pour une captivante originalité. À ce monde déchiré, il y a aussi celui du journalisme avec son bling-bling chic, sa convoitise pour l’argent, ses coulisses pour des intrigues de sérail, son besoin d’une information toujours en compétition pour le spectaculaire… Les sujets s’entrelacent. Les personnages sont touchants dans cet écheveau de vies empêtrées entre balles perdues, bombardements sporadiques ou intensifs, tristes cocktails de vaine mondanité et crises sentimentales si difficiles à résoudre.

Un monde de requins qui s’entre-dévore et où finalement nul n’est à l’abri. Mais sans que l’espoir soit absent du paysage. Dans ce chaos absurde et sans nom, il y a quelque part un rayon de lumière, une sorte de mansuétude, même si les mots, comme tirés à bout portant, ne le disent pas.

La Pesée des âmes de Pascal Manoukian, Erikbonnier, 2024, 313 p.

Un livre choc ! Ici les mots sont des coups de poignards. La Pesée des âmes signé de Pascal Manoukian, reporter rompu à la tâche de par ses innombrables escapades pour être toujours au vif des guerres et de leurs brasiers, est un opus retentissant qui sort du rang sur la chute d’Alep dans la Syrie de Bachar al-Assad.Routier au Panama, portier de bordel à Guayaquil, serveur dans le Minnesota, découvreur d’Indiens en Colombie, déblayeur de cendres en Islande. Mais Pascal Manoukian, aujourd’hui à soixante-neuf ans, français d’origine arménienne, ancien directeur général de l’agence CAPA, deviendra éminent journaliste !Les montagnes afghanes, deux mois avant l’invasion soviétique, lui ouvrent la voie royale du grand reportage. Liban, Sahara occidental, Somalie, Cambodge, Kurdistan, Bosnie, pendant 20 ans, il...
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