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L’amour qui sauve

L’amour qui sauve

De la rue Sissi à la rue Sursock  ; du quartier de son enfance heureuse à Alep au plus beau palais de Beyrouth  ; de « derrière ces façades lisses et aveugles où les divinités des eaux entretenaient des soirées d’intérieur, de musique et de poésie », à la terrasse où elle faisait la lecture de son roman de prédilection, Du côté de chez Swan, à Lady Cochrane, avant que l’une des plus puissantes déflagrations de l’histoire ne l’emporte  ; Leyla, narratrice qui se définit elle-même comme une « Chrétienne d’Orient », retrace la géographie des fêlures de l’être oriental et ses blessures, lui, victime des sempiternels conflits géopolitiques de cette région du monde.

Que les lecteurs et lectrices ne s’y méprennent cependant pas. Certes, ces souks réputés les plus vieux du monde, avec leur « parfum de cannelle et de poivre, de musc et d’ambre et leur soie d’arc en ciel », partent en fumée. Certes, la progression djihadiste semble inexorable. On fuit les lieux enchanteurs de l’enfance pour un havre de paix relatif à Bab Touma dont le ciel est lui-même déchiré, chaque nuit, par un feu fanatique. Certes, on détruit à Palmyre et massacre à Maaloula qui parle la langue araméenne du Christ. Certes, on jette plus de huit millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur les routes de l’exil. Certes, Myriam Antaki, romancière syrienne francophile, signe là un livre de larmes et de sang. Mais son propos est d’interroger également la question de la femme orientale, sa destinée mortifère et ses amours impossibles. Car à Damas, chez l’austère Margot qui loue trois chambres autour de son patio, se nouent trois destins de femmes venues des différentes régions du pays.

Hayat, la vie, qui avait abandonné sa terre natale pour prendre le chemin de Damas, enseigner à l’université, rédiger le roman de son vécu qui connaît un succès de librairie et pleurer la tuerie de ses parents. À la lumière des bougies, lors d’une nuit d’obus, son visage s’illumine de la poésie brisée du monde.

Amal, triste espoir, qui découvre à l’écran l’arrestation de son amant, Pierre, joueur invétéré, qui faisait la contrebande de biens patrimoniaux. Il passe aux aveux avant de disparaître. Ultime paradoxe, elle se rend chez l’épouse de son amant pour calmer sa douleur.

Leyla, la nuit, qui se regarde dans le miroir certains soirs pour voir « une femme sans visage ». Leyla dont la mère à Alep meurt, l’amant fou disparaît et la ville s’écroule. Leyla qui passe ses jours à attendre les apparitions de Salam avant d’apprendre par les journaux qu’il avait commis des attentats à Paris.

Après toutes ces guerres, de Syrie et du Liban, comment continuer à marcher ? Comment continuer à aimer ? Comment « regarder la lumière » ?

Dans sa conférence donnée à la Fondation Corm lors du lancement de son roman, Antaki dit : « Malgré la désolation, l’exil et la guerre, Leyla croit toujours au bonheur, parce qu’elle est pure et que pour elle, c’est toujours l’amour qui sauve. »

La Vie toujours ailleurs de Myriam Antaki, éditions Intervalles, 2024, 309 p.

De la rue Sissi à la rue Sursock  ; du quartier de son enfance heureuse à Alep au plus beau palais de Beyrouth  ; de « derrière ces façades lisses et aveugles où les divinités des eaux entretenaient des soirées d’intérieur, de musique et de poésie », à la terrasse où elle faisait la lecture de son roman de prédilection, Du côté de chez Swan, à Lady Cochrane, avant que...
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