
Des policiers israéliens examinent la scène d’une explosion survenue dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 juillet 2024 à Tel-Aviv. Gil Cohen-Magen/AFP
C’est l’attaque la plus sérieuse qui ait touché le cœur économique d’Israël depuis le 7 octobre. Vendredi 19 juillet avant l’aube, une explosion meurtrière a réveillé les habitants de Tel-Aviv sans que les sirènes d’alerte ne soient déclenchées. Le point sur ce que l’on sait et les enjeux de cette frappe revendiquée par les rebelles houthis du Yémen.
Les faits
• Une explosion survenue vers 3 heures du matin à Tel-Aviv a fait un mort et une dizaine de blessés, selon un bilan encore provisoire vendredi 19 juillet au matin.
• L’armée israélienne a initialement déclaré que l’impact provenait de la chute d’un engin aérien qui n’avait pas été repéré. De nombreux observateurs ont néanmoins entendu un bruit de drone juste avant l’explosion, les forces israéliennes confirmant par la suite la présence d’un tel engin, qui aurait explosé dans les airs et non pas à l’impact.
• Aucune sirène d’alerte n’a été déclenchée en amont, les forces israéliennes évoquant une « erreur humaine » alors que le drone avait été repéré.
• L’immeuble touché par les débris du drone se trouve à proximité de la branche locale de l’ambassade américaine, désormais à Jérusalem depuis une décision de l’ancien président Donald Trump.
• Le département d’État américain a déclaré être « en contact étroit avec les autorités israéliennes pour une enquête complète sur les sources de l’explosion et sa cible prévue ».
• Les rebelles houthis du Yémen ont revendiqué l’attaque sur « la région occupée de Jaffa, aujourd’hui appelée Tel-Aviv d’Israël », et annoncé une opération militaire d’envergure.
• Les patrouilles aériennes ont été renforcées et le niveau d’alerte accru dans la ville, alors que des dizaines de roquettes ont été tirées vendredi matin depuis le Liban-Sud sur des zones non habitées.
Le contexte
• L’attaque intervient quelques heures après que l’armée israélienne a affirmé avoir éliminé sur son front nord un commandant du Hezbollah au Liban Sud, Jaafar Maatouk, « responsable des opérations de la force al-Radwane », l’unité d’élite du parti chiite, dans une frappe qui a également tué un autre commandant et fait une vingtaine de blessés parmi les civils.
• Depuis les attaques sanglantes du Hamas en Israël le 7 octobre, l’État hébreu a lancé une offensive massive sur Gaza, activant ainsi « l’axe de la résistance » mené par Téhéran selon le principe de « l’unité des fronts », à laquelle participent le Hezbollah depuis le 8 octobre, les rebelles houthis du Yémen ainsi que des factions pro-iraniennes en Syrie et en Irak.
• Évoquant leur solidarité avec Gaza, les rebelles yéménites lancent donc régulièrement depuis novembre dernier des attaques visant des navires qui seraient liés à Israël, notamment en mer Rouge.
• Le groupe, aussi appelé Ansarullah, a tenté à plusieurs reprises d’atteindre Israël du Yémen, situé à près de 2 000 km. Les rares fois où le système de défense israélien n’a pas réussi à intercepter les projectiles envoyés sur Eilat, à la pointe sud du pays, les dégâts sont restés limités.
• Depuis décembre, une coalition menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne vise à dissuader et contrer les attaques houthies en mer perturbant le commerce maritime international, ainsi qu’à réduire les capacités militaires du groupe. Une présence imposante en mer Rouge n’a pourtant pas suffi à supprimer la menace.
• L’explosion à Tel-Aviv intervient en outre au moment où les négociations ont repris pour un accord de trêve à Gaza, accompagné de la libération des otages encore retenus dans l’enclave palestinienne. Si un deal n’a jamais semblé aussi probable depuis des mois, certains points sont encore à régler et les efforts du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour prolonger la guerre pourraient faire dérailler les discussions.
• Sous la pression de ses alliés, notamment iraniens, le Hamas s’est montré quant à lui plus favorable à un accord, abandonnant des exigences qui étaient inacceptables pour Israël et restant à la table des négociations malgré le récent massacre sur al-Mawassi lors de la tentative israélienne d’éliminer son chef militaire, Mohammad Deif.
Les enjeux
• La principale inconnue après cette frappe porte sur le devenir des négociations pour une trêve à Gaza. Estimant que le Hamas se sentait désormais acculé à signer un deal, Benjamin Netanyahu avait déjà affirmé ces derniers jours vouloir augmenter la pression militaire sur le Hamas, dans l’espoir d’en obtenir plus de concessions. Une stratégie qui sert aussi sa volonté de prolonger la guerre jusqu’à l’élection potentielle de Donald Trump à la présidence américaine, afin d’assurer sa survie politique dans un contexte défavorable. L’explosion à Tel-Aviv pourrait ainsi être utilisée pour servir les objectifs du Premier ministre afin de repousser la conclusion d’un accord.
• Mais elle risque d’un autre côté d’accroître la pression en interne contre le chef du gouvernement, alors que de nombreuses familles d’otages réclament sa démission en plus d’un accord pour faire revenir leurs proches, et que des manifestants se réunissent régulièrement devant sa résidence pour le pousser à quitter le pouvoir. Benjamin Netanyahu est déjà pointé du doigt par l’opposition pour la faillite sécuritaire du 7 octobre, qui représente un traumatisme pour les Israéliens, et pour laquelle il a récemment refusé l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante. Le fait que Tel-Aviv ait été touché directement dans une frappe meurtrière pourrait renforcer ce narratif.
• Venant du Yémen, le drone responsable de l’explosion aurait ainsi réussi à déjouer les systèmes de défense israéliens mais aussi américains et des autres membres de la coalition en mer Rouge. De quoi reconsidérer encore plus la stratégie occidentale pour diminuer les capacités militaires du groupe rebelle. Selon la chaîne saoudienne al-Arabiya, la défense américaine aurait néanmoins intercepté un missile balistique et trois drones en route vers Israël, indiquant que l’attaque aurait pu être plus meurtrière. Ou que les houthis ne s’attendaient pas à ce que l’un des drones passe ce barrage de sécurité.
• Bien que la frappe ait été meurtrière et revendiquée fièrement par les houthis, un embrasement régional du conflit à Gaza pourrait cette fois encore être évité, après un échange dangereux de frappes entre l’Iran et Israël en avril. Le fait que la frappe soit partie du Yémen et non du Liban réduit déjà le risque que le front avec le pays du Cèdre ne s’enflamme encore plus. De plus, l’État hébreu n’a aucun intérêt stratégique à ouvrir un front avec le Yémen, étant déjà restreint en termes de ressources humaines et matérielles. Si Israël veut rétablir sa puissance de dissuasion, il pourrait se contenter de frappes ciblées et destructrices sur certains sites houthis du Yémen, tout en laissant aux Américains le soin de maintenir une pression constante sur le groupe et de discuter avec l’Iran pour contenir les tensions régionales.
Il faut déjà commencer à conseiller aux israéliens de retourner vivre dans leurs pays d'origine , où ils disposent du droit de retour ! Ce ne sera plus du tout un pays où il fera bon vivre dorénavant !
14 h 43, le 19 juillet 2024