Contrairement à ses précédentes visites à Beyrouth, l’émissaire présidentiel américain, Amos Hocshtein, n’a pas obtenu au cours de son dernier passage au Liban une réponse claire sur la position du Hezbollah. Il a même attendu cette réponse alors qu’il était déjà rentré à Washington en maintenant un contact direct avec certains responsables libanais... en vain. Les spéculations ont alors commencé à se multiplier et des analystes ont estimé que pour la première fois depuis l’ouverture du front au Liban-Sud, le 8 octobre, le Hezbollah est dans l’indécision. Il ne parvient pas à définir les contours de la prochaine étape. Mais pour les proches du Hezbollah, cette non-réponse serait une nouvelle tactique, destinée à semer la confusion chez les autres... Que s’est-il donc exactement passé ?
Des sources proches des responsables qui ont rencontré Amos Hochstein lors de sa dernière visite au Liban affirment que, contrairement à ce qui a été rapporté par certains médias, l’émissaire américain n’a pas utilisé un ton menaçant avec ses interlocuteurs libanais. Il a simplement déclaré qu’il est fort probable que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu annonce très prochainement la fin de ce qu’il appelle « la seconde étape dans la guerre de Gaza », c’est-à-dire la fin de l’invasion terrestre et des grandes opérations militaires, pour passer à « la troisième étape », celle des opérations limitées et ciblées. Dès lors, Benjamin Netanyahu pourrait profiter de l’accalmie relative à Gaza pour lancer une opération plus large au Liban contre des installations du Hezbollah, comprenant même des invasions terrestres limitées. Toujours selon les mêmes sources, l’émissaire américain aurait suggéré de prendre de court Netanyahu en concluant un accord rapide pour déjouer ce plan, tout en se basant sur la précédente position du Hezbollah. S’il y a donc une accalmie, même relative et non officielle, à Gaza, pourquoi ne pas en profiter pour calmer aussi le front du Sud et ôter ainsi tout prétexte à Netanyahu pour lancer une offensive contre le Liban ? La réponse du Hezbollah, transmise par les interlocuteurs agréés, n’a pas varié et elle se résumait à dire que le front du Liban est destiné à soutenir les Palestiniens à Gaza et son sort dépend donc de ce qui se passe là- bas. Hochstein aurait insisté en demandant aux responsables libanais quelle sera la réaction du Hezbollah lorsque Netanyahu annoncera la fin de la deuxième étape et le début de la troisième. Et c’est là que le Hezbollah a choisi de maintenir le flou, refusant de donner la moindre indication sur ce qui se passera sur le front du Liban dans ces conditions... Hochstein aurait alors tenté de s’adresser à d’autres interlocuteurs pour comprendre ce que signifie le silence du Hezbollah, mais les indices sont restés vagues...
De fait, les sources proches du Hezbollah confirment que le refus de donner toute indication sur ce qu’il ferait dans un scénario de « la troisième étape » à Gaza est le fruit d’une décision prise à haut niveau. Du moment que le commandement israélien refuse de conclure un cessez-le-feu véritable avec les Palestiniens à Gaza, il n’y a pas de raison pour que le Hezbollah fasse des concessions sur le front du Liban, permettant ainsi aux Israéliens d’être tranquilles. C’est l’argument avancé par des responsables du Hezbollah pour justifier ce flou volontaire au sujet de ses intentions. L’autre argument repose sur le fait que le Hezbollah est convaincu que le Premier ministre israélien ne veut pas vraiment mettre fin à la guerre actuellement en cours. Ses objectifs cachés consisteraient donc à tenter de calmer un front pour se concentrer sur d’autres, puis de changer, pour parvenir, comme il le dit, à « éradiquer la résistance » sous toutes ses formes et dans ses différentes organisations. Le Hezbollah n’a donc aucun doute sur la volonté réelle de Netanyahu d’en finir avec lui et avec le Hamas, mais chacun à son tour, parce qu’il n’est pas en mesure de mener la guerre sur deux fronts à la fois. De plus, les informations qui parviennent au Hezbollah, en provenance de plusieurs parties, montrent que les Israéliens refusent totalement la possibilité d’arrêter leurs opérations contre le Liban, quel que soit le scénario adopté. C’est dans ce sens que depuis l’adoption de la résolution 1701 en août 2006, ils ont toujours refusé d’appliquer le point portant sur l’arrêt des violations de l’espace aérien libanais. D’ailleurs, depuis cette date, chaque année, l’armée libanaise enregistre des milliers de violations aériennes qui sont répertoriées et envoyées à la Finul sans que rien ne soit fait pour les arrêter. Pourtant, les violations aériennes permettent aux Israéliens de surveiller le Liban et de préparer d’éventuels assassinats de responsables du Hezbollah. D’ailleurs, pour les Israéliens, ces opérations peuvent continuer indépendamment de toute accalmie sur le front du Sud. C’est pourquoi des unités spéciales du Hezbollah s’entraînent depuis quelque temps à mener des opérations pour déjouer d’éventuels assassinats ou tentatives de prise d’otages au Sud et dans d’autres régions du pays, visant des cadres de la formation ou des responsables palestiniens. Cette démarche s’est intensifiée après l’assassinat de Saleh el-Arouri, en janvier dans la banlieue sud, dans un immeuble qui abritait aussi une permanence du Hezbollah. Ce qui montre la précision de l’attaque. De fait, une tentative récente d’assassinat d’un chef palestinien près de la frontière libano-syrienne a pu ainsi être mise en échec...
Pour toutes ces raisons, le Hezbollah refuse de donner des indications sur sa position réelle en cas d’accord sur ce qu’il appelle « un semblant d’accalmie » à Gaza, sous le titre de « la troisième étape ». Il refuse ainsi de permettre à la « manœuvre israélienne » destinée à calmer la colère de l’administration américaine, en baissant l’intensité des combats à Gaza tout en continuant à mener des opérations militaires ciblées, de réussir. Il n’est pas question pour lui de se laisser « duper » par les Israéliens, comme le disent ces proches. D’ailleurs, ils font remarquer que depuis que le Hezbollah n’a pas donné de réponse, il est de nouveau question d’un éventuel accord entre le Hamas et les Israéliens, et les discussions indirectes ont repris à Doha.
Avec Scarlett Haddad on apprend toujours du nouveau, loin des clichés ressassés ailleurs.
20 h 44, le 06 juillet 2024