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Politique - Présidentielle

La surprise Boukhari : le quintette se retrouve (momentanément) quatuor

Sans leur collègue saoudien, les ambassadeurs des pays membres  du groupe rencontrent séparément Frangié, Gemayel et la Modération nationale.

La surprise Boukhari : le quintette se retrouve (momentanément) quatuor

Le chef des Marada, Sleiman Frangié (au centre), entouré des ambassadeurs des pays membres du quintette, reçus à Bnechaï, le 17 avril 2024. Photo envoyée par notre correspondant Michel Hallak

Au deuxième jour de sa nouvelle tournée en quête d’un déblocage de la présidentielle, le quintette impliqué dans le dossier libanais s’est vu réduit à un quartette. À la surprise générale, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari, n’a en effet pas rejoint ses homologues américaine, français, égyptien et qatari lors de leurs entretiens mercredi avec le candidat du tandem Amal-Hezbollah à la présidence de la République, Sleiman Frangié, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, et le bloc de la Modération nationale (députés majoritairement sunnites ex-haririens).

Dans la forme, la démarche de M. Boukhari a de quoi confirmer les informations qui circulent depuis des mois dans les coulisses diplomatiques : d’importantes divergences de points de vue secoueraient le groupe des Cinq. Certains sont même allés jusqu’à en remettre en question l’avenir. Sans se noyer dans ces dédales, les autres membres du groupe s’en tiennent à la version officielle : c’est uniquement pour des raisons de santé que Walid Boukhari ne prendra plus part aux entretiens de ses collègues diplomates avec les acteurs libanais. Mais cette absence n’influe en rien sur l’approche du quintette concernant la présidentielle : il faut que le pays se dote d’un chef d’État, qui serait le fruit d’une entente générale, dans les plus brefs délais, quels que soient les mécanismes qui permettraient d’atteindre cet objectif.

Officiellement donc, une maladie aurait empêché M. Boukhari de poursuivre la mission de bons offices qu’il mène dans le cadre du quintette. Mais selon les informations obtenues par L’Orient-Le Jour, la décision du diplomate saoudien est éminemment politique. Elle est le reflet de son objection aux entretiens tenus avec des présidentiables, dont M. Frangié. C’est ce qui expliquerait probablement le fait que l’ambassadeur d’Égypte, Ala’ Moussa, ait pris le soin de préciser, à sa sortie de Bnechaï, que le groupe « ne s’est pas réuni avec M. Frangié en sa qualité de candidat, mais de (chef d’un parti) politique ». « Le quintette n’évoque pas de noms, et n’est ni avec ni contre un candidat », a-t-il insisté.

Toujours selon nos informations, M. Moussa s’était entretenu lundi avec son homologue saoudien pour l’informer de la relance des contacts, à partir de mardi. Une démarche à laquelle M. Boukhari a fini par adhérer, tout en maintenant son veto aux réunions avec les présidentiables. Sans rentrer dans ces détails, Ala’ Moussa s’est contenté de faire savoir que M. Boukhari ne participera plus aux réunions avec le reste des chefs de file libanais. Une annonce loin d’avoir l’effet d’une surprise, au moins pour la journée de jeudi, au programme de laquelle figurent des entretiens avec le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le Hezbollah, aux rapports rompus avec Riyad. On ne s’attendait donc pas à ce que Walid Boukhari y prenne part.

Pour ce qui est de la réunion avec Sleiman Frangié, aussi bien les Marada que les milieux du quintette s’accordent à dire qu’elle s’est tenue dans une atmosphère « positive ». « Les diplomates ont naturellement appelé à la tenue rapide de l’élection, sans pour autant évoquer des noms ou l’éventualité de retrait », confie à L’OLJ une personnalité gravitant dans l’orbite des Marada et qui a requis l’anonymat. Une façon pour les proches du zaïm de Zghorta d’assurer que ce dernier est toujours dans la course pour Baabda, comme l’a affirmé l’intéressé lui-même à la presse, en dépit des efforts du quintette pour consacrer le principe de l’élection d’une figure de troisième voie.

Cette prise de position intervient à l’heure où Ala’ Moussa a indiqué que M. Frangié « s’est montré ouvert à toute proposition qui irait dans le sens de (la préservation de) l’unité du Liban. Il a également fait savoir que le chef des Marada a évoqué sa vision au sujet de la présidentielle. Si les Marada s’abstiennent de confirmer ce genre d’informations, des propos attribués à M. Frangié ont fuité dans les médias mercredi. À en croire celles-ci, le candidat du Hezbollah aurait réaffirmé son soutien à la « résistance », estimant que le parti chiite est « fort et efficace ». Se disant pour le monopole du port des armes, il aurait toutefois souligné que cet objectif ne pourrait être rempli avant d’arriver à une solution au niveau de la région. Et d’estimer qu’il est « inopportun » d’évoquer la question de la stratégie de défense (rejetée par le camp du Hezbollah) à l’heure actuelle.  

C’est donc un Sleiman Frangié ne pariant que sur l’appui du tandem chiite qui s’est entretenu avec le quintette. Et c’est principalement là que réside le problème de l’opposition avec le blocage de la présidentielle. Pour les anti-Hezbollah, le parti chiite chercherait à lui imposer l’élection de M. Frangié. Une position que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a exprimée devant les ambassadeurs du quintette qu’il a rencontrés à Bickfaya mercredi. « Nous avons fait comprendre aux diplomates qu’il n’est pas question de permettre au Hezbollah de nous imposer un président », affirme Alain Hakim, ancien ministre Kataëb présent à la réunion de mercredi. « Nous n’accepterons pas que le Hezbollah nous impose un président. Et nous n’accepterons pas un chef d’État qui soit son porte-parole, dans la mesure où cela isolerait le Liban et le transformerait à un auxiliaire de l’Iran », a pour sa part lancé M. Gemayel à l’issue de la réunion.

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Pour le chef des Kataëb, il y a deux moyens de sortir de la crise, soit l’élection d’un président conformément au mécanisme constitutionnel, soit une entente autour d’un candidat accepté par tout le monde. « Aujourd’hui, il est question de problèmes de forme, notamment pour ce qui est de la tenue d’un dialogue, et qui le présidera. Ce ne sont que des détails », a-t-il dit.

Dans la forme donc, Samy Gemayel donne l’impression d’avoir mis de l’eau dans son vin au sujet d’une éventuelle table de dialogue nationale sous la houlette du chef du législatif, Nabih Berry, une option qui se heurte jusqu’ici au niet des anti-Hezbollah . « Samy Gemayel a compris qu’il ne faut pas noyer la communauté internationale dans ces détails futiles », commente un diplomate occidental. Sauf que le léger pas en arrière de M. Gemayel ne s’applique pas au fond du problème. « Le Hezbollah veut-il retrouver les autres protagonistes à mi-chemin ? Telle est la question principale », a déclaré le député du Metn. « Les ambassadeurs du quintette disent vouloir faciliter la tenue de l’élection. Mais tous ces efforts resteront lettre morte s’il n’y a pas d’engagement public à renoncer à l’option Frangié », a encore dit le chef des Kataëb. « Nous ne pouvons demander le retrait de qui que ce soit. Mais nous œuvrons pour un package-deal qui inclurait le futur président, le gouvernement et, surtout, les réformes économiques exigées par la communauté internationale », précise un diplomate occidental.  

Au deuxième jour de sa nouvelle tournée en quête d’un déblocage de la présidentielle, le quintette impliqué dans le dossier libanais s’est vu réduit à un quartette. À la surprise générale, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari, n’a en effet pas rejoint ses homologues américaine, français, égyptien et qatari lors de leurs entretiens mercredi avec le...

commentaires (5)

Quelles sont les réformes économiques exigées par la communauté internationale ?Comprennent t-elles la décision unanime de rendre l'argent aux déposants que les banques ont illégalement substitué, comprennent-elles de favoriser les marchés commerciaux aux entreprises libanaises et les emplois attribués en priorité aux libanais ??

peacepeiche@gmail.com

04 h 39, le 18 avril 2024

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Commentaires (5)

  • Quelles sont les réformes économiques exigées par la communauté internationale ?Comprennent t-elles la décision unanime de rendre l'argent aux déposants que les banques ont illégalement substitué, comprennent-elles de favoriser les marchés commerciaux aux entreprises libanaises et les emplois attribués en priorité aux libanais ??

    peacepeiche@gmail.com

    04 h 39, le 18 avril 2024

  • M. Boukhari a compris qu’il ne sert à rien de faire semblant de se réunir pour faire croire qu’on veut sauver le Liban tout en tenant le crachoir à tous ceux qui bloquent et imposent des conditions inconcevables pour un pays soit disant démocratique. Donc il a mille fois raison de se retirer de cette mascarade et de se réunir avec les différents partis non vendus pour aboutir à une solution sans la présence des parasites qui empêchent les autres de faire entendre leurs voix. Quand est il des libanais que personne ne prend compte de leur avis concernant le président qui devrait les représenter?

    Sissi zayyat

    21 h 16, le 17 avril 2024

  • ""...d’importantes divergences de points de vue secoueraient le groupe des Cinq. Certains sont même allés jusqu’à en remettre en question l’avenir"". C'est clair, l'élection du président est, si j'ai bien compris ce que j'ai lu, est remis aux calendes grecques. Nous sommes en guerre meurtrière, des menaces d'interventions, de bombardements, et l'on reparle de présidentielle. Elire un nouveau président pendant cette crise, me rappelle un précédent, et que des reproches ont été rappelé. La prochaine surprise, c'est l'un ou l'autre diplomate qui va désister en raison d'une maladie diplomatique.

    Nabil

    20 h 31, le 17 avril 2024

  • Le Hezbollah est "fort et efficace ". Sans aucun doute. Le problème est que cette force et cette efficacité ne sont pas mises au service du Liban. Bien au contraire !

    Yves Prevost

    20 h 01, le 17 avril 2024

  • """« Samy Gemayel a compris qu’il ne faut pas noyer la communauté internationale dans ces détails futiles », commente un diplomate occidental."""" Ce diplomate occidental a raison. Le carrousel de la présidentiel continue et l'on se demande quel est le candidat pressenti par les diplomates et par les libanais qui fait l'unanimité autour de lui. Que peut faire la diplomatie étrangère, occidentale ou arabe, pour faire avancer le dossier, si les "Libanais" ne s'entendent sur rien. Dans ce pays, l'ego de nos politiciens est immense....

    Nabil

    19 h 54, le 17 avril 2024

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