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Derrière la visite de la secrétaire américaine au Trésor, un message sérieux transmis à la Chine

Derrière la visite de la secrétaire américaine au Trésor, un message sérieux transmis à la Chine

La secrétaire au Trésor américain Janet Yellen (C) et l'ambassadeur américain en Chine Nicholas Burns (G) visitent la ruelle Guozijian Hutong à Beijing, le 8 avril 2024. Photo Pedro PARDO / AFP

Sa simplicité et son maniement des baguettes ont fait sourire en Chine, mais la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen espère surtout avoir transmis un message sérieux ces derniers jours, au sujet des dangers de la surcapacité de production chinoise.

Pour son deuxième déplacement dans le pays asiatique en moins d'un an, la ministre des Finances a exprimé les inquiétudes américaines autour des subventions massives du gouvernement chinois dans les technologies - énergies vertes ou véhicules électriques - qui risquent d'entraîner dans le monde un raz-de-marée de produits à bas coûts.

Des préoccupations "sans fondement", a encore une fois répondu Pékin.

Mais la visite de Mme Yellen n'a pas été vaine, des chefs d'entreprise la voyant comme l'occasion de chercher des solutions avec ses homologues tandis que des analystes estiment qu'elle a préparé le terrain pour de nouvelles mesures, comme l'imposition de taxes douanières.

Pragmatique, elle a simplement reconnu que le problème ne serait pas "réglé en une semaine ou un mois".

Son arrivée le 4 avril à Canton (sud) a été longuement commentée sur les réseaux sociaux chinois, notamment sa façon de porter elle-même ses bagages sur le tarmac de l'aéroport. Puis, quand elle a mangé dans un restaurant populaire de cuisine cantonaise, son habileté à manier les baguettes a aussi fait parler.

Mais, tout au long de sa visite de quatre jours, le ton des discussions avec les responsables chinois s'est voulu plus sombre, Mme Yellen les avertissant que leurs subventions, et l'excès de production qui en découle, pourraient provoquer une "dislocation de l'économie mondiale".

"Prévenus" 

Pour Jens Eskelund, président de la Chambre européenne de commerce en Chine, le simple fait que ces échanges aient eu lieu est un bon signe. "C'est important que les gouvernements aient ces discussions avant qu'elles ne prennent de l'ampleur, qu'elles ne deviennent incontrôlables et que les choses n'entrent dans une spirale négative", confie-t-il à l'AFP. Il est toutefois "trop optimiste" d'espérer une solution rapide, prévient-il.

Washington et Pékin se sont mis d'accord pour discuter des "déséquilibres économiques" et de la surcapacité de production. Selon M. Eskelund, un dialogue similaire devrait aussi avoir lieu entre l'Union européenne et la Chine.

Il est aussi important de faire savoir à Pékin que les Etats-Unis et leurs alliés considèrent l'excès de capacité chinoise comme un problème potentiel, note Sean Stein, président de la Chambre américaine de commerce en Chine. "Si, par la suite, il s'avère nécessaire de prendre des mesures pour contrer la hausse des exportations chinoises, les Chinois ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas été prévenus".

Pour M. Stein, Mme Yellen est la personne indiquée pour tenter de convaincre la Chine de modifier sa stratégie, car "les Chinois voient son approche des problèmes comme celle d'une économiste, et non d'une politicienne".

Les liens personnels tissés entre la secrétaire au Trésor et son homologue He Lifeng, en charge des questions économiques au sein du Parti communiste chinois (PCC), aident aussi.

Lors de sa visite, c'est avec lui que Mme Yellen a le plus échangé: au total ils ont passé plus de 11 heures à discuter d'un éventail de sujets, de l'économie aux inquiétudes liées aux mesures prises au nom de la sécurité nationale.

Réponses communes 

Tous les grands problèmes dans la relation entre Pékin et Washington gérés voire résolus de manière efficace ces 45 dernières années l'ont été par des responsables ayant "noué des relations personnelles et développé une compréhension des exigences et limites de chacun", remarque Ryan Hass, spécialiste de la Chine au groupe de réflexion américain Brookings.

Le voyage de Mme Yellen ne visait pas à produire "des résultats faisant les gros titres", estime-t-il.

"Cela fait partie d'une stratégie plus large" vers une coopération dans des domaines tels que la lutte contre le blanchiment d'argent ou le financement d'actions pour le climat, tout en expliquant la stratégie du président Joe Biden en matière de sécurité nationale.

Et ce déplacement reflète la volonté de l'administration Biden de gérer les liens avec la Chine de façon diplomatique, car une grande partie des électeurs américains soutiennent l'idée d'un dialogue à haut niveau avec Pékin.

Une des possibles retombées de la visite de Mme Yellen est "l'imposition de nouvelles taxes douanières, ou au moins le lancement d'enquêtes pouvant ouvrir la voie à de nouvelles taxes", prédit Ilaria Mazzocco, chercheuse du Centre d'études stratégiques et internationales, un cercle de réflexion américain.

Des discussions sur les réponses communes à donner, par les Etats-Unis et l'Europe, au problème de surcapacité chinoise pourraient aussi avoir lieu, selon elle.

"Pour l'instant, il semble que la solution du gouvernement (chinois) soit d'encourager les entreprises, au moins dans le secteur des batteries et des véhicules électriques, à investir davantage dans des sites de production hors de Chine afin d'atténuer les tensions", indique Mme Mazzocco. Cela ne suffira peut-être pas à calmer les inquiétudes de Washington.



Sa simplicité et son maniement des baguettes ont fait sourire en Chine, mais la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen espère surtout avoir transmis un message sérieux ces derniers jours, au sujet des dangers de la surcapacité de production chinoise.

Pour son deuxième déplacement dans le pays asiatique en moins d'un an, la ministre des...