Le chef de l'Etat chypriote, Nikos Christodoulidès, et le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, se sont entendus, lundi, sur la nécessité que Chypre intercède auprès l'Union européenne (UE) pour la mise en place d'un accord avec le Liban sur le dossier des migrants syriens, selon un communiqué du Grand Sérail.
Cette question avait causé des remous récemment entre Beyrouth et Nicosie, ce qui semble avoir motivé la visite d'une journée du président Christodoulidès au Liban, la première depuis sa prise de fonction. La semaine dernière, M. Christodoulidès avait commenté l'afflux de migrants en provenance du Liban, exhortant le pays du Cèdre à ne pas « exporter son problème migratoire » et Nicosie avait estimé que la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, qui a déclenché des violences à la frontière israélo-libanaise, a affaibli les efforts de Beyrouth pour surveiller ses eaux territoriales et empêcher les départs de bateaux de migrants. Ce à quoi le Premier ministre libanais avait réagi, dans un Conseil des ministres, en appelant la communauté internationale à « comprendre » la situation.
Vers un accord migratoire avec l'UE ?
Selon le texte publié par la présidence du Conseil, après un aparté entre le président chypriote et Nagib Mikati, suivi d'une réunion élargie en présence notamment de responsables sécuritaires, il a été convenu que Chypre allait « faire pression sur l'UE pour mettre en place un « Cadre de travail », similaire à celui lancé avec l'Egypte et la Tunisie, afin que le Liban « bénéficie d'aides plus importantes de l'Union européenne », et que les migrants soient « incités à retourner dans leur pays ».
L'Union européenne a déjà conclu des accords avec plusieurs pays, notamment l'Egypte et la Tunisie, pour les aider à faire face à l'augmentation de la charge migratoire et, en fin de compte, éviter un débordement dans les 27 États membres de l'UE. Avec ces accords, les Européens attendent des pays d'origine ou de transit des migrants qu'ils stoppent les départs et qu'ils réadmettent leurs ressortissants en situation irrégulière dans l'UE, avec à la clé un paquet d'aide et des investissements. Les groupes de défense des droits humains ont vivement critiqué ces accords. Fin mars, le commissaire européen Margaritis Schinas avait déclaré, depuis Chypre, que l'UE pourrait conclure un tel accord avec le Liban.
Lors de la réunion avec le président chypriote, Nagib Mikati a souligné, selon le communiqué de la présidence du Conseil, que « le Liban et Chypre ont tous deux intérêt à trouver une solution au défi de l'émigration illégale », appelant à « une coopération bilatérale pour renforcer les institutions spécialisées dans le contrôle des frontières ».
Main dans la main
Le commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, a assisté à la réunion élargie au Sérail, tout comme les directeurs des Forces de sécurité intérieure, Imad Osman, et de la Sûreté générale, Elias Baïssari, et le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui. Le commandant de l'armée chypriote, le lieutenant général Georgios Tsitsikostas, était également présent, tout comme les ministres des Affaires étrangères Kostandinos Kompos, et de l'Intérieur Constantinos Ioannou.
Rappelant que le Liban est le pays qui reçoit le plus gros nombre de réfugiés dans le monde proportionnellement à sa population, le Premier ministre libanais a soutenu que le pays « ne peut supporter un tel poids démographique ». Et de souligner les efforts de l'armée et des forces de sécurité pour mettre un terme à l'émigration clandestine. « Le retour de ces migrants vers des zones sûres en Syrie est la seule option possible, à moins de les relocaliser dans des pays tiers », a insisté M. Mikati. « Les deux pays travailleront main dans la main pour empêcher les opérations clandestines et instaurer la paix et la sécurité en Méditerranée », a-t-il aussi promis.
« Assistance substantielle » de la Commission européenne
Face au « flux grandissant du nombre de migrants clandestins syriens » en provenance du Liban et de Syrie, Nikos Christodoulidès s'est dit « compréhensif de la position officielle libanaise qui prône le retour des déplacés syriens (majoritairement réfugiés économiques) vers des zones sûres en Syrie », selon le communiqué du Sérail. C'est dans ce cadre que le président chypriote s'est engagé à assurer le soutien de son pays au Liban auprès de toutes les instances internationales.
Sur son compte X, la présidence chypriote a indiqué que le sujet des « flux grandissants de migrants réguliers du Liban vers Chypre » était l'unique dossier abordé lors des discussions. La publication évoque un « accord sur une coopération chyprio-libanaise, avec une assistance substantielle de la Commission européenne » sur cette question.
M. Christodoulidès s'est par la suite rendu à Aïn el-Tiné où il s'est concerté avec le président du Parlement libanais Nabih Berry.
Crise migratoire
Avec le retour des beaux jours, les départs clandestins depuis le littoral libanais vers Chypre sont en augmentation constate, provoquant des remous entre Beyrouth et Nicosie. D'après Reuters, au moins 600 Syriens en provenance du Liban sont arrivés à Chypre au cours des quatre premiers jours d’avril à bord de petites embarcations, à la faveur d'une météo clémente. La traversée maritime entre le Liban ou la Syrie et Chypre dure environ 10 heures. Plus de 2000 personnes sont arrivées à Chypre par la mer au cours des trois premiers mois de cette année, contre seulement 78 au cours de la même période en 2023, selon les données officielles.
« Ces arrivées quasi quotidiennes constituent une grave crise », avait déclaré mercredi dernier le président chypriote, Nikos Christodoulides, lors d'une réunion du Conseil des ministres.
Le pays du cèdre compte actuellement 784.884 réfugiés syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), selon les chiffres de décembre 2023. L’estimation officielle reste autour de 1,5 million, y compris ceux qui ne sont pas enregistrés auprès du HCR, faisant du Liban le pays avec la plus forte population de réfugiés par habitant dans le monde.
Neuf pour cent des réfugiés syriens au Liban vivent dans l’extrême pauvreté, selon l'ONG internationale Human Rights Watch.
Ce ne sont pas des aides que le pouvoir corrompu devrait de aider mais le retour sans condition ou l’ouverture des frontières vers l’’Europe de tous syriens qui se trouvent au Liban.
11 h 41, le 10 avril 2024