La dernière campagne qui a visé le patriarche maronite a soulevé un tollé dans les milieux chrétiens. Il est impératif de mettre l’accent aujourd’hui sur les constantes de l’Église. La position du patriarche maronite, le cardinal Boutros Raï, face à la situation actuelle s’inscrit dans le contexte des constantes de l’Église universelle et celles du patriarcat maronite vis-à-vis de l’entité du Liban, de la coexistence nationale et de son rôle messager.
Ces trois titres ou concepts résument ces constantes et constituent leur traduction pratique. Mais, face aux dangers et aux menaces auxquels ces titres sont confrontés, voire leurs ramifications dans la vie politique quotidienne, le patriarche se voit appelé à mettre en garde contre ces menaces et s’y opposer. La crise nationale qui dure depuis plusieurs années est la manifestation évidente de ces menaces qui mettent le Liban en danger. Elle est le résultat de facteurs intérieurs et extérieurs. Il n’est pas surprenant, dans le concept géopolitique, que le Liban connaisse une telle crise au milieu des changements radicaux dans les systèmes, la démographie et la géopolitique de la région. Ce n’est un secret pour personne que ces changements ciblent l’entité libanaise, son modèle de coexistence et le concept de son rôle messager.
Nous n’avons pas besoin par ailleurs de chercher à mettre en évidence les aspects de ce ciblage. Il suffit, à cet égard, de mentionner :
– La présence de plus de deux millions de déplacés syriens au Liban.
– La présence des réfugiés palestiniens au Liban.
– La ruée vers le changement de l’identité de la terre libanaise en achetant ou en s’emparant des terres des chrétiens.
– L’effondrement financier sans précédent.
– La migration massive des jeunes Libanais.
– Le déséquilibre dans l’administration publique.
– L’entrave du travail du pouvoir judiciaire et la déstabilisation de la confiance intérieure et extérieure à son égard.
– L’implication d’une partie libanaise importante dans les conflits et les guerres de la région va à l’encontre des directives du patriarche, voire à sa confrontation.
– L’oreille que prête une autre partie libanaise aux signaux de l’étranger et s’y rattache s’oppose également aux directives du patriarche et s’y confronte.
– La prolongation du vide présidentiel depuis presque un an et demi. Le blocage continu des élections présidentielles constitue un coup d’État contre le rôle historique des chrétiens au Liban et en Orient, ce qui, sciemment ou inconsciemment, effondre ce rôle qui a contribué à créer la civilisation du commun et la coexistence avec les musulmans.
Lorsque le patriarche Raï aborde ces dilemmes fatidiques, il se voit confronté à des voix, des difficultés et des défis, qui riment, intentionnellement ou non, avec les plans visant le Liban. Dans la logique naturelle, plus les problèmes sont graves plus les solutions coûtent cher. Sur cette base, quand les campagnes s’intensifient contre le patriarche il est de plus en plus déterminé à faire face aux grands dangers.
Ainsi, le tollé qui a été suscité dernièrement par les propos du patriarche ne peut être que le « fruit attendu » et généré par notre situation nationale actuellement très critique. Cela ne peut surprendre d’aucuns qui comprennent ce que le Liban endure en conséquence du vécu régional.
Quant aux questions que l’on se pose sur le « non-ralliement des partis chrétiens » avec le patriarche Raï, plusieurs réponses s’y prêtent : ce n’est pas vrai que ces partis ne sont pas rassemblés autour du patriarche, ils le sont aussi fort que le sont les trompettes de la campagne menée contre lui. La campagne menée contre le patriarche n’a pas été lancée par des autorités aussi importantes pour pouvoir être confrontée dans la même mesure. Il n’est ni nécessaire ni justifié de « mobiliser » contre le patriarche, ceci pouvant alimenter les aspects sectaires des querelles déjà existantes. La campagne menée contre le patriarche n’a pas d’identité confessionnelle mais plutôt politique.
Des parties chrétiennes et musulmanes s’opposent au patriarche qui tient aux constantes historiques de l’Église et ceci parce que celles-ci ne sont « fidèles » ni à l’entité libanaise, ni à la coexistence, ni au Liban-message.
Président du rassemblement maronite pour le Liban
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